Jurisprudence : CE 1/4 ch.-r., 30-06-2023, n° 464587, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 1/4 ch.-r., 30-06-2023, n° 464587, mentionné aux tables du recueil Lebon

A805097B

Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2023:464587.20230630

Identifiant Legifrance : CETATEXT000047773968

Référence

CE 1/4 ch.-r., 30-06-2023, n° 464587, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/97477226-ce-14-chr-30062023-n-464587-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

04-02-06 1) Il résulte de la combinaison des articles L. 262-1 et L. 262-4 du code de l’action sociale et des familles (CASF) et des deux premiers alinéas de l’article L. 6111-1 du code du travail, éclairés par les travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008, que si les élèves et les étudiants ayant plus de vingt-cinq ans ne peuvent bénéficier du revenu de solidarité active (RSA), y compris lorsqu’ils suivent une formation en milieu professionnel ou réalisent un stage, il en va différemment des stagiaires de la formation professionnelle continue, dès lors qu’ils remplissent par ailleurs l’ensemble des conditions d’ouverture des droits. ...2) a) Il résulte des articles L. 6313-1, L. 6313-2 et L. 6313-3 du code du travail, du premier alinéa de l’article L. 811-1 du code de l’éducation et des articles L. 6351-1, L. 6353-1, L. 6353-3 et L. 6316-1 du code du travail que doivent être regardées comme stagiaires de la formation professionnelle continue les personnes qui suivent une action de formation qui entre dans le champ d’application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue, qui est dispensée par un organisme dont la déclaration d’activité a été enregistrée par l’autorité administrative et qui fait l’objet d’un contrat de formation professionnelle entre l’intéressé et le dispensateur de la formation ou d’une convention de formation entre l’acheteur de la formation et le dispensateur de la formation. ...b) Il en résulte également qu’une personne inscrite dans un établissement d’enseignement supérieur en tant que stagiaire de la formation professionnelle continue ne peut être regardée comme un étudiant au sens du 3° de l’article L. 262-4 du CASF.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 464587

Séance du 05 juin 2023

Lecture du 30 juin 2023

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 4ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

Mme A Michon a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler la décision, notifiée le 30 juin 2021 par le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Hérault, mettant fin à ses droits au revenu de solidarité active à compter du 1er octobre 2020 et mettant à sa charge un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 5 083,40 euros pour la période d'octobre 2020 à juin 2021, ainsi que la décision du 29 juillet 2021 par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a, sur son recours administratif préalable, confirmé la fin de ses droits et l'indu de revenu de solidarité active mis à sa charge, d'autre part de la décharger de l'obligation de payer la somme de 5 083,40 euros correspondant au montant de l'indu et d'enjoindre au département de l'Hérault de la rétablir dans ses droits au revenu de solidarité active à compter du 1er octobre 2020. Par un jugement n° 2106264 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juin et 12 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme Michon demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge du département de l'Hérault la somme de 3 500 euros à verser à son avocat, la SCP Yves Richard, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991🏛 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'éducation ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991🏛 ;

- la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008🏛 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Yves Richard, avocat de Mme Michon ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, sur décision du président du conseil départemental de l'Hérault du 15 juin 2021, le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Hérault a, par un courrier du 30 juin 2021, fait connaître à Mme Michon qu'il était mis fin à ses droits au revenu de solidarité active à compter d'octobre 2020 et mis à sa charge un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 5 083,40 euros sur la période d'octobre 2020 à juin 2021. Par une décision du 29 juillet 2021, prise sur recours administratif préalable de Mme Michon, le président du conseil départemental de l'Hérault a confirmé la fin de ses droits au revenu de solidarité active à compter d'octobre 2020 et l'indu de revenu de solidarité active sur la période d'octobre 2020 à juin 2021, au motif que la formation suivie par Mme Michon ne lui permettait pas d'être éligible au revenu de solidarité active. Mme Michon se pourvoit en cassation contre le jugement du 5 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions notifiées le 30 juin 2021 par le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Hérault et confirmées le 29 juillet 2021 par le président du conseil départemental de l'Hérault.

