Jurisprudence : CE 9/8 SSR, 13-05-1991, n° 74729

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 74729

Bodnia

Lecture du 13 Mai 1991

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Anatole Bodnia, demeurant 3 rue Juliette à la Varenne-St-Hilaire (94210) ; M. Bodnia demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule les jugements en date du 3 mai 1985 et du 7 novembre 1985 par lesquels le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en réduction du complément d'impôt sur le revenu et de la majoration exceptionnelle de l'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1974 à 1977 dans les rôles de la commune de Saint-Maur ; 2°) prononce la réduction de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le III de l'article 81 de la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 modifié par l'article 93 de la loi n° 87-1060 du 30 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Bonnot, Conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par l'administration :
Considérant qu'aux termes du troisième alinéa introduit dans l'article R.192 du code des tribunaux administratifs par l'article 3 du décret n° 84-819 du 29 août 1984 : " ... le délai d'appel contre un jugement avant-dire droit, qu'il tranche ou non une question au principal, court jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre le jugement qui règle définitivement le fond du litige" ;
Considérant que si, par son premier jugement en date du 3 mai 1985, le tribunal administratif de Paris a écarté les moyens de la demande de M. Bodnia relatifs à deux redressements contestés, il a par le même jugement, ordonné une mesure d'instruction concernant le troisième chef des redressements en litige ; qu'ainsi M. Bodnia, qui fait régulièrement appel du second jugement du 7 novembre 1985 susvisé, reste recevable, en dépit de l'expiration du délai d'appel contre le premier jugement du 3 mai 1985, à contester l'ensemble des redressements précités qui sont relatifs au même impôt ; En ce qui concerne une dépense de travaux :
Considérant que les travaux, d'un montant de 22 800 F, visés par la facture du 11 avril 1975 ayant porté sur du mobilier du magasin du 82, rue de la Côte-d'Or, à Lyon, compris dans le bail commercial en vertu duquel M. Bodnia disposait dudit magasin pour son commerce, n'ont pu augmenter l'actif corporel de l'entreprise ; qu'ayant consisté seulement à remplacer des casiers et une moquette usagée déjà existants sans amélioration, ces travaux ont été de la nature de dépenses d'entretien locatives, et partant déductibles pour la détermination des bénéfices industriels et commerciaux de M. Bodnia ; En ce qui concerne l'avantage en nature résultant de l'utilisation personnelle d'un véhicule :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Bodnia a utilisé à des fins personnelles un véhicule automobile figurant à l'actif de son entreprise individuelle ; que l'administration, qui a la charge de la preuve dès lors que le contribuable a exprimé en temps utile son désaccord avec le redressement envisagé, ne conteste pas son affirmation selon laquelle il a personnellement supporté les frais afférents à cette utilisation ; que, dès lors, elle ne démontre pas le bien-fondé du redressement prononcé ; qu'il y a lieu, dès lors, de réduire les bases d'imposition des années 1974, 1975, 1976 et 1977 respectivement des sommes de 5 000 F, 6 000 F, 7 000 F et 7 000 F ; En ce qui concerne les frais de déplacements, de réception et de cadeaux :
Considérant que l'entreprise individuelle de M. Bodnia, qui exploite un commerce de gros et de détail d'articles destinés à la pratique des sports martiaux, a pris à sa charge des frais de déplacements et de réception de personnes étrangères à l'entreprise ainsi que de cadeaux ; qu'en se bornant à faire valoir que ces dépenses, ayant bénéficié à des sportifs et à des clients et fournisseurs de l'entreprise, ont contribué à la progression de son chiffre d'affaires, M. Bodnia n'apporte pas la justification qui lui incombe, ainsi que l'a d'ailleurs relevé le tribunal administratif dans son premier jugement du 3 mai 1985, de ce que lesdites dépenses auraient été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise pour une part excédant celle qu'a largement admise le service en limitant leur réintégration aux montants qu'il indique ;
Considérant que le 4 du paragraphe 4-C-4137 du bulletin officiel de la direction générale des impôts se borne à une exacte interprétation de la règle fiscale selon laquelle il appartient à l'administration d'apporter la preuve de l'acte anormal de gestion, sauf au contribuable à fournir la preuve contraire ; que l'administration, en faisant valoir que les dépenses susindiquées ont bénéficié, ainsi qu'il a été dit, à des personnes étrangères à l'entreprise apporte en l'espèce une preuve suffisante pour faire supporter désormais à M. Bodnia la charge de la preuve contraire ; qu'aucun moyen utile ne pouvant être tiré, dans ces conditions, du commentaire administratif précité sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts reprises à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales ou du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983, M. Bodnia ne justifie pas davantage, en invoquant ces textes, le caractère déductible des dépenses litigieuses ;
Sur les intérêts de retard :
Considérant que la notification de redressements effectuée le 18 octobre 1978 a été interruptive de la prescription en ce qui concerne aussi bien les impositions contestées que les intérêts de retard dont celles-ci ont été assorties ; qu'ainsi le requérant n'est pas fondé à soutenir que des intérêts de retard seraient prescrits ;
Considérant que, de ce qui précède, il résulte que M. Bodnia n'est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a, par les jugements attaqués, en date des 3 mai et 7 novembre 1985, rejeté sa demande en réduction des impositions contestées qu'en ce qui concerne des sommes de 5 000 F, 6 000 F, 29 800 F et 7 000 F qui devront être respectivement déduites de la base d'imposition des exercices clos les 31 mars 1974, 1975, 1976 et 1977 ;
Article 1er : Le bénéfice imposable de l'exercice clos le 31 mars 1974 de M. Bodnia sera réduit de 5 000 F, celui de l'exercice clos le 31 mars 1975 de 6 000 F, celui de l'exercice clos le 31 mars 1976 de 29 800 F, et celui de l'exercice clos le 31 mars 1977 de 7 000 F.
Article 2 : Il est accordé à M. Bodnia la réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et des intérêts de retard correspondants auxquels il a été assujetti au titre des années1974, 1975, 1976 et 1977 ainsi que de la majoration exceptionnelle del'impôt sur le revenu au titre de l'année 1975, résultant de l'application de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Les jugements susvisés du tribunal administratif de Paris, en date des 3 mai et 7 novembre 1985, sont réformés en ce qu'ils ont de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête susvisée de M. Bodnia est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Bodnia et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.

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