Chambre civile
Section 1
ARRET N°
du 21 JUIN 2023
N° RG 22/00134
N° Portalis DBVE-V-B7G-CDKP FD - C
Décision déférée à la Cour :
Jugement Au fond, origine Juge des contentieux de la protection de BASTIA, décision attaquée en date du 14 Février 2022, enregistrée sous le n°
[X]
C/
OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DE LA COLLECTIVITE DE CORSE
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS
APPELANT :
M. [L] [X]
né le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 1]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représenté par Me Ambre ANGELINI, avocate au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/186 du 31/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
INTIME :
OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DE LA COLLECTIVITE DE CORSE
pris en la personne de ses représentants légaux en exercice, demeurant et domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Catherine COSTA, avocate au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'
article 805 du code de procédure civile🏛, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 avril 2023, devant François DELEGOVE, Vice-président placé, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Thierry JOUVE, Président de chambre
Marie-Ange BETTELANI, Conseillère
François DELEGOVE, Vice-président placé
GREFFIER LORS DES DEBATS :
[U] [S].
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 juin 2023
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du code de procédure civile🏛.
Signé par François DELEGOVE, Vice-président placé, le Président de chambre empêché, et par Vykhanda CHENG, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
[L] [X] était locataire d'un appartement sis [Adresse 5] à [Localité 1], relevant de l'office public de l'habitat de la collectivité de Corse, suite au transfert d'un bail conclu le 20 novembre 2018 avec sa mère, après le décès de celle-ci.
Sur la base d'un constat d'huissier du 16 mars 2021, le bailleur a reproché à son locataire d'avoir procédé à des travaux entraînant des modifications des installations électriques et de gaz sans autorisation et l'a mis en demeure de remettre les lieux en état par sommation d'huissier en date du 20 avril 2021, laquelle est demeurée vaine.
L'office public de l'habitat de la collectivité de Corse a assigné [L] [X] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bastia par exploit d'huissier du 24 septembre 2021 afin obtenir la résiliation du bail pour manquement grave à ses obligations, ainsi qu'une injonction de quitter les lieux sous peine d'expulsion, outre le paiement d'une indemnité d'occupation.
La défendeur n'avait pas comparu.
Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bastia a notamment, par décision du 14 février 2002, prononcé la résiliation du contrat de bail du 20 novembre 2018, ordonné à [L] [X] de quitter les lieux dans un délai de trois mois de la
signification d'un commandement de quitter les lieux sous peine d'expulsion, fixé l'indemnité mensuelle d'occupation due à compter du jugement jusqu'au départ définitif à 350, 92 €, condamné [L] [X] à procéder à la remise en état des lieux et à défaut, autorisé l'office public de l'habitat de la collectivité de Corse à procéder aux frais du locataire et rejeté la demande du bailleur tendant au prononcé d'une astreinte.
Par déclaration en date du 1er mars 2021, [L] [X] a interjeté appel de cette décision s'agissant des dispositions lui faisant grief.
Par dernières écritures signifiées le 29 décembre 2022, [L] [X] sollicite de la cour de :
Infirmer le jugement rendu le 14 février 2022 dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a décidé n'y avoir lieu à une astreinte ;
Et statuant de nouveau,
Juger que le constat d'huissier en date du 16 mars 2021 constitue un mode de preuve illicite ;
Juger que le constat d'huissier en date du 16 mars 2021 est dépourvu de force probante ;
En conséquence,
Ecarter des débats le constat d'huissier en date du 16 mars 2021 ;
Débouter l'office public de l'habitat de la collectivité de Corse de l'ensemble de ses demandes ;
Condamner l'office public de l'habitat de la collectivité de Corse à payer la somme de 1.500 € au titre des dispositions de l'article 700 ainsi qu'aux dépens.
Par dernières écritures signifiées le 29 décembre 2022, l'office public de l'habitat de la collectivité de Corse sollicite de la cour de :
Confirmer le jugement rendu le 14 février 2022 en ce qu'il sauf en ce qu'il n'a pas assorti la remise en état du logement initial d'une astreinte ;
En conséquence,
- Condamner Mr [X] [L] sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours suivant la signification du jugement à intervenir, à procéder à la remise en son état initial du logement, sous le contrôle d'un homme de l'art missionné par le bailleur ;
- Condamner en cause d'appel Monsieur [L] [X] à payer à l'OPH DE LA COLLECTIVITE DE CORSE la somme de 1.500 Euros au titre de l'
article 700 du Code de Procédure Civile🏛,
- Le condamner aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'
article 696 du Code susvisé🏛.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1 er mars 2023 et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 11 avril 2023.
SUR CE :
Sur le constat d'huissier en date du 16 mars 2021
Selon l'
article 1er de l'ordonnance n°45-2592 du 2 novembre 1945🏛 relative au statut des huissiers de justice, des derniers peuvent effectuer des constatations matérielles, sur commission d'un juge ou à la requête de particuliers. Dans cette dernière hypothèse, le constat d'huissier peut être réalisé dans un lieu privé occupé par un tiers à condition d'obtenir l'autorisation de l'occupant.
