CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 92598
Commune de Megève
contre
Association pour la protection du site de Megève
Lecture du 02 Decembre 1991
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 novembre 1987 et 16 mars 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE MEGEVE, représentée par son maire en exercice, à ce dûment autorisé par délibération du conseil municipal en date du 20 novembre 1989, la COMMUNE DE MEGEVE demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 23 septembre 1987 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 6 octobre 1983 par laquelle le directeur départemental de l'équipement de la Haute-Savoie a rapporté le permis de construire délivré le 12 septembre 1983 à la société de recourvrement et de gestion représentant la société civile immobilière "Les Airelles", 2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Marc Guillaume, Auditeur, - les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la COMMUNE DE MEGEVE, de la S.C.P. Le Bret, Laugier, avocat de l'association pour la protection du site de Megève et de la SCP Célice, Blancpain, avocat de la S.C.I. Les Airelles, - les conclusions de M. Toutée, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande présentée par la COMMUNE DE MEGEVE devant le tribunal administratif :
Considérant que la société civile immobilière "Les Airelles", après avoir déposé le 14 mars 1983 une demande de permis de construire pour un ensemble immobilier à usage d'habitation dans la COMMUNE DE MEGEVE, a fait savoir, par lettre du 12 septembre 1983 adressée au préfet de la Haute-Savoie, qu'elle retirait sa demande ; que la lettre du 6 octobre 1983 par laquelle le directeur départemental de l'équipement lui a annoncé qu'il avait "procédé à l'annulation de son dossier", alors qu'il lui avait notifié le 14 septembre 1983 un arrêté préfectoral du 12 septembre lui accordant le permis de construire demandé, doit être regardée comme comportant un retrait de ce permis et avait comme telle le caractère d'une décision qui était susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ;
Considérant que la COMMUNE DE MEGEVE avait intérêt à poursuivre l'annulation de la décision du 6 octobre 1983 retirant le permis de construire du 12 septembre 1983 qui avait été délivré pour régulariser une construction déjà édifiée en exécution d'un premier permis du 5 mars 1976 annulé par le juge administratif et qui imposait au bénéficiaire le versement, au profit de la commune, d'une participation financière pour dépassement du coefficient d'occupation des sols ; qu'il suit de là que c'est à tort que, par le jugementattaqué, le tribunal administratif a opposé à la demande en annulation de la décision du 6 octobre 1983 que le maire de Megève avait présentée au nom de la commune qui a été autorisée à cet effet par une délibération du conseil municipal en date du 2 août 1984, une fin de non recevoir tirée de ce que la commune était sans intérêt à poursuivre l'annulation de la décision attaquée ; que ledit jugement doit dès lors être annulé ;
Considérant que dans les circonstances de l'affaire il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la COMMUNE DE MEGEVE ;
Sur l'intervention de l'association pour la protection du site de Megève :
Considérant que compte tenu de son objet statutaire, ladite association a intérêt à l'annulation de la décision du 6 octobre 1983 ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur la légalité de la décision attaquée du 6 octobre 1983 :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme que lorsqu'un plan d'occupation des sols fixe un ou des coefficients d'occupation des sols, ce plan ne peut comporter des dispositions autorisant le dépassement de ces coefficients que dans les cas prévus soit au 5° du même article, aux termes duquel les plans "délimitent les zones ou parties de zone dans lequelles la reconstruction sur place ou l'aménagement de bâtiments existants pourra, pour des motifs d'urbanisme ou d'architecture, être imposé ou autorisé avec une densité au plus égale à celle qui était initialement bâtie, nonobstant les règles fixées au 4° ci-dessus", soit à son antépénultienne alinéa, aux termes duquel les règles concernant le droit d'implanter des constructions, leur destination, leur nature, leur aspect extérieur, leurs dimensions et l'aménagement de leurs abords "peuvent prévoir des normes de construction différentes de celles qui résultent de l'application du coefficient d'occupation des sols, soit en raison de prescriptions d'urbanisme ou d'architecture, soit en raison de l'existence de projets tendant à renforcer la capacité des équipements collectifs" ;
Considérant qu'il est constant que la densité de la construction autorisée par le permis du 12 septembre 1983 était de 0,345, alors que le coefficient d'occupation des sols était fixé à 0,15 par l'article UC 14 du règlement du plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE MEGEVE rendu public le 3 décembre 1982 ; que si l'article UC 15 permet un dépassement du coefficient d'occupation des sols qu'il autorise notamment "par transfert de coefficient d'occupation des sols ou versement de la participation prévue à l'article L. 332-1 du code de l'urbanisme ...", cette disposition n'a pas eu pour objet et n'aurait d'ailleurs pu légalement avoir pour effet de déroger aux dispositions ci-dessus rappelées de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article UC 14 du plan d'occupation des sols faisait obstacle à la délivrance du permis de construire du 12 septembre 1983 autorisant une densité de construction dont le dépassement par rapport au coefficient d'occupation des sols de 0,15 ne peut être regardé comme une adaptation mineure au sens de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, et qu'ainsi l'administration était tenue de retirer ce permis comme elle l'a fait par la décision attaquée le 6 octobre 1983 intervenue dans le délai du recours contentieux ; qu'il suit de là que les moyens tirés par la commune de ce que cette décision aurait été prise par une autorité incompétente, à la suite d'une procédure irrégulière et serait entachée d'un défaut de motivation sont en tout état de cause inopérants ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE MEGEVE n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Article 1er : L'intervention de l'association pour la protection du site de Megève est admise.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 23 septembre 1987 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par la COMMUNE DE MEGEVE devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MEGEVE, à l'association pour la protection du site de Megève, à la société civile immobilière "Les Airelles" et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace.