Vu les procédures suivantes :
I. Par une requête enregistrée le 20 juin 2023, sous le n° 2305086, M. Aa
A, représenté par Me Bourdon et Me Brengarth, demande au juge des
référés :
1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du
code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté par
lequel le maire de la ville de Lyon a interdit la conférence organisée par le
Collectif de Soutien au Peuple Palestinien, prévue le jeudi 22 juin 2023, à 18
heures 30, dans les locaux de la Bourse du travail, 205, place Guichard,
69003, intitulée « Palestine-Israël - colonisation/apartheid » à laquelle il
doit participer ;
2°) de mettre à la charge de la ville de Lyon une somme de 3 000 euros en
application de l'
article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige n'est ni daté ni publié ;
- la requête est recevable dès lors que directement concerné par l'arrêté contesté, il a intérêt à agir ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que la conférence interdite est prévue le 22 juin 2023 à 18 heures 30 ;
- la décision porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'expression protégée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen qui fait partie du bloc de constitutionnalité et par l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que par l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux et l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations-Unies ; ni l'argument tiré du contexte géopolitique ni la circonstance que certaines de ses précédentes conférences aient été annulées ne sauraient être utilement invoqués pour justifier une telle interdiction.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 juin 2023, la ville de Lyon
représentée par Me Prouvez, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- pour interdire la conférence en cause, le maire de la ville de Lyon s'est fondé par
- une réglementation spéciale à un lieu peut légalement en restreindre l'usage ; or, d'une part, le collectif de soutien au peuple palestinien n'est pas membre du secrétariat de la bourse du travail lequel regroupe exclusivement les organisations syndicales (CGT, CFDT et FSU) pour lesquelles la bourse du travail a été mise à disposition par la ville de Lyon, sous conditions claires, seule une organisation syndicale disposant d'un droit limité d'utilisation des locaux, d'autre part, les articles 9 et 10 du règlement intérieur de la Bourse du Travail ne prévoient la mise à disposition de salles qu'aux seules organisations syndicales, ce lieu n'ayant ainsi pas vocation à accueillir des événements de « géopolitique », de nature à générer des troubles ; ainsi l'arrêté ne souffre d'aucune illégalité manifeste ;
- cette conférence risque de générer des troubles à l'ordre public car elle intervient dans un contexte lyonnais particulier, ainsi qu'en a alerté la préfète du Rhône qui se réfère à des événements survenus à Toulouse et à Marseille, en mai et juin 2023, soit à des dates postérieures à celle à laquelle l'ordonnance du tribunal administratif de Nancy a été rendue ainsi qu'à l'agression d'une députée, le 18 avril, à Paris ; par suite, le maire de la ville de Lyon, averti de risques de troubles à l'ordre public, pouvait, se fondant notamment sur la méconnaissance des articles 9 et 10 du règlement intérieur de la Bourse du Travail relatifs à l'utilisation des locaux liés, interdire la réunion en cause qui intervient dans un climat où la préservation de l'ordre public n'est manifestement pas assurée et n'est pas compatible avec cette réglementation ;
- enfin, cette interdiction n'est pas une surprise pour les organisateurs de la conférence puisque des échanges sont intervenus entre la ville et l'union syndicale Solidaires.
Le 22 juin 2023, la préfète du Rhône a présenté des observations précisant les
événements auxquels l'arrêté du maire de la ville de Lyon fait référence et
rappelant le contexte particulier du 22 juin 2023 avec la venue à Lyon d'un
membre éminent de la communauté juive orthodoxe pour inaugurer une synagogue
fondamentaliste dans l'agglomération lyonnaise, avec la possibilité de la
présence de plusieurs centaines de juifs orthodoxes.
II. Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 20 et 22
juin 2023, sous le n° 2305087, M. Ab Ac B et Amnesty
International France, représentés par Me Bouquin et Me Forray, demande au juge
des référés :
1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du
code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté par
lequel le maire de la ville de Lyon a interdit la conférence organisée par le
Collectif de Soutien au Peuple Palestinien, prévue le jeudi 22 juin 2023, à 18
heures 30, dans les locaux de la Bourse du travail, 205, place Guichard,
69003, intitulée « Palestine-Israël - colonisation/apartheid » ;
2°) de mettre à la charge de la ville de Lyon une somme de 1 500 euros en
application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que la conférence interdite est prévue le 22 juin 2023 à 18 heures 30 ;
- la liberté de se réunir et de manifester constitue une liberté fondamentale ainsi que l'ont reconnu la Charte des droits fondamentaux, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la jurisprudence du Conseil d'Etat ; il en est de même de la liberté d'expression ainsi que l'a précisé le Conseil Constitutionnel ou la Cour européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- une interdiction de réunion ou de manifestation ne peut revêtir un caractère général et absolu et il appartient aux autorités d'apporter la preuve des intentions violentes des organisateurs, preuve qui n'est pas rapportée, en l'espèce ; en effet, la motivation de l'arrêté en litige est fondée sur une prétendue méconnaissance du règlement intérieur de la salle louée pour la tenue de la conférence et sur un risque de troubles à l'ordre public, or, si le maire de Lyon précise dans l'arrêté en litige que la tenue de cette conférence méconnaît l'article 9 du règlement intérieur de la Bourse du travail, l'accès des locaux étant limité « aux réunions à caractère syndical », ledit règlement n'est pas publié et ne leur pas été communiqué et l'appréciation du caractère syndical de la réunion paraît spécieuse et restrictive si la ville de Lyon invoque dans l'arrêté contesté l'annulation d'une précédente invitation de M. A, l'existence d'une polémique était due au caractère institutionnel de l'invitation ; en outre, en tout état de cause, un trouble à l'ordre public ne saurait être caractérisé par la seule virulence des débats politiques ; si l'arrêté contesté fait référence à des troubles constatés lors de précédentes conférences de M. A, il n'en précise ni les dates, ni la nature des troubles, ni enfin le lien entre la prise de parole de M. A et la survenance dudit trouble , nombreuses de ses prises de parole n'ayant généré aucun trouble ; ainsi, la conférence de M. A qui s'est tenue le 16 mars 2023, préalablement interdite pour risques de troubles à l'ordre public par arrêté préfectoral suspendu par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nancy, du 16 mars 2023, n'a donné lieu à aucune difficulté ; en outre, si en alléguant des troubles à l'ordre public non clairement identifiés, le maire de Lyon semble évoquer les éléments relatifs à la venue de personnes extérieures aux réunions ou conférences, ces seuls évènements ne sauraient être considérés comme des troubles à l'ordre public ne pouvant être contenus par des prises de mesures adaptées, nécessaires et proportionnées ; si l'arrêté attaqué fait état de « très fortes réactions de rejet », celles-ci ne sont pas explicitées, une recherche internet permet en outre de relativiser la virulence des émotions suscitées par la présence de M. A et fondant l'interdiction contestée ; si l'arrêté fait également état d'un courrier de la préfète du Rhône, sa simple mention ne saurait suffire à fonder la décision attaquée ; si enfin, il fait mention de la « présence d'une figure internationale du judaïsme », cette mention relève d'une confusion volontairement entretenue entre la liberté d'expression politique revendiquée et l'expression d'une liberté religieuse ;
- cette interdiction qui porte indiscutablement une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'expression et de réunion est donc parfaitement disproportionnée.
Par mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2023, la ville de Lyon conclut
au rejet de la requête pour les mêmes motifs que ceux exposés sous le n°
2305086.
Le 22 juin 2023, la préfète du Rhône a présenté les mêmes observations que
celles enregistrées sous le n° 2305086.
III. Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 21 et 22
juin 2023, sous le n° 2305101, l'association Collectif 69 de soutien au peuple
palestinien et le syndicat solidaire Rhône, représentés par Me Devers,
demandent au juge des référés d'ordonner, sur le fondement des dispositions de
l'
article L. 521-2 du code de justice administrative🏛, la suspension de
l'exécution de l'arrêté par lequel le maire de la ville de Lyon a interdit la
conférence organisée par le Collectif de Soutien au Peuple Palestinien, prévue
le jeudi 22 juin 2023, à 18 heures 30, dans les locaux de la Bourse du
travail, 205, place Guichard, 69003, intitulée « Palestine-Israël-
colonisation/apartheid ».
Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie, eu égard à la date prévue de la conférence ;
- la décision attaquée portant interdiction d'une conférence, il est porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés d'expression et de réunion ;
- la simple existence d'un risque de trouble à l'ordre public ne suffit pas à justifier une interdiction, alors au demeurant que la ville de Lyon n'a pris l'attache d'aucun des organisateurs avant de prononcer son interdiction ;
- la méconnaissance de l'article 9 du règlement intérieur ne saurait suffire à interdire la conférence en cause alors que qu'il existe une tradition bien établie pour accueillir des conférences de ce type ;
- le maire de Lyon ne justifie pas que le risque de contre-manifestation serait tel que les forces de police ne pourraient y faire face.
Par mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2023, la ville de Lyon conclut
au rejet de la requête pour les mêmes motifs que ceux exposés sous le n°
2305086.
Le 22 juin 2023, la préfète du Rhône a présenté les mêmes observations que
celles enregistrées sous le n° 2305086.
IV. Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 et 22 juin 2023, sous le
n° 2305117, La Ligue des Droits de l'Homme (LDH), représentée par Me Ogier et
Me Crusoé, demande au juge des référés :
1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du
code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté par
lequel le maire de la ville de Lyon a interdit la conférence organisée par le
Collectif de Soutien au Peuple Palestinien, prévue le jeudi 22 juin 2023, à 18
heures 30, dans les locaux de la Bourse du travail, 205, place Guichard,
69003, intitulée « Palestine-Israël- colonisation/apartheid » ;
2°) d'enjoindre au maire de la ville de Lyon de lever tout obstacle à la tenue
de la conférence qui a vocation à se tenir le 22 juin 2023 ;
3°) de mettre à la charge de la ville de Lyon une somme de 3 000 euros en
application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a intérêt à agir ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que la conférence interdite est prévue le 22 juin 2023 à 18 heures 30 ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés de réunion et d'expression ;
- la circonstance qu'il existe un risque de désordre et que la réunion appelle certaines mesures de sécurité ne saurait justifier une atteinte à ces libertés, l'Etat devant choisir les moyens les moins restrictifs de nature à permettre au rassemblement d'avoir lieu et produire des estimations concrètes de l'ampleur potentielle des troubles afin d'évaluer les ressources nécessaires pour neutraliser le risque d'affrontements violents ;
- aucun des motifs fondant l'arrêté ne permet de le justifier, la ville de Lyon ayant, en outre, une obligation positive de permettre la tenue de cette conférence qui, au demeurant, n'est pas susceptible de troubler à elle seule l'ordre public ; en conséquence, il ne saurait être fait état de ce que ce règlement autorise l'interdiction des réunions troublant l'ordre public pour exonérer la ville de son obligation ;
- des réunions « non-syndicales » et présentant des objets très divers sont fréquemment organisées au sein de la Bourse du travail de Lyon ; ainsi le choix de ne pas permettre la tenue de la réunion organisée par le collectif de soutien au peuple palestinien au motif qu'une telle réunion serait sans rapport avec l'activité syndicale méconnaît les principes d'égalité et de non- discrimination.
