Jurisprudence : CE Contentieux, 13-03-1991, n° 80846

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 80846

ENTREPRISE LABAUDINIERE

Lecture du 13 Mars 1991

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er août 1986 et 1er décembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ENTREPRISE LABAUDINIERE, dont le siège social est Zone Industrielle de Beauregard à Brive (19100) ; l'ENTREPRISE LABAUDINIERE demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 20 mai 1986 du tribunal administratif de Limoges, en tant que dans son article 2, ledit jugement a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à ce que l'office public départemental d'habitations à loyer modéré de la Corrèze soit condamné à lui verser des intérêts moratoires et compensatoires au titre des retards apportés dans le règlement des acomptes mensuels afférents à la construction de neuf logements H.L.M à Arnac-Pompadour et à lui rembourser des pénalités de retard mises à sa charge, 2°) de condamner l'office public départemental d'habitations à loyer modéré de la Corrèze à lui verser une somme de 4 851,39 F à titre d'intérêts moratoires, une somme de 4 296,47 F à titre d'intérêts compensatoires, et à lui rembourser, au titre des pénalités de retard qui lui ont été indûment retenues, non seulement la somme partiellement accordée par le tribunal administratif, mais le total des 39 338,74 F qu'elle avait réclamés, l'ensemble de ces sommes étant augmenté des intérêts et des intérêts des intérêts qui courront sur chacune d'elles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu : - le rapport de Mme Sophie Bouchet, Maître des requêtes, - les observations de la S.C.P. Coutard, Mayer, avocat de l'ENTREPRISE LABAUDINIERE, - les conclusions de M. Toutée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un marché conclu le 14 décembre 1977 entre l'office public départemental d'habitations à loyer modéré de la Corrèze et l'ENTREPRISE LABAUDINIERE, celle-ci s'est engagée à exécuter des travaux en vue de la construction de neuf logements dans la commune d'Arnac-Pompadour ; qu'elle a par la suite demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner l'office à lui verser la somme de 57 243,50 F représentant d'une part les intérêts moratoires et compensatoires qui lui auraient été dus à raison de retards intervenus dans le règlement d'acomptes mensuels afférents à ce marché, et, d'autre part, le remboursement de sommes retenues par l'office au titre de pénalités pour le retard dans l'exécution du marché ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif n'a que partiellement fait droit à la demande de l'entreprise en condamnant l'office à lui verser une somme correspondant aux pénalités de retard portant sur une période de 14 jours pendant laquelle le chantier avait été interrompu sur ordre de l'office, maître de l'ouvrage ; que l'ENTREPRISE LABAUDINIERE demane au Conseil d'Etat de condamner l'office à lui verser une somme totale de 53 243,50 F soit 13 608,29 F à titre d'intérêts moratoires, 4 296,47 F à titre d'intérêts compensatoires, et 39 338,74 F à titre de remboursement des pénalités de retard auxquelles elle a été assujettie ;
Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires :
Considérant que si, aux termes de l'article 353 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable à la date de la signature du marché : "Lorsqu'il est imputable à la collectivité ou à l'établissement, le défaut de mandatement dans les délais fixés fait courir de plein droit, et sans autre formalité, des intérêts moratoires qui sont calculés depuis le jour suivant l'expiration desdits délais jusqu'au jour du mandatement", l'ENTREPRISE LABAUDINIERE ne fournit à l'appui de sa demande, qu'elle chiffre à 13 608,29 F, aucun décompte permettant d'apprécier avec précision l'existence et l'importance du retard avec lequel l'office se serait acquitté de certains des acomptes dus ; que l'entreprise n'établit pas davantage à quels retards dans les règlements effectués par l'office correspondrait la somme de 4 851,39 F que son cocontractant aurait envisagé de lui régler à titre d'intérêts moratoires ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'office soit condamné à lui verser des intérêts moratoires ;
Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts compensatoires :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'ENTREPRISE LABAUDINIERE, qui n'établit pas que des acomptes lui auraient été versés avec retard ne peut dans ces conditions reprocher à l'office aucun mauvais vouloir dans le paiement des acomptes de nature à justifier l'allocation d'intérêts compensatoires ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des pénalités de retard :
Considérant que le cahier des clauses administratives particulières, auquel ont contractuellement souscrit l'office et l'ENTREPRISE LABAUDINIERE pour le marché en cause, contient, en ce qui concerne la prolongation des délais susceptible d'affecter l'exécution des travaux, les stipulations suivantes : "En cours de travaux, en cas d'intempéries et par dérogation à l'article 19-22 du cahier des clauses administratives générales, un avenant sera établi pour les prolongations du délai consécutives aux intempéries ... A partir du moment où le calendrier d'exécution a été mis au point, aucune prolongation de délai autre que celle afférente aux intempéries et aux congés payés ne pourra être accordée par le maître de l'ouvrage à défaut d'une dénonciation par lettre recommandée de l'entreprise au représentant ou au délégué du maître de l'ouvrage dans un délai de dix jours après l'événement, objet de la demande de prolongation ... Si à la suite de l'examen des justifications fournies, le maître de l'ouvrage décide d'accorder une prolongation de délai, un avenant fixant le nouveau délai contractuel sera établi" ; Considérant, en premier lieu, que, d'une part, si l'ENTREPRISE LABAUDINIERE soutient que des précipitations abondantes ont eu lieu du 3 janvier au 31 mai 1979 et ont empêché l'intervention sur le chantier d'une entreprise sous-traitante, causant ainsi un retard de 148 jours, les précipitations en cause, dont l'importance exceptionnelle n'est pas établie, n'ont pas présenté le caractère d'un événement de force majeure susceptible d'exonérer l'entreprise de toute responsabilité dans ce retard ; que, d'autre part, elle ne produit aucun avenant qui aurait été établi, en application des dispositions contractuelles susrappelées, pour lui accorder une prolongation de délai pour intempéries correspondant à ce retard ; Considérant, en second lieu, que si l'entreprise prétend qu'une partie du retard dans l'exécution du chantier a été causée par une augmentation de la masse des travaux qui lui a été imposée par l'office, elle n'établit pas qu'il y ait eu une augmentation de la masse des travaux de nature à justifier une prolongation du délai d'exécution ; Considérant, enfin, que l'entreprise ne saurait utilement demander au juge administratif, sur le fondement des dispositions de l'article 1152 du code civil, la réduction des pénalités de retard qui lui ont été infligées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ENTREPRISE LABAUDINIERE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'office public départemental d'habitations à loyer modéré de la Corrèze soit condamné à lui rembourser la totalité des pénalités qui lui ont été retenues pour le retard apporté dans l'exécution du marché de construction de neuf logements à Arnac-Pompadour ;
Sur les intérêts :
Considérant que l'ENTREPRISE LABAUDINIERE a droit aux intérêts de la somme correspondant aux pénalités de retard auxquelles elle a été assujettie pour une durée de 14 jours, que l'office a été condamné à lui rembourser par le jugement attaqué, et ce à compter du jour de la réception par l'office de sa demande du 14 mai 1981 ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 1er décembre 1986 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : La requête de l'ENTREPRISE LABAUDINIERE est rejetée.
Article 2 : La somme que l'office public départemental d'habitations à loyer modéré de la Corrèze a été condamné à verser à l'ENTREPRISE LABAUDINIERE par le jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 20 mai 1986 portera intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par l'office de sa demande en date du14 mai 1981. Les intérêts échus le 1er décembre 1986 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ENTREPRISE LABAUDINIERE, à l'office public départemental d'habitations à loyer modéré de la Corrèze et au ministre de l'équipement, du logement, destransports et de la mer.

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus