CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 9817
Société à responsabilité limitée "xxxxx"
Lecture du 22 Février 1980
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 9ème Sous-Section
Vu la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 11 octobre 1977 présentée pour la société à responsabilité limitée "xxxxx" dont le siège est à xxxxx, agissant poursuites et diligences de M. xxxxx détenant le pouvoir de gérant et tendant à ce que le Conseil d'Etat:
1° annule le jugement du 29 juillet 1977 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1968 au 31 décembre 1971,
2° accorde la décharge desdits droits;
Vu le code général des impôts;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Sur la recevabilité de la demande devant le tribunal administratif:
Considérant qu'aux termes de l'article 1934-1: du code général des impôts "Toute personne qui introduit ou soutient une réclamation pour autrui doit justifier d'un mandat régulier, Le mandat doit, à peine de nullité, être rédigé sur papier timbré et enregistré avant l'exécution de l'acte qu'il autorise. - Toutefois la production d'un mandat n'est pas exigée . . . des personnes qui tiennent de leurs fonctions ou de leur qualité le droit d'agir au nom du contribuable"; que selon l'article 1940 du même code, "lorsque les requêtes devant le tribunal administratif sont introduites par un mandataire, les dispositions de l'article 1934-1 et 3 sont applicables"; qu'il résulte de ces dispositions qu'un mandat spécial n'est pas exigé notamment d'un associé ou d'un employé d'un employé d'une société si, à la date où il agit il tient de ses fonctions, telles qu'elles sont définies soit par la loi, soit par les statuts, soit par une décision régulièrement prise par des organes compétents de la personne morale, délégation permanente pour réclamer ou ester en justice au nom de la société;
Considérant que la réclamation au directeur formulée le 18 mars 1974 par la société à responsabilité limitée "xxxxx" en vue d'obtenir décharge du supplément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été assigné au titre de la période du 1er janvier 1968 au 31 décembre 1971 a été présentée au nom de cette société par M. xxxxx qui, aux termes d'une délibération des associés en date du 17 mars 1973 dont la régularité n'est pas contestée, s'était vu conférer l'ensemble des pouvoirs de gérant; qu'ainsi M. xxxxx tenait de ses fonctions le droit d'agir au nom de la société et n'avait pas à présenter un mandat enregistré préalablement à la date de la réclamation; que dès lors, le jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif a rejeté comme non recevable la demande de la société en se fondant sur l'irrecevabilité dont était entachée la réclamation, doit être annulé;
Considérant que l'affaire est en état; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société à responsabilité limitée "xxxxx" au tribunal administratif;
Au fond:
Considérant que l'administration a estimé que la comptabilité présentée par la société à responsabilité limitée "xxxxx", qui exploite un commerce d'articles pour jeunes enfants, devait être rejetée comme dépourvue de valeur probante pour l'ensemble de la période litigieuse; qu'elle a en conséquence évalué d'office le chiffre d'affaires imposable en multipliant le montant des achats revendus par un coefficient de bénéfice brut qu'elle a reconstitué; qu'ells a néanmoins fait connaître au redevable, selon la procédure prévue à l'article 1649 quinquiès A du code, la nature et les motifs du redressement envisagé par elle sur la base de cette nouvelle évaluation; que le différend qui s'en est suivi a été soumis à la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires; que l'imposition contestée est conforme à l'avis de la commission; qu'il appartient par suite au contribuable d'apporter la preuve, soit du caractère probant de sa comptabilité, soit, à défaut, de l'exagération des bases d'imposition retenues;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la comptabilité de l'entreprise est régulière en la forme; que, si, pour en contester la sincérité, l'administration fait état de l'anomalie constituée par l'existence simultanée de découverts bancaires et d'importants soldes débiteurs du compte "caisse", cette circonstance, à défaut d'autres indices permettant d'en déduire que des prélèvements auraient été opérés dans la caisse sans être comptabilisés, n'est pas par elle-mème de nature à établir le caractère non probant de la comptabilité; que l'administration ne précise pas les motifs pour lesquels les écritures présentées par le contribuable pour justifier le montant de ses stocks ne lui permettaient pas de vérifier la sincérité des indications des documents comptables concernant les quantités et les prix unitaires des différents articles détenus par l'entreprise; qu'enfin l'écart constaté entre la marge bénéficiaire brute dégagée par la comptabilité et celle plus élevée qui a été calculée en comparant le prix d'achat et le prix de vente affiché de certains articles à certaines époques de l'année s'explique, ainsi que le soutient le contribuable, par la pratique, dont ni l'administration ni la commission n'ont nié la réalité, de rabais consentis pour des articles démodés ou défraîchis; qu'en raison de l'imprécision des griefs allégués à l'encontre de la sincérité de la comptabilité, du caractère approximatif de la reconstitution à laquelle a procédé l'administration, enfin de la faiblesse de l'écart entre le taux de bénéfice brut dégagé par la comptabilité et le taux théorique arrêté par la commission, la comptabilité produite ne peut qu'être tenue pour sincère; que, dans ces conditions, le contribuable est fondé à soutenir que les bases imposables ne doivent pas être supérieures à celles qui ressortent de sa comptabilité;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société à responsabilité limitée xxxxx est fondée à demander la décharge de l'imposition supplémentaire litigieuse.
DECIDE
Article 1er - Le jugement susvisé en date du 29 juillet 1977 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 - Il est accordé à la société à responsabilité limitée "xxxxx" décharge de l'imposition supplémentaire à la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1968 au 31 décembre 1971.