Par mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2023, la ville de Lyon conclut
au rejet de la requête pour les mêmes motifs que ceux exposés sous le n°
2305086.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la Déclaration universelle des droits de l'Homme,
- la Charte des droits fondamentaux,
- le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations-Unies,
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné Mme Baux, vice-présidente, pour statuer
sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique tenue en présence de Mme Gaillard, greffière
d'audience, Mme Ad a lu son rapport et entendu :
- Me Forray, représentant M. A, M. B et Amnesty International France qui conclut aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ; il soutient en outre que :
la liberté confessionnelle n'est pas en jeu dans cette affaire ;
la conférence qui se tiendra portera sur un sujet politique et syndical ;
il n'appartient pas à la municipalité de définir ce qu'est le syndicalisme ;
la liberté d'expression impose de permettre l'expression de tous, des
accords comme des désaccords ;
aucune des prises de parole de M. A n'a jamais posé débat ; il n'a
jamais été ni poursuivi ni condamné ;
s'il y a eu des troubles, ils ne sont venus que de ses opposants ;
enfin, ni la municipalité ni la préfète du Rhône ne justifie de la réalité
d'un trouble à l'ordre public, se limitant à faire état d'un « émoi au sein de
la communauté juive » ;
- Me Bouquin, représentant M. B et Ae International France qui conclut aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que :
l'arrêté vise l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales qui n'est absolument pas le
sujet de la conférence ; la circonstance que soit invoquée la venue
concomitante d'un rabbin fondamentaliste à Lyon démontre le caractère
religieux apposé sur cette conférence ;
la mairie de Lyon ne fait état d'aucun trouble réel à l'ordre public ;
M. A n'a jamais tenu aucun propos pénalement répréhensible ;
en fondant son arrêté sur le règlement intérieur et en faisant valoir que
l'objet de la conférence n'est pas syndical, la ville de Lyon s'octroie la
possibilité de déterminer ce qu'est l'action syndicale, ce qu'elle ne peut
légalement faire ;
neuf précédentes interventions ont eu lieu à la Bourse du Travail et n'ont
pas été interdites sans que la ville de Lyon ne justifie des différences entre
la conférence de ce jour et les neuf, précédentes ; il a également été porté
atteinte à la liberté syndicale ;
- Me Devers représentant l'association collectif 69 de soutien au peuple palestinien et le syndicat Solidaire Rhône, qui conclut aux mêmes fins que la requête et qui précise en outre que :
il retire ses observations sur l'absence de concertation ;
il n'appartient pas à la ville de Lyon de définir le syndicalisme ;
il appartient aux autorités administratives de permettre l'expression des
opinions dès lors qu'elles ne tombent pas sous le coup de condamnations
pénales ;
le risque de trouble à l'ordre public n'est ni justifié ni documenté ;
le critère religieux ne peut permettre d'interdire une conférence qui au
demeurant n'a pas pour objet d'en discuter ;
- Me Prouvez, représentant la ville de Lyon qui persiste dans ses conclusions et fait en outre valoir que :
la réunion interdite est politique et non syndicale ;
ce sont les circonstances de lieu et de temps qui ont permis d'aboutir à
l'interdiction contestée ;
la circonstance que d'autres événements politiques aient eu lieu au sein de
la Bourse du Travail est sans incidence sur l'arrêté en litige ;
les locaux doivent être administrés en application des articles 5, 9 et 10
du règlement intérieur ;
la préfète du Rhône a averti la ville de Lyon qu'une déclaration de contre-
manifestation avait été déposée le 16 juin 2023.
- M. Af, préfet, représentant la préfète du Rhône qui persiste dans ses observations et fait en outre valoir que :
dès le 14 juin, la préfète du Rhône avait fait savoir à la ville de Lyon
qu'il était « indispensable » d'interdire cette conférence, d'une part, parce
que cette réunion ne pouvait avoir lieu à la Bourse du Travail, d'autre part,
parce qu'il y avait des risques importants de troubles à l'ordre public du
fait non seulement d'une pétition circulant en ligne mais également de
l'inauguration à Ecully, le même jour à 20 heures 30 d'une synagogue à
laquelle devaient assister un rabbin charismatique orthodoxe ainsi que
plusieurs centaines de personnes relevant des milieux juifs orthodoxes ;
enfin, afin de sécuriser la conférence, ce sont plusieurs cars de CRS qu'il
faudrait mettre à disposition, les personnes assistant à l'inauguration
pouvant sans difficulté se rendre au préalable à la conférence ;
le conflit israélo-palestinien ne doit être importé ni en France ni à Lyon.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience, à 12
heures 40.
Considérant ce qui suit :
1. Souhaitant organiser, le 23 juin 2023, une conférence intitulée «
Palestine-Israël- colonisation/apartheid », en présence de M. A,
l'association Collectif 69 de soutien au peuple palestinien et le syndicat
Solidaire Rhône ont, le 30 mai 2023, réservé une salle au sein de la Bourse du
Travail, sise 205 place Guichard, à Lyon. Par un courrier en date du 15 juin
2023, les services préfectoraux du Rhône ont fait savoir au maire de la ville
de Lyon que l'interdiction de cet événement leur paraissait « indispensable ».
