CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 160165
MINISTRE DU BUDGET
contre
M. et Mme Robert
Lecture du 11 Février 1998
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 8ème et 9ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 8ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu le recours du MINISTRE DU BUDGET enregistré le 18 juillet 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DU BUDGET demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 17 mai 1994 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a réduit les bases de l'impôt sur le revenu assigné à M. et Mme Max Robert au titre de l'année 1986 du montant de la plus value constatée lors de la cession d'une officine de pharmacie, à concurrence des droits que Mme Robert tenait de sa mère sur les actifs de cette officine, déchargé M. et Mme Max Robert de la fraction correspondant à cette réduction du supplément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis et réformé en ce sens le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 avril 1992 ; . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Ma‹a, Auditeur, - les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat des époux Robert, - les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme Lacombe ont acquis, en 1937, une officine de pharmacie, sous le régime de la communauté réduite aux acquêts ; qu'au décès de Mme Lacombe, en 1943, ses droits sur l'officine ont été transmis à sa fille unique, Anny Lacombe, épouse de M. Max Robert ; qu'à la suite du décès de M. Lacombe, le 18 décembre 1986, ses héritiers, qui étaient Mme Max Robert et ses deux enfants, M. Claude Robert et Mme Brigitte Boularand, ont vendu l'officine ; que l'administration a regardé le prix de vente de celle-ci comme le produit d'une cession d'entreprise, imposable, en vertu des dispositions combinées des 1 et 3 de l'article 39 duodecies et du 1 du I de l'article 39 quindecies du code général des impôts, selon le régime des plusvalues professionnelles à long terme, et a, en conséquence, soumis à l'impôt sur le revenu, au taux de 16 %, alors applicable, la fraction de la plus-value de cession réalisée revenant à chacun des héritiers ; que M. et Mme Max Robert ont demandé la décharge du supplément d'impôt sur le revenu qui leur a été ainsi assigné au titre de l'année 1986, en tant qu'il portait sur la part de la plus-value revenant à Mme Robert, du chef des droits qu'elle détenait de sa mère ;
Considérant que les droits indivis que détient l'héritier d'un époux sur la valeur d'un actif affecté à l'exercice de la profession de l'autre époux, tel qu'un fonds de commerce de pharmacie, ont toujours, du point de vue fiscal, le caractère d'un élément de patrimoine professionnel, même dans le cas où cet hériter, non titulaire des titres ou diplômes requis par la législation en vigueur, ne pouvait lui-même participer à cette activité professionnelle ; que, par suite, en jugeant que, du fait que Mme Max Robert ne possédait pas l'un des diplômes exigés pour l'exercice de la profession de pharmacien, la part du fonds de commerce qu'elle avait héritée de sa mère ne constituait pas un élément d'actif professionnel, susceptible, en cas de cession, de faire l'objet d'une imposition selon le régime applicable aux plus-values professionnelles, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ; que, pour ce motif, le MINISTRE DU BUDGET est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 1, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ; Considérant, d'une part, ainsi qu'il vient d'être dit, que la somme correspondant à la fraction de la plus-value de cession de l'officine de pharmacie revenant à Mme Max Robert au titre des droits hérités de sa mère a été, à bon droit, imposée selon le régime applicable aux plus-values professionnelles ; Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : "... une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le comptable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification" ; que, lorsque l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise exploitée en indivision, elle doit, sauf dans le cas où elle peut se prévaloir de l'existence d'une société de fait, informerchaque indivisaire de ce qu'elle entreprend une telle vérification ; que l'avis de vérification de comptabilité de l'officine de pharmacie exploitée en indivision, à la suite du décès de M. Lacombe, par Mme Robert et ses deux enfants, a été adressé "aux héritiers de M. Lacombe, chez Mme Robert" ; qu'ainsi, Mme Max Robert n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'avait pas été informée de l'existence de ce contrôle et qu'elle aurait été privée des garanties attachées à une procédure de vérification de comptabilité ; que le fait que les autres héritiers de M. Lacombe n'ont pas été informés de cette vérification est sans influence sur la régularité de la procédure d'établissement de l'imposition mise à la charge de M. et Mme Max Robert ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme Max Robert ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 2 avril 1992, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande en réduction de l'imposition contestée ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêt du 17 mai 1994 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La requête présentée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux par M. et Mme Max Robert est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. et Mme Max Robert.