CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 92781
Mlle Decuers
Lecture du 07 Février 1992
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 novembre 1987 et 22 mars 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mlle Marguerite DECUERS, demeurant villa Notre-Dame 19, place de la Porte d'Orée à Fréjus (83600) ; Mlle DECUERS demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement en date du 4 septembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du commissaire de la République du département du Var du 3 décembre 1985 déclarant d'utilité publique l'acquisition des immeubles nécessaires à l'aménagement d'un parc de stationnement quartier de la porte d'Orée à Fréjus, 2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Seban, Auditeur, - les observations de la S.C.P. de Chaisemartin, avocat de la ville de Fréjus, - les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ; Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Fréjus :
Sur la régularité de l'enquête publique :
Considérant que si Mlle DECUERS soutient que l'arrêté prolongeant l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique aurait dû faire l'objet, huit jours après sa publication dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département, d'un rappel effectué par voie de presse dans les mêmes conditions, les dispositions de l'article R. 11-4 du code de l'expropriation n'imposent un tel rappel que pour la publication de l'avis d'ouverture de l'enquête publique, et non pour celle de l'avis annonçant la prolongation d'une enquête publique ; qu'ainsi, en l'absence de dispositions particulières applicables à la date de la décision attaquée à la publicité de l'avis de prolongation de l'enquête publique, la publicité dudit avis, dont il résulte des pièces du dossier qu'il a été publié dans deux journaux régionaux diffusés dans tout le département, a été suffisante ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prescrit que la consultation de l'architecte des bâtiments de France, lorsqu'elle est nécessaire, soit effectuée postérieurement à l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique d'une opération ; qu'ainsi, la circonstance qu'un tel avis aurait été sollicité au cours de l'enquête et que le commissaire-enquêteur y aurait fait référence en ses conclusions n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le rapport d'enquête est conforme aux exigences législatives et réglementares auxquelles doit satisfaire le contenu d'un tel document ;
Considérant que si Mlle DECUERS soutient que le commissaire-enquêteur aurait fait preuve de partialité, elle n'apporte aucun élément de nature à établir ses allégations ;
Sur la violation du plan d'occupation des sols :
Considérant que les dispositions applicables en zone INA du plan d'occupation des sols qui prévoient que : "l'aménagement de ces secteurs pourra s'effectuer dans le cadre d'opérations d'urbanisme concertées" n'imposent pas à l'administration de recourir à des opérations d'urbanisme concertées ;
Considérant que le moyen tiré de ce que le projet qui fait l'objet de la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions de l'article INA 2 du plan d'occupation des sols manque en fait ;
Sur la méconnaissance des dispositions de l'article R. 11-27 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :
Considérant que le moyen tiré de ce que l'arrêté de cessibilité méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 11-27 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui sont applicables non à l'acte déclaratif d'utilité publique mais à l'arrêté de cessibilité, est inopérant ;
Sur l'utilité publique du projet :
Considérant que si la requérante soutient que la construction du parc de stationnement déclarée d'utilité publique par l'arrêté litigieux pouvait être réalisée dans des conditions équivalentes sur un pré dont la commune est propriétaire, il ressort des pièces du dossier que la situation de ce terrain par rapport au centre ville était différente de celle des terrains appartenant à la requérante ; que, dès lors, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur l'opportunité du choix effectué par la commune ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, compte tenu des difficultés de stationnement constatées au centre ville de Fréjus, secteur à forte fréquentation touristique où les possibilités de stationnement des véhicules automobiles sont limitées, la construction du parc public de stationnement objet de l'opération litigieuse présente un caractère d'utilité publique ; que le coût de l'opération n'est pas manifestement disproportionné aux possibilités financières de la commune ; que les inconvénients liés aux nuisances sonores et la pollution sont le corollaire de la circulation automobile ; que s'il est constant que l'opération dont s'agit doit entraîner la disparition de bouquets d'arbres situés sur la propriété de la requérante, il ressort des pièces du dossier que le projet prend en compte l'intérêt attaché à la protection des espaces verts en prévoyant des plantations sur la dalle du parc de stationnement ; que si le projet se situe dans le périmètre de protection du monument classé de la porte d'Orée et d'une réserve archéologique il n'est pas établi que l'opération en cause ne pouvait satisfaire aux exigences résultant de la protection de ce monument et de la préservation et de la mise en valeur des vestiges archéologiques ultérieurement découverts et qui ont fait l'objet d'une mesure de classement ; qu'il résulte de ce qui précède que les atteintes à la propriété privée, le coût financier, et les autres inconvénients de l'opération litigieuse ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle DECUERS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui répond à l'ensemble des moyens présentés en première instance par la requérante, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de Mlle DECUERS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mlle DECUERS, à la commune de Fréjus et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace.