Jurisprudence : CA Aix-en-Provence, 29-06-2023, n° 23/02434, Infirmation

CA Aix-en-Provence, 29-06-2023, n° 23/02434, Infirmation

A286598M

Référence

CA Aix-en-Provence, 29-06-2023, n° 23/02434, Infirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/97564673-ca-aixenprovence-29062023-n-2302434-infirmation
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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2


ARRÊT

DU 29 JUIN 2023


N° 2023/ 479


Rôle N° RG 23/02434 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BKZAaX


[L] [Ab] épouse [W]


C/


[N] [G]


Copie exécutoire délivrée

le :


à :


Me Lisa VIETTI


Décision déférée à la Cour :


Ordonnance de référé rendue par le Président du Juge des contentieux de la protection de MARSEILLE en date du 15 Décembre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/04483.



APPELANTE


Madame [Aa] [Ab] épouse [Ac]

née le … … … à [… …] (…), … [… …] et faisant éléction de domicile au siège de la SAS CABINET LAUGIER FINE sise [Adresse 1]


représentée par Me Lisa VIETTI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE


INTIME


Monsieur [N] [G]

né le … … … en ALGERIE, demeurant [… …]


défaillant


*-*-*-*-*


COMPOSITION DE LA COUR


L'affaire a été débattue le 23 Mai 2023 en audience publique devant la cour composée de :


M. Gilles PACAUD, Président

Mme Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Myriam GINOUX, Conseillère rapporteur


qui en ont délibéré.


Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.


ARRÊT


Contradictoire,


Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023,


Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


***


EXPOS'' DU LITIGE


Mme [Aa] [Ab] épouse [W] est propriétaire d'un immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 6], l'ayant reçu selon testament de son père, [Y] [O], décédé le 21 octobre 2021.


En se rendant sur les lieux, elle s'est aperçue qu'une personne occupait le local commercial, sis au rez de chaussée de cet immeuble et a mandaté un huissier de justice afin qu'il constate l'occupation illégale de sa propriété.


Me [H], huissier de justice à [Localité 5] , a donc établi un procès verbal de constat le 3 août 2022.


Par acte en date du 5 octobre 2022, Mme [Aa] [Ab] épouse [W] a fait assigner Mme [N] [G] devant le juge des contentieux de la protection, près le pôle de proximité du tribunal judiciaire de Marseille, statuant en référé, en vue de solliciter l'expulsion de Mme [N] [G] .



Par ordonnance réputée contradictoire du 15 décembre 2022, ce magistrat a :

- dit n'y avoir lieu à référé,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- laissé les dépens à la charge de la partie demanderesse.


Le premier juge a relevé qu'en vertu des dispositions de l'article L 213-4-1 du code de l'organisation judiciaire🏛 , le juge des contentieux de la protection n'était compétent que pour les baux d'habitation, les crédits à la consommation , le surendettement et les tutelles ; que le litige opposant Mme [Ad] [G] à Mme [Aa] [Ab] épouse [W] concerne une occupation sans droit ni titre d'un local commercial qui ne relève pas de compétence du juge des contentieux de la protection ; qu'en conséquence, il n'y avait pas lieu à référé.



Par déclaration reçue le 13 février 2023, Mme [Aa] [Ab] épouse [W] a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.


Dûment autorisée par ordonnance du 17 février 2023, elle a assigné Mme [N] [G] par assignation à jour fixe délivrée le 17 mars 2023 en l'étude de l'huissier.


