Jurisprudence : CA Paris, 4, 5, 14-06-2023, n° 20/03044, Confirmation


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5


ARRET DU 14 JUIN 2023


(n° /2023, 10 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03044 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBO5Q


Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Décembre 2019 - tribunal d'instance de PARIS - RG n° 1114020329



APPELANTE


SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la BANQUE SOLFEA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]


Représentée par Me Edgard VINCENSINI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0496


INTIMES


MonsieurAa[R] [V]

[Adresse 4]

[Adresse 4]


MadameAa[P] [V]

[Adresse 4]

[Adresse 4]


Maître [X] [K] ès qualités de mandataire liquidateur de la société PELEGRIN exerçant sous l'enseigne ECO SPHERE, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]


N'ont pas constitué avocat



COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 1er Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Elise THEVENIN-SCOTT, conseillère chargée du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Ange Sentucq, présidente

Elise Thévenin-Scott, conseillère

Alexandra Pélier-Tétreau, vice-présidente placée faisant fonction de conseillère


Greffière, lors des débats : Mme Ab Ac


ARRET :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.

- signé par Marie-Ange Sentucq, présidente de chambre, et par Manon Caron, greffière, présente lors de la mise à disposition.



EXPOSE DU LITIGE


Le 16 octobre 2012, la SARL PELEGRIN, exerçant sous l'enseigne ECO SPHERE, a vendu à Monsieur [R] [Aa] une installation photovoltaïque pour une somme de 25 500 euros.


Pour financer cette installation, la BANQUE SA SOLFEA, a consenti à Monsieur [Aa] et Madame [Ad] épouse [Aa] (ci-après Monsieur et Madame [Aa]) un prêt d'un montant de 25 500 euros au taux d'intérêt contractuel de 5,79 % l'an (TAEG : 5,95 %) remboursable en 168 mensualités d'un montant de 234 euros, après une période d'amortissement de 11 mois.


Par acte d'huissier de justice en date des 24 et 25 novembre 2014, Monsieur et Madame [Aa] ont fait assigner la SARL PELEGRIN, prise en la personne de son liquidateur Maître [K]. ainsi que la BANQUE SA SOLFEA, à comparaître devant le tribunal d'instance de Paris pour voir :


Avant dire droit,


- Prononcer la résolution du contrat pour inexécution.


En droit,


- Annuler le contrat de vente conclu avec la société ECO SPHERE

- Annuler en conséquence le contrat de prêt affecté conclu avec la BANQUE SA SOLFEA.

- En conséquence, condamner la BANQUE SA SOLFEA à restituer les sommes d'ores et déjà versées par eux.

- Constater la faute imputable à la BANQUE SA SOLFEA et, en conséquence, la condamner à leur verser des dommages-intérêts équivalents au capital restant dû, de sorte qu'ils ne seront plus débiteurs à l'égard de la BANQUE SA SOLFEA.

- Condamner la BANQUE SA SOLFEA à leur payer à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile🏛, outre le paiement des entiers dépens.

- Prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir.


Par jugement, avant dire droit, en date du 21 janvier 2016, Ie tribunal d'instance de Paris a :


- Ordonné avant dire droit à Monsieur et Madame [Aa] de produire :

o leurs factures de consommation d'électricité de 2012 à 2015,

o leurs avis d'imposition 2013, 2014 et 2015 a'n de déterminer s'ils ont bénéficié d'un crédit d'impôt "dépenses environnementales de l'habitation principale" en application des dispositions de l'article 200 quater du Code général des impôts🏛, et le cas échéant, le montant du crédit d'impôt,

o l'ensemble des correspondances et documents échangés avec Electricité de France, l'agence ERDF compétente et la société ECO SPHERE en vue du raccordement, et notamment mais pas exclusivement :

" le contrat d'achat de d'énergie électrique produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil et bénéficiant de l'obligation d'achat d'électricité conclu entre Monsieur et Madame [Aa] et EDF;

" le courrier adressé par ERDF à Monsieur et Madame [Ae] [Aa] indiquant la date de mise en service de l'installation

" l'ensemble des factures de production des précitées établies en application de l'article 5 du contrat d'achat de l'énergie électrique produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil et bénéficiant de l'obligation d'achat d'électricité.

