Jurisprudence : CE 7/8 SSR, 16-12-1991, n° 110623

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 110623

TRICOIRE

Lecture du 16 Decembre 1991

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 25 septembre 1989 et 17 janvier 1990, présentés pour M. Gilbert TRICOIRE, demeurant 7, rue de la Surintendance à Saint-Germain-en-Laye (78100) ; M. TRICOIRE demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 25 juillet 1989 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur recours du ministre chargé du budget, d'une part, annulé le jugement du 5 mars 1987 par lequel le tribunal administratif de Versailles a accordé au requérant la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1979, d'autre part, remis à la charge du requérant le complément de taxe sur la valeur ajoutée litigieux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Zémor, Conseiller d'Etat, - les observations de Me Copper-Royer, avocat de M. Gilbert TRICOIRE, - les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts : "Sont ... soumises à la taxe sur la valeur ajoutée : ... 6° les opérations qui portent sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de sociétés immobilières et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels ou commerciaux ; 7° les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. TRICOIRE, agent immobilier à Saint-Germain-en-Laye, a cédé à la société de promotion immobilière "Kaufman and Broad", par un acte en date du 9 février 1978, huit promesses unilatérales de vente de terrains à bâtir moyennant la somme, toutes taxes comprises, de 512 065,25 F payable dans le délai de quinze jours suivant la délivrance du permis de construire et effectivement versée au requérant le 27 février 1979 ; que M. TRICOIRE qui n'a compris dans son chiffre d'affaires imposable à la taxe sur la valeur ajoutée, que la somme de 100 000 F, a été assujetti, sur le fondement de l'article 257-6° du code général des impôts, à un complément de taxe sur la valeur ajoutée à raison de la fraction qu'il avait omise de déclarer du produit de cette cession ;
Considérant en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées, d'une part, que les opérations réalisées par un marchand de biens ne sont imposables sur le fondement du 6° de l'article 257 du code général des impôts que pour autant qu'elles ne relèven pas du 7° de ce même article ; que, d'autre part, les opérations concourant à la production et à la livraison d'immeubles, qu'elles soient ou non le fait d'un marchand de biens sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement des dispositions du 7° de l'article 257 du code général des impôts ;
Considérant en second lieu, qu'il résulte des faits retenus par la cour administrative d'appel que M. TRICOIRE a obtenu des propriétaires des terrains des promesses unilatérales de vente qu'il a ensuite cédées à la société Kaufman et Broad ; que la cession de ces promesses qui ne comportaient en conséquence d'engagement qu'à la charge du promettant doit être regardée, non comme une opération entrant dans le champ d'application du 6° de l'article 257, mais comme une prestation préalable à des travaux de construction et, dès lors, comme concourant à la production et à la livraison d'immeubles au sens de l'article 257-7° du code ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en déclarant que M. TRICOIRE était du seul fait de sa qualité de marchand de biens imposable sur le fondement des dispositions du 6° de l'article 257 du code général des impôts à raison de l'ensemble de ses opérations portant sur des immeubles, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'en vertu de l'article II de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction contentieuse statuant en dernier ressort peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de régler l'affaire au fond ;
Considérant que la cession des promesses unilatérales de vente consentie par M. TRICOIRE entre, comme il a été dit ci-dessus, dans le champ de l'article 257-7° du code général des impôts ; que, par suite, M. TRICOIRE est fondé à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquiès E du code général des impôts repris à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales de la doctrine administrative exprimée dans la documentation administrative de base 8-A-1121 aux termes de laquelle, alors même que la cession d'une promesse unilatérale de vente qui est considérée comme concourant à la production et à la livraison d'un immeuble est passible, comme telle, de la taxe sur la valeur ajoutée, "l'administration a décidé de ne pas soumettre ces cessions à la taxe sur la valeur ajoutée" ; qu'il suit de là que le ministre de l'économie, des finances et du budget n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement en date du 5 mars 1987, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel M. TRICOIRE a été assujetti au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1979 ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 25 juillet 1989 est annulé.
Article 2 : Le recours du ministre délégué au budget dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 5 mars 1987 est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. TRICOIRE et au ministre délégué au budget.

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