COUR D'APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 13 MARS 2023
N° RG 21/02362 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MCHH
S.A.R.L. TENECO HABITAT
S.E.L.A.R.L. EKIP'
c/
S.A.S. PARCOURS
Nature de la décision : AU FOND
Notifié aux parties par LRAR le :
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 mars 2021 (R.G. 2019L03107) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 21 avril 2021
APPELANTES :
S.A.R.L. TENECO HABITAT, représentée par son gérant Monsieur [G] [I] et domiciliée en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]
S.E.L.A.R.L. EKIP', es qualité de Mandataire liquidateur de la SARL TENECO HABITAT, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 3]
représentées par Maître Esther RENTING, substituant Maître Olivier BOURU, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.A.S. PARCOURS, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]
représentée par Maître Thierry WICKERS de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Rémi PRADES, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'
article 805 du Code de Procédure Civile🏛, l'affaire a été débattue le 30 janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Aa A
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'
article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile🏛.
N°21/02362 audience rapporteur du 30 janvier 2023
SARL Teneco Habitat ' SELARL Ekip', ès qualités de mandataire liquidateur de la société Teneco Habitat ' SAS Parcours
EXPOSE DU LITIGE
La société Parcours a donné en location longue durée un véhicule Golf immatriculé [Immatriculation 4] à la société Teneco Habitat en octobre 2017.
Par jugement du 31 octobre 2018, publié au BODACC le 13 novembre 2018, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Teneco Habitat. La selarl Christophe Mandon, devenue la société Ekip', a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Par courrier du 04 décembre 2018, la société Parcours a demandé à la société Teneco Habitat et à la société Christophe Mandon, ès qualités de mandataire judiciaire de la société Teneco Habitat, de se positionner sur la poursuite du contrat en cours et d'acquiescer à sa demande en revendication et restitution.
Par courriel du 20 décembre, M. [G] [I], gérant de la société Teneco Habitat, a reconnu le droit de propriété de la société Parcours sur le véhicule et a indiqué qu'il souhaitait poursuivre le contrat.
Par courrier du 23 décembre 2018 adressé au débiteur, le mandataire judiciaire a indiqué qu'il émettait un avis conforme à la position du débiteur s'agissant de la poursuite du contrat.
Par décision du 20 mars 2019, le tribunal de commerce de Bordeaux a, en l'absence de possibilité de redressement, converti la procédure de redressement judiciaire de la société Teneco Habitat en liquidation judiciaire. La selarl Christophe Mandon, devenue la société Ekip', a été désignée en qualité de liquidateur.
Par courrier du 14 avril 2019, le liquidateur a indiqué à la société Parcours qu'il n'entendait pas poursuivre le contrat de location.
Par courriel du 06 mai 2019, la société Parcours a sollicité du liquidateur les coordonnées du débiteur afin d'organiser la restitution du véhicule.
Par courrier du 10 mai 2019 en réponse, le liquidateur a indiqué à la société Parcours qu'il n'avait pas donné son accord pour la restitution du véhicule pendant la période d'observation, de sorte que celle-ci aurait dû saisir le juge commisssaire dans les délais légaux, ce qu'elle n'avait pas fait, raison pour laquelle il s'opposait à la restitution du véhicule.
Par ordonnance du 24 juillet 2019, le juge-commissaire près le tribunal de commerce de Bordeaux a fait droit à la demande de la société Ekip', ès qualités de mandataire liquidateur de la société Teneco Habitat, tendant à faire constater l'inopposabilité du droit de propriété de la société Parcours à la procédure collective de la société Teneco Habitat.
Par lettre recommandée du 02 août 2019, la société Parcours a formé un recours contre ladite ordonnance.
La société Teneco Habitat et M. [Ab] n'ont pas comparu à l'audience.
