Jurisprudence : Cass. com., 05-07-2023, n° 22-10.436, F-B, Cassation

Cass. com., 05-07-2023, n° 22-10.436, F-B, Cassation

A367698N

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:CO00493

Identifiant Legifrance : JURITEXT000047805355

Référence

Cass. com., 05-07-2023, n° 22-10.436, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/97579901-cass-com-05072023-n-2210436-fb-cassation
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Abstract

Aux termes de l'article 553 du code de procédure civile, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit ses effets à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance et l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance. Selon l'article 547 du même code, en matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance. L'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances, sur l'invitation du juge-commissaire, s'inscrit dans cette même procédure, laquelle est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur. Il en résulte que la partie qui saisit le juge compétent doit mettre en cause, devant ce juge les deux autres parties, dont, le cas échéant, le débiteur qui est une partie nécessaire en tant que titulaire, en matière de vérification du passif, d'un droit propre. Par conséquent, même si le débiteur n'a pas été appelé devant le juge compétent saisi, sur invitation du juge-commissaire, pour trancher la contestation d'une créance, le créancier, appelant du jugement rendu par ce juge, doit intimer le débiteur devant la cour d'appel pour que son appel soit recevable


COMM.

FB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 juillet 2023


Cassation partielle sans renvoi


M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 493 F-B

Pourvoi n° Y 22-10.436


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 JUILLET 2023


Le Fonds commun de titrisation Cedrus, ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], représenté par la société MCS et associés, société par actions simplifiée à associé unique, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la Société générale, a formé le pourvoi n° Y 22-10.436 contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société MJ Alpes, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de Mme [Aa] [M], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société HPH,

2°/ à la société HPH, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4],

défenderesses à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat du Fonds commun de titrisation Cedrus, de la SCP Richard, avocat de la société HPH et de la société MJ Alpes, ès qualités, après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 19 octobre 2021), le 6 juin 2017, la liquidation judiciaire de la Société d'exploitation Electric Boutic a été étendue à la société HPH. La Société générale (la banque), qui avait accordé un prêt à la société Electric Boutic garanti par une hypothèque consentie par la société HPH, a déclaré une créance privilégiée qui a été contestée. Par une ordonnance du 28 août 2018, le juge-commissaire a constaté que l'appréciation de la validité de la garantie hypothécaire consentie par la société HPH, qui constituait le motif de contestation, ne relevait pas de son office juridictionnel, sursis à statuer et renvoyé la banque à mieux se pourvoir.

2. Le 25 septembre 2018, la banque a assigné devant le tribunal la société MJ Alpes, en sa qualité de liquidateur de la société HPH. Par un jugement du 30 avril 2019, le tribunal a déclaré l'action de la banque irrecevable au motif qu'elle n'avait pas assigné la société HPH, titulaire d'un droit propre en matière de vérification du passif.

3. La banque a fait appel du jugement en intimant le liquidateur. Par conclusions du 9 juillet 2020, le Fonds commun de titrisation Cedrus (le FCT Cedrus), ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, cessionnaire de la créance de la banque, est intervenu volontairement à l'instance, puis a appelé en intervention forcée la société HPH. Le 15 octobre 2020, il a fait appel du jugement en intimant le liquidateur et la société HPH.

4. Le FCT Cedrus a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état déclarant irrecevable cet appel.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le FCT Cedrus, ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel formé à l'encontre de la société HPH par déclaration du 15 octobre 2020, alors « que l'instance en vérification des créances diligentée devant le juge-commissaire et l'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties s'inscrivent dans une même procédure indivisible ; qu'en conséquence, lorsque étaient parties à l'instance devant le juge-commissaire le créancier, le débiteur et le liquidateur, et que dans le cadre de l'instance devant la juridiction compétente n'étaient présents que le créancier et le liquidateur, le créancier est recevable à intimer, dans sa déclaration d'appel, le débiteur ; qu'en effet, le débiteur était bien présent à l'instance devant le juge-commissaire laquelle est indivisible de celle tenue devant la juridiction compétente ; qu'en l'espèce, il est constant aux débats que dans le cadre de l'instance devant le juge-commissaire étaient présents, appelés et représentés, la Société générale, aux droits de laquelle vient le FCT Cedrus, la SCI HPH et la Selarl MJ Alpes, ès qualités ; qu'en revanche, il n'est pas contesté que la SCI HPH n'avait pas été appelée à l'instance au fond tenue devant le tribunal de commerce d'Annecy ; qu'il n'en demeurerait pas moins qu'en raison de l'indivisibilité des procédures le FCT Cedrus pouvait intimer la SCI HPH, présent lors de la première instance ; qu'en retenant pourtant que "la SCI HPH n'étant pas partie à l'instance devant le tribunal de commerce et ne pouvant être regardée comme l'ayant été, l'appel formé à son encontre par la déclaration du 15 octobre 2020 est irrecevable", la cour d'appel a violé les articles 552 et 553 du code de procédure civile🏛🏛 par refus d'application, et 547 dudit code par fausse application. »


Réponse de la Cour

Vu les articles 553 et 547 du code de procédure civile🏛 :

6. Aux termes du premier texte, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance et l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance. Selon le second, en matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance.

7. L'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances, sur l'invitation du juge-commissaire, s'inscrit dans cette même procédure, laquelle est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur. Il en résulte que la partie qui saisit le juge compétent doit mettre en cause devant ce juge les deux autres parties, dont le cas échéant le débiteur qui est une partie nécessaire en tant que titulaire, en matière de vérification du passif, d'un droit propre.

8. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt énonce que seules les personnes qui ont été parties en première instance peuvent être intimées, et relève que si la société HPH a bien été partie à l'instance de vérification de créance devant le juge-commissaire, elle n'a pas été appelée à l'instance distincte et autonome qui a été introduite devant le tribunal de commerce par la banque, par assignation du 25 septembre 2018, et en déduit que la société HPH non partie en première instance, ne pouvait être intimée.

9. En statuant ainsi, alors que la société débitrice devait être intimée par le créancier, appelant du jugement rendu par le juge compétent saisi, sur invitation du juge-commissaire, pour trancher la contestation de sa créance, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. A la demande du FCT Cedrus, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire🏛 et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'appel formé contre la société HPH par déclaration du 15 octobre 2020, l'arrêt rendu le 19 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare recevable l'appel formé par le Fonds commun de titrisation Cedrus contre la société HPH par déclaration du 15 octobre 2020 ;

Condamne la société HPH et la société MJ Alpes, en qualité de liquidateur de la société HPH, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.

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