2. D'une part, en vertu de l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles🏛, le revenu de solidarité active a notamment pour objet de favoriser l'insertion sociale et professionnelle de ses bénéficiaires. Aux termes de l'article L. 262-4 de ce code : " Le bénéfice du revenu de solidarité active est subordonné au respect, par le bénéficiaire, des conditions suivantes : / 1° Etre âgé de vingt-cinq ans () / () 3° Ne pas être élève, étudiant ou stagiaire au sens de l'article L. 124-1 du code de l'éducation🏛 () ", lequel prévoit que " Les enseignements scolaires et universitaires peuvent comporter, respectivement, des périodes de formation en milieu professionnel ou des stages. () Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages correspondent à des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l'élève ou l'étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en œuvre les acquis de sa formation en vue d'obtenir un diplôme ou une certification et de favoriser son insertion professionnelle. Le stagiaire se voit confier une ou des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d'enseignement et approuvées par l'organisme d'accueil () ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 6111-1 du code du travail🏛 : " La formation professionnelle tout au long de la vie () vise à permettre à chaque personne, indépendamment de son statut, d'acquérir et d'actualiser des connaissances et des compétences favorisant son évolution professionnelle " et " comporte une formation initiale, comprenant notamment l'apprentissage, et des formations ultérieures, qui constituent la formation professionnelle continue, destinées aux adultes et aux jeunes déjà engagés dans la vie active ou qui s'y engagent ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion, que si les élèves et les étudiants ayant plus de vingt-cinq ans ne peuvent bénéficier du revenu de solidarité active, y compris lorsqu'ils suivent une formation en milieu professionnel ou réalisent un stage, il en va différemment des stagiaires de la formation professionnelle continue dès lors qu'ils remplissent par ailleurs l'ensemble des conditions d'ouverture des droits.

3. D'autre part, l'article L. 6313-1 du code du travail🏛 définit les actions concourant au développement des compétences qui entrent dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue. Parmi ces actions figurent notamment les actions de formation qui, en vertu des dispositions de l'article L. 6313-2 du même code, se définissent " comme un parcours pédagogique permettant d'atteindre un objectif professionnel " et, en vertu des dispositions de l'article L. 6313-3 de ce code🏛, ont notamment pour objet " de permettre à toute personne sans qualification professionnelle ou sans contrat de travail d'accéder dans les meilleures conditions à un emploi ". Il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 811-1 du code de l'éducation🏛 que les personnes bénéficiant de la formation continue peuvent être des usagers du service public de l'enseignement supérieur. En vertu de l'article L. 6351-1 du code du travail🏛, toute personne qui réalise des prestations de formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 de ce code dépose auprès de l'autorité administrative une déclaration d'activité, qui fait l'objet d'un enregistrement. Il résulte en outre des articles L. 6353-1 et L. 6353-3 du code du travail🏛🏛 qu'une convention est conclue, pour la réalisation d'une de ces actions de formation, entre l'acheteur de formation et l'organisme qui les dispense et qu'un contrat de formation professionnelle, dont les mentions obligatoires, à peine de nullité, sont précisées par l'article L. 6353-4 de ce code, est conclu directement entre la personne physique qui entreprend une formation, à titre individuel et à ses frais, et le dispensateur de formation. Enfin, en vertu de l'article L. 6316-1 du même code🏛, dans sa rédaction applicable au litige, Pôle emploi peut financer des actions de formation professionnelle continue dont il évalue la qualité au regard des critères définis par le décret du 30 juin 2015🏛 relatif à la qualité des actions de la formation professionnelle continue. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que doivent être regardées comme stagiaires de la formation professionnelle continue les personnes qui suivent une action de formation qui entre dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue, qui est dispensée par un organisme dont la déclaration d'activité a été enregistrée par l'autorité administrative et qui fait l'objet d'un contrat de formation professionnelle entre l'intéressé et le dispensateur de la formation ou d'une convention de formation entre l'acheteur de la formation et le dispensateur de la formation. Il en résulte également qu'une personne inscrite dans un établissement d'enseignement supérieur en tant que stagiaire de la formation professionnelle continue ne peut être regardée comme un étudiant au sens des dispositions du 3° de l'article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles🏛.

4. Pour juger que Mme Michon ne pouvait revendiquer la qualité de stagiaire de la formation professionnelle la rendant éligible, sous réserve qu'elle satisfasse aux autres conditions, au revenu de solidarité active, le tribunal administratif a relevé que si Mme Michon s'était inscrite à l'université Jean-Jaurès de Toulouse sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle pour suivre une licence 1 de psychologie entre le 19 octobre 2020 et le 30 juin 2021, si cette formation faisait l'objet d'un contrat de formation professionnelle entre Mme Michon et le service de la formation continue et de l'apprentissage de l'université et si ce contrat indiquait que l'action de formation organisée entrait dans la catégorie des actions prévues par l'article L. 6313-1 du code du travail, cette formation ne comportait pas de volet relatif aux modalités de la concrétisation du cursus universitaire envisagé en vue de sa réinsertion dans le milieu du travail. En statuant ainsi, alors que la formation en cause était nécessairement, eu égard aux éléments qu'il avait relevés, suivie dans le cadre de la formation professionnelle tout au long de la vie, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme Michon est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative🏛.