Par jugement réputé contradictoire du 16 mars 2021, le tribunal de commerce de Bordeaux a :
- déclaré le recours formé par la société Parcours recevable en la forme,
- infirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge commissaire le 24 juillet 2019,
- débouté la société Ekip', ès qualités de liquidateur de la société Teneco Habitat, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- jugé que l'action en revendication de la société Parcours n'est pas forclose,
- jugé que le droit de propriété de la société Parcours sur le véhicule Golf immatriculé ER-8456HA est opposable à l'égard de la liquidation judiciaire,
- ordonné la restitution immédiate du véhicule Golf immatriculé [Immatriculation 4] à la société Teneco Habitat, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et ce, à partir de 15 jours à compter de la signification du jugement et pour un délai de trois mois,
- prononcé l'exécution provisoire du présent jugement,
- reçu la société Parcours en sa demande sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 et fixé au passif de la société Teneco Habitat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens seront réservés en frais privilégiés de la liquidation de la société Teneco Habitat.
En substance, le tribunal a jugé que la société Parcours avait correctement revendiqué son bien auprès de son débiteur, en l'absence d'administrateur judiciaire, dans le délai de trois suivant la publication au BODACC du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Teneco Habitat.
Par ailleurs, il a jugé que :
- le liquidateur avait omis de se prononcer sur la revendication du bien dans son courrier au débiteur dans lequel il émettait un avis conforme à la poursuite du contrat,
- le liquidateur était en copie du courrier adressé par le débiteur au créancier dans lequel celui-ci reconnaissait la propriété sur le bien de la société Parcours et ne s'y est pas opposé,
- aucun texte n'imposait au créancier d'avoir un accord écrit du mandataire judiciaire, ni même de s'assurer que le débiteur avait reçu l'accord du mandataire,
- qu'en l'absence de contestation à l'acte d'acquiescement exprès du débiteur, la société Parcours n'avait pas à saisir le juge-commissaire
Par déclaration du 20 avril 2021, la société Ekip', ès qualités de mandataire liquidateur de la société Teneco Habitat, a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société Parcours.
Par déclaration du 21 avril 2021, la société Teneco Habitat a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société Parcours.
L'affaire n°21/02362 a été jointe à l'affaire n°21/02343 par mention au dossier le 28 mai 2021.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières écritures notifiées par RPVA le 08 novembre 2021, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Teneco Habitat et la société Ekip', ès qualités de mandataire liquidateur de la société Teneco Habitat, demandent à la cour de :
- vu les dispositions des
articles L. 624-9 et suivants et R. 624-13 du code de commerce🏛🏛,
- vu l'ordonnance de Madame le juge commissaire en date du 24 juillet 2019,
- vu le jugement du tribunal de commerce en date du 16 mars 2021,
- réformer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 mars 2021,
- dire et juger que l'action en revendication de la société Parcours est frappée de forclusion,
- juger inopposable à l'égard de la liquidation judiciaire, le droit de propriété de la société Parcours sur le véhicule Golf immatriculé [Immatriculation 4],
- condamner la société Parcours au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières écritures notifiées par RPVA le 15 octobre 2021, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Parcours, demande à la cour de :
- vu les
articles L. 264-9, L. 624-17 et R. 624-13 du code de commerce🏛,
- vu le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 16 mars 2021 (RG n°2019L03107), rectifié par jugement du 29 juin 2021 statuant sur requête en rectification d'erreur matérielle (RG n°2021F00572),
- vu les pièces au soutien des présentes,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 16 mars 2021 (RG n°2019L03107), rectifié par jugement du 29 juin 2021 statuant sur requête en rectification d'erreur matérielle (RG n°2021F00572), en ce qu'il a :
- déclaré le recours formé par la société Parcours recevable,
- infirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 24 juillet 2019 (n° RG 2019M04225),
- débouté la société Ekip', ès qualité de liquidateur de la société Teneco Habitat de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- jugé que l'action en revendication de la société Parcours n'était pas forclose,
- jugé que le droit de propriété de la société Parcours sur le véhicule Golf immatriculé [Immatriculation 4] (n° châssis [Immatriculation 5]) est opposable à l'égard de la liquidation judiciaire,
- ordonné la restitution immédiate du véhicule Golf immatriculé [Immatriculation 4] (n° châssis [Immatriculation 5]) à la société Parcours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et ce, à partir de 15 jours à compter de la signification du jugement et pour un délai de 3 mois,
- prononcé l'exécution provisoire du jugement,
- reçu la société Parcours en sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et fixé au passif de la société Teneco Habitat la somme de 1 000 euros à ce titre,
- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Teneco Habitat la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2023 et le dossier a été fixé à l'audience du 30 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
MOTIFS
1- Les appelants soutiennent en substance que le créancier aurait dû saisir le tribunal de commerce à défaut d'avoir obtenu un accord conjoint du mandataire et du débiteur. Ils ajoutent que l'acquiescement du mandataire judiciaire ne peut être implicite et que l'arrêt cité par les intimés n'est pas applicable en l'espèce puisqu'il concerne une affaire dans laquelle un administrateur judiciaire avait été désigné par le tribunal.
