Jurisprudence : CE 2/6 SSR, 06-07-1992, n° 122874

CE 2/6 SSR, 06-07-1992, n° 122874

A7368ARC

Référence

CE 2/6 SSR, 06-07-1992, n° 122874. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/978088-ce-26-ssr-06071992-n-122874
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CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 122874

M. STEFAN

Lecture du 06 Juillet 1992

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du Contentieux, 2ème et 6ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du Contentieux,
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 4 février 1991, présentée pour M. Giovanni STEFAN, demeurant 38 boulevard Saint-Marcel à Paris (75005) ; M. STEFAN demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le décret en date du 13 décembre 1990 accordant son extradition aux autorités italiennes pour tous les chefs de leur demande à l'exception du mandat d'arrêt décerné le 2 novembre 1981 par le juge d'instruction de Milan ; 2°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce décret ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Chauvaux, Auditeur, - les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Giovanni STEFAN, - les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions du ministre de la justice tendant à ce qu'il soit constaté qu'il n'y a lieu à statuer sur la requête de M. STEFAN :
Considérant que M. STEFAN demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 13 décembre 1990 accordant son extradition aux autorités de la République italienne pour tous les chefs de leur demande à l'exception du mandat d'arrêt décerné le 2 novembre 1981 par le juge d'instruction de Milan pour participation à bande armée, incitation à associations subversives, propagande en vue du bouleversement violent de l'ordre économique et social de l'Etat ; que par un nouveau décret, en date du 14 mai 1991, les dispositions du décret du 13 décembre 1990 qui ont autorisé la remise de M. STEFAN aux autorités italiennes ont été rapportées ; Mais considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, en particulier, d'une note du ministre de la justice en date du 9 août 1991 que M. Giovanni STEFAN a reçu notification le 28 janvier 1991 du décret du 13 décembre 1990 accordant son extradition aux autorités italiennes et a alors été réincarcé sur le fondement de ce titre avant d'être remis en liberté le 22 mars 1991 ; que, par suite, compte tenu du commencement d'exécution du décret attaqué, la requête de M. STEFAN n'est pas devenue sans objet ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant que le décret attaqué, après avoir relevé que les faits visés au mandat d'arrêt du 2 novembre 1981 étant de nature politique, l'extradition ne peut être accordée de ces chefs, énumère les différentes infractions pour lesquelles M. STEFAN est recherché par la justice italienne, et précise que ces infractions répondent aux exigences de la convention européenne d'extradition, sont punissables en droit français et non prescrites, n'ont pas un caractère politique ; qu'il n'apparaît pas que la demande d'extradition ait été présentée aux fins de poursuivre ou de punir l'intéressé pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ou que sa situation risque d'être aggravée pour l'une de ces raisons ; qu'ainsi le décret attaqué satisfait aux exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier transmis aux autorités françaises par les autorités de la République italienne que M. STEFAN a fait l'objet de mandats demeurés exécutoires ; que, par suite, le décret attaqué accordant son extradition aux autorités italiennes n'est pas intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article 12 de la convention européenne d'extradition qui prescrivent que toute demande d'extradition soit assortie de la production d'un acte exécutoire ;
Considérant que les infractions pour lesquelles plusieurs mandats d'arrêts ont été lancés à l'encontre de M. STEFAN n'étaient pas prescrites à la date de la demande d'extradition, ni au regard de la législation française, ni au regard de la législation italienne ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient M. STEFAN, et compte tenu de la qualification juridique des faits opérée par les autorités de l'Etat requérant, ni les infractions, ni les peines pour lesquelles l'extradition est demandée, n'ont été amnistiés ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne d'extradition : "1 - L'extradition ne sera pas accordée si l'infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par la partie requise comme une infraction politique ou comme un fait connexe à une telle infraction ; 2 - La même règle s'appliquera si la partie requise a des raisons de croire que la demande d'extradition motivée par une infraction de droit commun a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir un individu pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ou que la situation de cet individu risque d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons" ; que la circonstance que les infractions commises par M. STEFAN qui ne sont pas politiques par leur objet auraient eu pour but de renverser l'ordre établi en Italie ne suffit pas, compte tenu de leur gravité, à les faire regarder comme ayant un caractère politique ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'affaire, l'extradition de M. STEFAN ait été demandée par le gouvernement italien dans un but autre que la répression d'infractions de droit commun ; que le requérant n'est, dès lors, pas fondé à soutenir qu'elle aurait été demandée dans un but politique ;
Considérant que si M. STEFAN a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par arrêté du 8 mars de la cour d'assises d'appel de Milan selon la procédure de contumace, il ressort des pièces du dossier que cet arrêt a été cassé par un arrêt du 3 mars 1987 de la cour suprême de cassation italienne ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait été jugé selon une procédure contraire aux dispositions de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et aux réserves du gouvernement français lors de la ratification de la convention européenne d'extradition est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité du décret accordant l'extradition de M. STEFAN aux autorités italiennes à raison des mandats d'arrêts décernés contre lui ;
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 1er des réserves émises par la France lors de la ratification de la convention européenne d'extradition : "L'extradition pourra être refusée si la remise est susceptible d'avoir des conséquences d'une gravité exceptionnelle pour la personne réclamée, notamment en raison de son âge ou de son état de santé" ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en estimant que la remise de M. STEFAN aux autorités italiennes ne risquait pas d'entraîner des conséquences d'une gravité exceptionnelle pour la santé de l'intéressé les auteurs du décret attaqué ait commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. STEFAN n'est pas fondé à demander l'annulation du décret accordant son extradition aux autorités italiennes ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. STEFAN est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. STEFAN et au garde des sceaux, ministre de la justice.

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