Aux termes de sa requête et de ses conclusions transmises le 14 février 2023,

auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits et de la procédure et des moyens des parties, Mme [Aa] [Ab] épouse [W] demande à la cour qu'elle :

- infirme l'ordonnance de référé entreprise,

Et statuant au fond en vertu de son pouvoir d'évocation,

- constate que Mme [N] [G] est entrée dans son local commercial, par effraction, en vue de l'y habiter,

- constate l'occupation sans droit ni titre de Mme [N] [G] aux fins d'habitation,

- ordonne son expulsion et celle de tous occupants de son chef, si besoin avec le concours de la force publique e'un témoin et d'un serrurier ,

- juge que cette expulsion sera immédiate et sans attendre l'issue du délai de deux mois après signification d'un commandement d'avoir à quitter les lieux en application des dispositions de l'article L 412-1 al 2 du code des procédures civiles d'exécution et pourra avoir lieu en toute période de l'année en application de l''article L 412-6 du dit code,

- condamne Mme [N] [G] et tous les occupants de son chef à quitter les lieux immédiatement , à la vue de la minute, sous astreinte de 200 euros par jour de retard,

- condamne Mme [N] [G] au paiement de la somme de 2 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ,

-outre les entiers dépnes de l'instance.


Elle soutient que le premier juge a commis une erreur manifeste d'appréciation du paramètre de sa compétence , particulièrement préjudiciable en ce que ce moyen a été relevé d'office, sans faire l'objet d'une réouverture des débats, en méconnaissance flagrante du principe du contradictoire.

S'agissant de sa compétence, elle fait valoir que le juge des contentieux de la protection , aux termes de l'article L 213-4-3 du COJ🏛 connaît des actions tendant à l'expulsion des personnes qui occupent, aux fins d'habitation, des immeubles bâtis, sans droit ni titre ; que ce critère de compétence matérielle est lié exclusivement à la finalité et aux modalités de l'occupation illicite par le squatteur, peu importe que l'immeuble bâti n'ait pas pour vocation initiale/ normale, d'être occupé aux fins d'habitation.

Elle précise que les pièces versées au dossier et particulièrement le procès verbal de constat d'huissier révèlent incontestablement que Mme [N] [G] y habite, et que ce local , commercial à l'origine, a été détourné par Mme [N] [G] à titre de logement et de domicile.

De surcroît, par application de l'article 44 du code de procédure civile🏛, la juridiction compétente en matière d'immeuble est celle du lieu de la situation de l'immeuble.

Qu'ainsi le juge des contentieux de la protection saisi était compétent matériellement et territorialement.

Elle sollicite sur le fond l'évocation par la Cour d'Appel d'Aix en Provence au visa de l'article 88 du code de procédure civile🏛.

Elle estime, en application de l'article 750 -1 al 3 du code de procédure civile, qu'elle avait un motif légitime de ne pas avoir recouru à la tentative de concliliation préalable, en raison de l'urgence manifeste mais aussi des ciorconstances de l'espèce, et du trouble manifestement illicite subi, l'occupation de Mme [Ad] [G] étant radicalement illégitime.

Elle fait valoir que la voie de fait est caractérisé, Mme [Ad] [G] ayant reconnu être entrée dans les lieux de façon irrégulière et par effraction, et qu'ainsi, elle se trouve privée de son droit fondamental de propriété posé par les artivcles 544 et suivants du code civil.

L'expulsion immédiate doit être prononcée, sans trève hivernale, et sous astreinte.


Mme [N] [G] n'a pas constitué avocat.



MOTIFS DE LA DÉCISION


Sur la compétence :


Aux termes des dispositions de l'articleL 213-4-1 du code de procédure civile, 'le juge des contentieux de la protection connaît des actions tendant à l'expulsion des personnes qui occupent aux fins d'habitation des immeubles bâtis, sans droit ni titre.'


Le critère de compétence matérielle du juge des contentieux de la protection est donc lié à la finalité et aux modalités de l'occupation illicite par le squatteur, et non à la nature de l'immeuble, la notion d'immeuble bâti n'étant pas réduite aux seuls immeubles d'habitation et incluant les immeubles à usage de bureaux, locaux, entrepôts qui servent à l'habitation des squatteurs, même si cela n'était pas leur destination initiale.


Il résulte incontestablement du procès verbal de constat d'huissier établi le 3 août 2022 que Mme [N] [G] a investi le local commercial appartenant à Mme [W], à titre de logement et de domicile habituel.