2- La société Parcours affirme qu'il n'existe aucune obligation légale pour le créancier d'obtenir l'accord du mandataire judiciaire à sa demande de revendication, seul le débiteur ayant la possibilité d'acquiescer à sa demande. En outre, l'accord du mandataire judiciaire ne répond à aucun formalisme.
Enfin, l'article R 624-13 du code de commerce n'impose pas au créancier de saisir le juge à défaut d'aquiescement du mandataire judiciaire mais uniquement à défaut d'acquiescement du débiteur ou de l'administrateur judiciaire.
3- Aux termes de l'article L 624-17 du code de commerce, l'administrateur avec l'accord du débiteur ou à défaut le débiteur après accord du mandataire judiciaire peut acquiescer à la demande en revendication ou en restitution d'un bien visé à la présente section. A défaut d'accord ou en cas de contestation, la demande est portée devant le juge-commissaire qui statue sur le sort du contrat, au vu des observations du créancier, du débiteur et du mandataire de justice saisi.
Aux termes de l'article R 624-13 du code de commerce, la demande en revendication d'un bien est adressée dans le délai prévu à l'article L. 624-9 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'administrateur s'il en a été désigné ou, à défaut, au débiteur. Le demandeur en adresse une copie au mandataire judiciaire.
A défaut d'acquiescement dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande, le demandeur doit, sous peine de forclusion, saisir le juge-commissaire au plus tard dans un délai d'un mois à compter de l'expiration du délai de réponse.
Avant de statuer, le juge-commissaire recueille les observations des parties intéressées.
La demande en revendication emporte de plein droit demande en restitution.
Contrairement à ce que soutient l'intimée, l'accord du débiteur, dans les hypothèses où le tribunal n'a pas nommé d'administrateur judiciaire, ne peut avoir d'effet vis-à-vis de la procédure collective que s'il est intervenu 'après accord du mandataire judiciaire'. Si le texte ne prévoit pas les conditions dans lesquels cet accord doit être recueilli, il ne peut en être déduit que celui-ci peut résulter du seul silence du mandataire judiciaire qui n'a pas répondu à la copie de la demande de revendication du bien qui lui a été présentée ou de son absence d'opposition à l'acquiescement du débiteur à cette demande.
En effet, eu égard à la nécessaire protection de l'ensemble des créanciers de la procédure collective, le législateur a expressément prévu que l'acquiescement à une demande de revendication ne puisse intervenir sans l'accord d'un des organes de la procédure, l'administrateur s'il en a été désigné un, ou à défaut le mandataire judiciaire.
Il sera rappelé par ailleurs que la décision de poursuivre le contrat en cours, qui ne vaut pas acquiescement à la revendication, ne dispense pas le revendiquant de saisir le juge-commissaire.
Dès lors, à défaut pour l'intimée de rapporter la preuve de l'accord du mandataire judiciaire désigné dans le cadre du redressement judiciaire à la revendication du bien objet de ce litige, il sera jugé que la société Parcours était bien forclose à agir en revendication du bien.
La décision de première instance sera ainsi infirmée.
Sur les demandes accessoires
7- La société Parcours qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
8- La société Parcours sera condamnée à verser la somme de 1000 euros à la selarl Ekip' en sa qualité de liquidateur de la société Cassin Pascal
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme la décision rendue le 16 mars 2021 par le tribunal de commerce de Bordeaux en toutes ses dispositions déférées à la cour,
et statuant à nouveau
Déclare irrecevable l'action en revendication formée par la société Parcours,
y ajoutant
Condamne la société Parcours qui succombe aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la société Parcours à verser la somme de 1000 euros à la selarl Ekip' en sa qualité de liquidateur de la société Teneco Habitat
Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.