M. [Y] [G] a présenté, par mémoires spéciaux reçus le 6 avril 2023, des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-12, en date du 9 mai 2022, qui, pour détournement de fonds publics, complicité et recel de ce délit, recel et complicité d'abus de biens sociaux, l'a condamné à quatre ans d'emprisonnement avec sursis, 375 000 euros d'amende, dix ans d'inéligibilité, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des observations ont été produites.
Sur le rapport de M. de Lamy, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard et de la SCP Spinosi, avocats de M. [Y] [G], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, l'avocat du demandeur ayant la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 28 juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. de Lamy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, Mme Mathieu, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'
article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'
article L. 110 du code électoral🏛, qui proscrit l'exercice de poursuites à l'encontre d'un candidat à une fonction électorale avant la proclamation du scrutin, méconnaît-il le principe de la présomption d'innocence, garanti par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, celui de la séparation des pouvoirs, résultant l'article 16 de la même Déclaration, ainsi que celui de la loyauté du suffrage, garanti par l'article 3 alinéa 3 de la Constitution, en ce que son champ d'application se borne aux seules infractions prévues par les
articles L. 106 et L. 108 du même code🏛🏛 ? ».
2. Selon les
articles 23-2 et 23-4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958🏛🏛, une question prioritaire de constitutionnalité ne peut être renvoyée au Conseil constitutionnel que lorsque la disposition contestée est applicable au litige ou constitue le fondement des poursuites.
3. L'article L. 110 du code électoral, dont le champ d'application ne couvre pas le litige, n'est pas entaché de l'incompétence négative qu'allègue le mémoire spécial, dès lors que la question posée entend reprocher, en réalité, au législateur de ne pas avoir conféré à cette disposition un objet différent.
4. La disposition contestée n'est donc pas applicable au litige.
5. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.
6. La seconde question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'
article 385 du code de procédure pénale🏛, en ce qu'elles ne prévoient pas qu'il soit dérogé au principe de la purge des nullités de procédure prévu par l'
article 179 in fine du même code🏛 s'agissant des moyens de nullité dont le prévenu ne pouvait avoir connaissance avant la clôture de l'instruction, méconnaissent-elles le principe des droits de la défense et le droit à un recours effectif garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? ».
7. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas été déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
8. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
9. La question posée présente un caractère sérieux, en ce que le mécanisme de la purge des nullités résultant de l'article 385, alinéa 1, du code de procédure pénale, ne prévoit pas d'exception en faveur de la personne prévenue qui n'a pu avoir connaissance du moyen de nullité que postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a ainsi pu contester la régularité d'un acte de la procédure, ce qui est de nature à la priver du droit à un recours juridictionnel effectif et à porter atteinte à l'exercice des droits de la défense.
10. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.