7. La décision du 29 juillet 2021, prise sur le recours administratif préalable exercé par Mme Michon, s'étant entièrement substituée à la décision notifiée par le directeur de la caisse d'allocations familiales le 30 juin 2021, les conclusions présentées par Mme Michon tendant à l'annulation de cette dernière décision doivent être regardées comme dirigées contre celle du 29 juillet 2021.

8. Pour confirmer, par la décision du 29 juillet 2021, que Mme Michon n'avait pas droit au revenu de solidarité active et que les sommes qui lui avaient été dès lors indûment versées à ce titre depuis le 1er octobre 2020 seraient récupérées, le président du conseil départemental de l'Hérault a estimé qu'eu égard à la durée de trois ans de la formation qu'elle suivait, Mme Michon devait être regardée comme une étudiante et que cette situation faisait ainsi obstacle, en application des dispositions du 3° de l'article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles, à ce qu'elle bénéficie du revenu de solidarité active, sans qu'elle puisse prétendre à la dérogation prévue à l'article L. 262-8 du même code.

9. Il résulte toutefois de l'instruction que Mme Michon, qui figurait sur la liste des demandeurs d'emploi, s'est inscrite à l'université Jean-Jaurès de Toulouse pour suivre une licence 1 de psychologie entre le 19 octobre 2020 et le 30 juin 2021. Cette formation a fait l'objet d'un contrat de formation professionnelle entre Mme Michon et le service de la formation continue et de l'apprentissage de l'université, organisme de formation disposant d'un numéro de déclaration d'activité, ce contrat précisant en outre que cette formation constituait une action de formation au sens de l'article L. 6313-1 du code du travail. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 3 que Mme Michon, qui était stagiaire de la formation professionnelle, ne pouvait être regardée comme étudiante au sens des dispositions du 3° de l'article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles et qu'elle était, sous réserve d'en remplir les autres conditions, éligible au revenu de solidarité active. Le département de l'Hérault n'était, dès lors, pas fondé à mettre fin à ses droits et à récupérer les sommes qui lui avaient été versées au motif qu'elle aurait eu la qualité d'étudiante au sens du 3° de l'article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles.

10. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, Mme Michon est fondée à demander l'annulation de la décision du 29 juillet 2021.

11. Il y a lieu en conséquence de décharger Mme Michon de l'obligation de payer la somme de 5 083,40 euros au titre de l'indu de revenu de solidarité active mis à sa charge pour la période d'octobre 2020 à juin 2021.

12. L'état de l'instruction ne permettant pas, en revanche, de déterminer le montant de cette allocation auquel elle était susceptible d'avoir droit et les sommes qui lui resteraient le cas échéant dues à ce titre pour la période courant à compter du 1er octobre 2020 jusqu'à la date de la présente décision, il y a lieu de la renvoyer devant le département de l'Hérault pour le calcul et le versement de ces sommes.

13. Mme Michon a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Yves Richard, avocat de Mme Michon, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du département de l'Hérault une somme de 3 000 euros, à verser à la SCP Yves Richard. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme Michon qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 5 avril 2022 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La décision du 29 juillet 2021 du président du conseil départemental de l'Hérault est annulée.

Article 3 : Mme Michon est déchargée de l'obligation de payer la somme de 5 083,40 euros au titre de l'indu de revenu de solidarité active mise à sa charge pour la période d'octobre 2020 à juin 2021.

Article 4 : Mme Michon est rétablie dans ses droits au revenu de solidarité active pour la période courant à compter du 1er octobre 2020 jusqu'à la date de la présente décision et renvoyée devant le département de l'Hérault pour le calcul et le versement des sommes lui restant dues au titre de cette allocation pour cette période, conformément aux motifs de la présente décision.

Article 5 : Le département de l'Hérault versera à la SCP Yves Richard, avocat de Mme Michon, une somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : Le surplus des conclusions présentées par Mme Michon est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à Mme A Michon et au département de l'Hérault.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Alain Seban, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat et Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice-rapporteure.

Rendu le 30 juin 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :

Signé : Mme Ariane Piana-Rogez

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber

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