Par un arrêté non daté, le maire de la ville de Lyon a interdit la tenue de
cette conférence.
2. Par les requêtes susvisées enregistrées sous les n°s 2305086, 2305087,
2305101 et 2305117, les requérants sollicitent la suspension d'un même arrêté,
il y a lieu de les joindre pour statuer par une même ordonnance.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-2 du code de
justice administrative :
3. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : «
Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés
peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté
fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de
droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans
l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale.
Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. » et
aux termes de l'article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au
terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est
demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de
les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date
et de l'heure de l'audience publique (...). ». Enfin aux termes du premier
alinéa de l'article R. 522-1 dudit code : « La requête visant au prononcé de
mesures d'urgence doit (...) justifier de l'urgence de l'affaire. ».
4. En vertu de l'article L. 521-2 du code justice administrative, le juge des
référés, saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, peut ordonner
toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à
laquelle une autorité administrative aurait porté, dans l'exercice d'un de ses
pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. L'usage par le juge
des référés des pouvoirs qu'il tient de cet article est ainsi subordonné au
caractère grave et manifeste de l'illégalité à l'origine d'une atteinte à une
liberté fondamentale.
4. Eu égard à l'imminence de la réunion interdite par le maire de la ville de
Lyon, la condition d'urgence est remplie.
5. L'exercice de la liberté d'expression, garantie par la Constitution et par
les articles 10 et 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales et dont découle le droit d'expression
collective des idées et des opinions, constitue une liberté fondamentale au
sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Son exercice,
notamment par la liberté de manifester ou de se réunir, est une condition de
la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés
constituant également des libertés fondamentales au sens de cet article, tels
que la liberté syndicale. Il appartient aux autorités chargées de la police
administrative de prendre les mesures nécessaires à l'exercice de la liberté
de réunion. Les atteintes portées, pour des exigences d'ordre public, à
l'exercice de ces libertés fondamentales doivent être nécessaires, adaptées et
proportionnées.
6. Pour interdire la conférence organisée par l'association Collectif 69 de
soutien au peuple palestinien et le syndicat Solidaire Rhône, prévue le jeudi
22 juin 2023, à 18 heures 30, dans les locaux de la Bourse du travail, 205,
place Guichard, à Lyon, intitulée « Palestine-Israël- colonisation/apartheid
», le maire de la ville de Lyon, faisant état de ce que par un courrier du 15
juin 2023, la préfète de la zone de défense et de sécurité sud-est avait
mentionné que « l'annulation de cet événement parai(ssai)t indispensable », a
relevé d'une part, que les termes de la plaquette présentant ladite conférence
démontraient que les organisateurs entendaient ne pas respecter les
dispositions de l'article 9 du règlement intérieur de la Bourse du travail,
d'autre part, que la ville avait été contrainte d'annuler, début 2023, une
table ronde à laquelle devait participer M. A, en raison des risques de
troubles à l'ordre public dont faisait état les services de la préfecture
Auvergne Rhône-Alpes par une mise en demeure, en outre, que de précédentes
conférences ont généré des troubles à l'ordre public nécessitant
l'intervention des forces de l'ordre et que le thème de la conférence ainsi
que la présence de M. A suscitaient de très fortes réactions de rejet au
travers d'une pétition qui ayant récolté 2500 signatures et enfin, que le même
jour, sera présent à Lyon, une figure internationale du judaïsme pour
l'inauguration d'une nouvelle synagogue pour laquelle plusieurs centaines de
fidèles vont se déplacer de toute la région Auvergne-Rhône-Alpes, le maire de
Lyon faisant finalement état de ce que l'analyse de la préfecture prévoyant
que « certains membres, plus radicaux,[de la communauté juive], décident de se
rendre à la Bourse du travail et provoquent ainsi une confrontation », les
risques de troubles à l'ordre public lui imposaient d'appliquer l'article 10
du règlement d'occupation du règlement d'occupation de la Bourse du Travail et
d'interdire la tenue de la conférence en cause.