Dès lors, c'est à tort que le premier juge a décliné sa compétence et la cour évoquera le fond de cette affaire en application des dispositions de l'article 88 du code de procédure civile.


Il convient donc d'infirmer l'ordonnance entreprise.


Sur l'occupation sans droit ni titre et l'expulsion sollicitée :


Il résulte du procès verbal de constat dressé par la SCP d'huissiers de justice [H]-LAMBEERT et BUSUTTIL, le 3 août 2022, que la serrure d'entrée du local porte des traces d'effraction et que, interrogée par l'huissier, l'occupante des lieux, après avoir décliné son identité, a confirmé être entrée dans ces lieux par effraction, pour les habiter.


La voie de fait est ainsi caractérisée et Mme [N] [G] est en conséquence occupante sans droit ni titre de ce local, et ce, à usage d'habitation.


Mme [Aa] [W] née [O] est donc recevable à recouvrer son droit de propriété sur cet immeuble, droit fondamental institué par l'article 544 du code civil🏛 et l'article 17 de la constitution du 4 octobre 1958, bien dont elle est privée depuis au moins le 3 août 2022, date du constat d'huissier.


Au regard des articles L. 412-1 alinéa 2 du codedes procédures civiles d'exécution et L. 613-3 alinéa 2 du Code de la construction et de l'habitation et L 412-6 du code des procédures civiles d'exécution🏛 qui disposent successivement que :

- article L. 412-1 al 2: « Le délai prévu au premier alinéa du présent article ne s'applique pas lorsque le juge qui prononce l'expulsion constate que les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait »,


- article L. 613-3 al. 2 : « Les dispositions du présent article ne sont toutefois pas applicables lorsque les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait... »,


- art L 412-6 :'par dérogation au premier alinéa du présent article, ce sursis ne s'applique pas lorsque la mesure d'expulsion a été prononcée en raison d'une introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui par voie de fait, '


l'expulsion immédiate sera ordonnée, l'occupante ne pouvant se prévaloir des délais de deux mois institué à l'article L 412-1 sus cité pas plus que de la trève hivernale.


A défaut d'un départ spontané de l'occupante après la délivrance d'un commandement d'avoir à quitter les lieux, cette expulsion sera assortie d'une astreinte de 200 € par jour de retard, 48 heures après la délivrance du dit commandement, et sur une durée de trois mois.


Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile


L'ordonnance entreprise doit être infirmée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.


Mme [N] [G] qui succombe supportera les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.


L'équité justifie la condamnation de Mme [N] [G] à payer à Mme [Aa] [W] née [O] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.



PAR CES MOTIFS


La Cour,


Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,


Statuant de nouveau et y ajoutant,


Dit que le juge des référés du pôle de proximité du tribunal judiciaire de Marseille était compétent pour connaître du présent litige,


Evoque l'affaire,


Ordonne l'expulsion immédiate de Mme [N] [G] et de tous occupants de son chef du local commercial situé au rez-de-chaussée de l'immeuble sis [Adresse 3],


Dit qu'à défaut de départ volontaire de Mme [N] [G], dans les suites de la délivrance d'un commandement d'avoir à quitter les lieux, cette expulsion sera exécutée avec le concours de la force publique, et d'un serrurier,


Assortit cette expulsion d'une astreinte d'un montant de 200 € par jour de retard passé ce délai de 48 heures après la délivrance du commandement de quitter les lieux, pendant une durée de trois mois,


Dit que cette expulsion se fera sans attendre l'issue du délai de deux mois prévu par l'article L 412-1 al 2 du code des procédures civiles d'exécution et en toute période de l'année,


Condamne Mme [N] [G] aux entiers dépens de première instance et d'appel,


Condamne Mme [N] [G] à verser à Mme [Aa] [W] née [O] une indemnité de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.


la greffière le président

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