En l'espèce l'office public de l'habitat de la collectivité de Corse expose qu'elle a constaté, à l'occasion d'une opération de réhabilitation de l'immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 1], la présence de gravats dans les parties communes témoignant de travaux importants réalisés dans le logement occupé par [L] [X].
Le bailleur a alors fait procéder à un constat d'huissier dressé par la SCP DE PETRICONI au terme duquel étaient relevés d'importants travaux transformant de façon substantielle la configuration du logement, mettant en péril le bon fonctionnement et la sécurité des lieux.
[L] [X] soutient que cet acte d'huissier constitue un mode de preuve illégal et qu'il est dépourvu de toute valeur probante.
Il ressort du procès-verbal de constat que l'huissier de justice a réalisé des photographies à l'extérieur du logement avant de manifester sa présence à la porte de l'appartement et de constater qu'elle lui était ouverte par un individu à qui il exposait sa qualité ainsi que le motif de sa venue. Il ajoutait que celui-ci lui avait indiqué être un ami de [L] [X], venu poser de la faïence dans la salle de bains, mais qu'il avait refusé de lui communiquer son identité tout en le laissant pénétrer dans l'appartement. L'huissier de justice concluait son procès-verbal en mentionnant que [L] [X] était finalement arrivé dans l'appartement après avoir été prévenu par son ami et s'était montré verbalement agressif à son égard.
Il s'infère de ces éléments que l'huissier de justice est intervenu à la demande d'un particulier dans un lieu privé, en l'occurrence le domicile de [L] [X], sans avoir obtenu, ni même sollicité l'assentiment de ce dernier. Il ne saurait se déduire de l'attitude
passive de la personne non-identifiée, présente lors de son intervention, que celle-ci avait qualité à lui permettre de pénétrer dans les lieux, ce qu'elle n'a au demeurant pas fait de manière positive au regard des énonciations du procès-verbal selon lesquelles celle-ci avait simplement laissé entrer l'officier ministériel dans l'appartement. L'absence d'opposition de cette personne à l'action de l'huissier de justice ne peut valablement être assimilée en l'espèce à une autorisation d'entrer dans les lieux qui lui aurait été délivrée.
Ce constat réalisé en dehors de toute autorisation judiciaire dans un lieu privé et sans tentative préalable de contacter son occupant pour l'inviter à y assister, a porté une atteinte illégitime à sa vie privée et à l'inviolabilité du domicile de [L] [X]. Il s'en infère que le procès-verbal établi dans ces circonstances sera considéré comme un moyen de preuve déloyal et sera écarté des débats.
Sur la demande de résiliation du contrat de bail et ses conséquences
L'
article 1224 du code civil🏛 prévoit que la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
Suivant l'
article 7-f de la loi du 6 juillet 1989🏛, le locataire est tenu de ne pas transformer les locaux et équipements loués sans l'accord écrit du propriétaire ; à défaut de cet accord, ce dernier peut exiger du locataire, à son départ des lieux, leur remise en l'état ou conserver à son bénéfice les transformations effectuées sans que le locataire puisse réclamer une indemnisation des frais engagés ; le bailleur a toutefois la faculté d'exiger aux frais du locataire la remise immédiate des lieux en l'état lorsque les transformations mettent en péril le bon fonctionnement des équipements ou la sécurité du local. Toutefois, des travaux d'adaptation du logement aux personnes en situation de handicap ou de perte d'autonomie ou des travaux de rénovation énergétique peuvent être réalisés aux frais du locataire. Ces travaux font l'objet d'une demande écrite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception auprès du bailleur. L'absence de réponse dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande vaut décision d'acceptation du bailleur. Au départ du locataire, le bailleur ne peut pas exiger la remise des lieux en l'état. La liste des travaux ainsi que les modalités de mise en œuvre sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
L'office public de l'habitat de la collectivité de Corse soutient, au visa de la combinaison de ces dispositions, que les transformations qu'elle reproche à [L] [X] d'avoir accompli sans son autorisation sont suffisamment importantes pour justifier la résiliation judiciaire de son contrat de bail, ainsi que la remise en état du logement sous astreinte.
La cour rappelle qu'il appartient cependant, en application de l'
article 1353 du code civil🏛, à celui qui invoque la faute de son co-contractant d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, à l'exception du contrat d'huissier qui a été écarté, aucun élément ne permet à la cour d'apprécier la réalité des travaux effectués ni la gravité des fautes imputées à [L] [X] à ce titre.
A défaut de rapporter la preuve des manquements qu'il allègue, l'office public de l'habitat de la collectivité de Corse sera débouté de l'ensemble de ses prétentions.
Sur les autres demandes
Ayant succombé en ses demandes, l'office public de l'habitat de la collectivité de Corse sera condamné au paiement des dépens.
L'équité justifie le rejet des demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare [L] [X] recevable en son appel ;
Infirme la décision du juge des contentieux et de la protection en date du 14 février 2022 ;
Statuant de nouveau,
Ecarte des débats le constat d'huissier en date du 16 mars 2021 ;
Déboute l'office public de l'habitat de la collectivité de Corse de l'ensemble de ses demandes ;
Condamne l'office public de l'habitat de la collectivité de Corse au paiement des dépens ;
Rejette les demandes présentées au titre des frais irrépétibles.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT