Jurisprudence : CE Contentieux, 23-06-2000, n° 196143

ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT
Conseil d'Etat

Statuant au contentieux

N° 196143

M. AL KALLAS

M. Sauron, Rapporteur
M. Bachelier, Commissaire du Gouvernement

Séance du 31 mai 2000
Lecture du 23 juin 2000



REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8e et 3e sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8e sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 avril et 25 août 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Fayez AL KALLAS, demeurant 88, rue de la Fédération à Paris (75015) ; M. AL KALLAS demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris, en date du 26 février 1998, rejetant sa demande tendant d'obtenir, d'une part, l'annulation d'un jugement du 3 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1984, 1985 et 1986, ainsi que des pénalités y afférentes et, d'autre part, la décharge intégrale des impositions contestées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Sauron, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Cossa, avocat de M. AL KALLAS,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. AL KALLAS, qui exerce en Syrie la profession d'avocat, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 26 février 1998 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il a rejeté ses conclusions en décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti dans les rôles de la Ville de Paris au titre des années 1985 et 1986 ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4A du code général des impôts applicable aux années en cause : "Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus " ; qu'aux termes du 1 de l'article 4B du même code : "Sont considérés comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4A : a - Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal " ; que, pour l'application des dispositions du paragraphe a du 1 de l'article 4B précité, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, et que le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. AL KALLAS a pris en location par un contrat du 24 janvier 1984 pour une durée de vingt ans un appartement situé 80, rue de la Fédération à Paris, dans lequel résident habituellement et effectivement sa femme et ses trois enfants, scolarisés en France ; qu'en estimant que M. AL KALLAS devait, par suite, être regardé comme domicilié fiscalement en France au sens des dispositions précitées de l'article 4B du code général des impôts, alors même qu'il disposait également d'un appartement en Syrie où il exerçait son activité professionnelle d'avocat et quelle qu'ait été la durée de ses séjours dans ce pays, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 86 de la loi de finances pour 1998 : "Il est inséré, dans le livre des procédures fiscales, un article L. 47 C ainsi rédigé : "Lorsque, au cours d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, sont découvertes des activités occultes. l'administration n'est pas tenue d'engager une vérification de comptabilité pour régulariser la situation fiscale du contribuable au regard de cette activité. Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les rappels notifiés selon les règles prévues au I, avant le 1er janvier 1998, sont réputés réguliers en tant qu'ils seraient contestés par le moyen tiré du défaut d'engagement d'une vérification de comptabilité" ; qu'il ressort des pièces soumis à la cour, d'une part, que c'est à l'occasion d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle des époux AL KALLAS qu'a été découverte l'activité occulte d'intermédiaire financier déployée par M. AL KALLAS, d'autre part, que les impositions litigieuses mises à la charge de ce dernier à raison des revenus tirés de cette activité lui ont été notifiées avant le 1er janvier 1998 ; qu'en application des dispositions législatives précitées la procédure d'imposition devait par suite être réputée régulière alors même qu'elle était contestée par le moyen tiré du défaut d'engagement d'une vérification de comptabilité ; que ce motif, qui répond à un moyen d'ordre public et n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif, erroné en droit, retenu dans l'arrêt de la cour administrative d'appel, dont il justifie le dispositif ;

Considérant, en troisième lieu, que la cour administrative d'appel de Paris a pu, sans dénaturer les faits et sans entacher son arrêt d'erreur de qualification juridique, relever que l'administration n'avait pas écarté les contrats avec les sociétés Interimex et TWE produits par M. AL KALLAS au motif qu'ils dissimuleraient une réalité différente, mais qu'elle s'était bornée, comme elle était en droit de le faire, pour considérer que les sommes versées sur les comptes bancaires de M. AL;

KALLAS par des sociétés étrangères présentaient le caractère de recettes professionnelles, à estimer qu'il ressortait des explications et des documents présentés par le requérant que ces sommes constituaient des commissions versées à son nom dans le cadre de son activité d'intermédiaire financier, par diverses sociétés, et à en déduire que, par l'examen auquel elle s'était livrée, l'administration ne pouvait être regardée comme ayant mis en oeuvre la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, enfin, qu'en relevant que, s'il résultait de l'instruction que les sommes portées au crédit des comptes bancaires ouvert, au nom de M. AL KALLAS étaient constituées, en plus de ses honoraires, de commissions dues à des sociétés étrangères et reversées par l'intéressé à des tiers que celles-ci lui indiquaient, le contribuable n'avait fourni aucune justification des reversements effectués et des frais qu'il aurait engagés et par voie de conséquence n'établissait pas qu'en l'imposant sur 75 % desdites sommes l'administration l'aurait imposé sur des montants excédant celles qui lui restaient en propre la cour administrative d'appel, qui n'a pas entaché son arrêt de contradiction de motifs, a porté sur les faits de la cause et la valeur probante des pièces soumises à son examen, une appréciation souveraine qu'en l'absence de dénaturation il n'appartient pas au juge de cassation de contrôler ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. AL KALLAS n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 26 février 1998 ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. AL KALLAS est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Fayez AL KALLAS et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


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