7. En l'espèce, ni le maire de la ville de Lyon ni la préfète du Rhône
n'allèguent que M. A, lors des conférences organisées dans d'autres
villes de France, aurait tenu des propos susceptibles d'être pénalement
sanctionnés ou de susciter des troubles à l'ordre public, les requérants
soutenant sans être contredits que l'ensemble des conférences auxquelles M.
A était invité, se passaient sans heurt, hormis quelques événements
rares et minimes à Paris, Marseille et Toulouse, résultant de personnes
totalement extérieures à ces conférences et désireuses de s'y opposer. En
outre, si la ville de Lyon fait état, dans l'arrêté en litige, que le risque
de troubles à l'ordre public justifiant la mesure d'interdiction résulterait
des « très fortes réactions de rejet notamment au travers d'une pétition
demandant l'interdiction de cette conférence et récoltant 2 500 signatures »
que cristalliseraient tant la personnalité de M. A que le thème de la
conférence et si la préfète du Rhône versant à l'instance ladite pétition,
fait valoir à cet égard, non seulement qu'une contremanifestation a été
déclarée en ses services, le 16 juin 2023, signée par près de 2 500 personnes,
mais également que la venue de M. A aurait créé un « émoi au sein de la
communauté juive » ainsi que s'en sont fait l'écho certains quotidiens de
presse et enfin, que la venue concomitante à Lyon, d'un Rabbin appartenant à
la communauté juive orthodoxe devant être accompagné de 700 à 1000 fidèles,
invité à l'inauguration d'une « synagogue fondamentaliste » seraient
susceptibles de générer des troubles à l'ordre public, il ne résulte cependant
pas de l'instruction que ces rassemblements ou mouvements, dont l'ampleur
n'est pas suffisamment caractérisée et dont la seule crainte qu'ils se
constituent ne sauraient justifier une mesure d'interdiction générale,
pourraient générer des troubles à l'ordre public justifiant une telle mesure
que les services de la préfecture du Rhône ne seraient en capacité de
maîtriser, ce qu'au demeurant … … … … n'allègue pas, se bornant à
assurer que les forces de l'ordre mobilisées devront être conséquentes. Si
enfin, le maire de Lyon fait valoir que l'objet de la conférence ne relève pas
de l'action syndicale et qu'elle pouvait ainsi, en application des
dispositions des articles 9 et 10 du règlement intérieur d'occupation de la
Bourse du Travail, de Lyon versé au débat, être légalement interdite, il
n'appartient toutefois pas aux autorités administratives de définir les
contours de l'action syndicale qui si elle vise à la défense des droits et
intérêts des salariés, fonctionnaires ou agents, peut également avoir pour
projet de mener des réflexions tant politiques que géopolitiques, ainsi qu'en
justifient les requérants en versant au débat nombre de pièces relatives
notamment aux travaux menés par l'Organisation Internationale du Travail.
8. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, il ne résulte pas de
l'instruction que la mesure d'interdiction de la conférence prévue ce jour à
18 heures 30 soit justifiée, proportionnée et nécessaire pour éviter des
troubles à l'ordre public auxquels les forces de l'ordre ne seraient pas en
mesure de faire face. Il résulte de ce qui précède que l'interdiction de la
conférence intitulée « Palestine-Israël - colonisation/apartheid », en
présence de M. A est constitutive d'une atteinte grave et manifestement
illégale à une liberté fondamentale et que compte tenu de l'imminence de la
conférence, il y a lieu de faire droit à la demande des requérants et de
suspendre l'arrêté du maire de la ville de Lyon
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Il découle de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au maire de la
ville de Lyon de permettre la tenue de la conférence organisée par le
Collectif de Soutien au Peuple Palestinien, prévue ce jour, à 18 heures 30,
dans les locaux de la Bourse du travail, 205, place Guichard, 69003, intitulée
« Palestine-Israël- colonisation/apartheid ».
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la
charge de la ville de Lyon les sommes que les différents requérants demandent
au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.