- En cas de défaut de production par les époux [Aa] de tout ou partie des documents demandés, a ordonné à :

o Electricité de France [Adresse 2] de produire le contrat d'achat de l'énergie électrique produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil et bénéficiant de l'obligation d'achat d'électricité conclu entre EDF et Monsieur et MadaAae [V]

o EDF - Agence Obligation d'achat Solaire - TSA 94962 CRETEIL de produire l'ensemble des factures reçues en application de l'article 5 du contrat l'achat électrique produites par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil et bénéficiant de l'obligation d'achat d'électricité,

o ERDF ARE Picardie [Adresse 5] de produire l'ensemble des correspondances et documents échangés avec Monsieur et Madame [Aa] ou la société ECO SPHERE en vue du raccordement,

- Dit n'y avoir lieu à ordonner une astreinte,

- Réservé les autres demandes.



Par acte d'huissier en date du 6 novembre 2018, Monsieur et Madame [Aa] ont ré-assigné en intervention forcée la SARL PELEGRIN, prise en la personne de son liquidateur judiciaire Me [X] [K], aux fins notamment d'obtenir l'annulation du contrat de vente conclu avec la SARL PELEGRIN et le contrat de prêt conclu avec la BANQUE SA SOLFEA, aux droits de laquelle vient désormais la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE.


Par jugement en date du 18 décembre 2019, le tribunal d'instance de Paris a statué dans les termes suivants :


DONNE ACTE à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de son intervention aux droits de la BANQUE SA SOLFEA aux termes d'un acte de cession de créance du 28 février 2017 ;


DÉCLARE irrecevable la demande de nullité du contrat de vente signé le 16 octobre 2012 en tant qu'elle a été formée par MadameAa[P] [V];


DÉCLARE recevable la demande de nullité du contrat de vente signé le 16 octobre 2012 en tant qu'elle est formée par MonsieurAa[R] [V];


PRONONCE la nullité du contrat de vente conclut le 16 octobre 2014 entre Monsieur [R] [Aa] et la SARL PELEGRIN exerçant sous l'enseigne ECO SPHERE;


DIT que Monsieur [R] [Aa] devra tenir à la disposition de Me [K], es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL PELEGRIN, exerçant sous l'enseigne ECO SPHERE, l'ensemble des matériels posés à son domicile pendant un délai de six mois à compter de la notification du présent jugement;


DIT que, passé le délai de six mois à compter de la signification du jugement, si le liquidateur n'a pas émis la volonté de reprendre les matériels, Monsieur [R] [Aa] pourra porter ce matériel dans un centre de tri sans pouvoir en retirer aucun profit;


CONSTATE la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté intervenu le 16 octobre 2014 entre la BANQUE SA SOLFEA et Monsieur et Madame [Aa] ;


DIT que la société BANQUE SA SOLFEA a commis une faute qui prive la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de son droit à restitution du capital emprunté ;


CONDAMNE la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la BANQUE SA SOLFEA à restituer à Monsieur et Madame [Aa] le montant des sommes dont ils se sont acquittés au titre du prêt du 16 octobre 2014 ;


DEBOUTE les parties de leurs autres, plus amples ou contraires demandes;


ORDONNE l'exécution provisoire;


CONDAMNE la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux dépens;


REJETTE les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par déclaration au greffe en date du 10 février 2020, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a interjeté appel de cette décision.


Ni Monsieur et Madame [Aa], ni Maître [K] en qualité de liquidateur judiciaire de la société PELEGRIN exerçant sous l'enseigne ECO SPHERE n'ont constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées à la personne de Monsieur et Madame [Aa], le 19 mai 2020; et à un tiers présent à l'étude concernant Maître [K], liquidateur judiciaire, par acte en date du 13 mai 2020.


Aux termes de ces dernières conclusions, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE demande à la cour de :


1°) A titre principal :


INFIRMER le jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat conclu entre Monsieur [Aa] et ECO SPHERE et constaté l'annulation subséquente du contrat de crédit affecté conclu entre Monsieur et Madame [Aa] et BANQUE SOLFEA aux droits de laquelle est venue BNP PARIBAS PF ;

Par conséquent,

INFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné BNP PARIBAS PF venant aux droits de BANQUE SOLFEA à restituer aux époux [Aa] le montant des sommes dont ils se sont acquittés au titre du prêt du 16 octobre 2012 ;

CONDAMNER Monsieur et Madame [Aa] à poursuivre l'exécution du contrat de crédit auprès de BNP PARIBAS PF qui vient aux droits de BANQUE SOLFEA jusqu'à son complet remboursement, conformément au tableau d'amortissement à compter de l'arrêt à intervenir ;

ORDONNER le report des échéances des prêts suspendues le temps de la présente procédure, du fait de la suspension de l'exécution du contrat de crédit ordonné par le jugement avant-dire-droit du 16 juin 2015 et de l'annulation du contrat de crédit avec exécution provisoire, en fin de prêt ;


2°) Subsidiairement, si le contrat de crédit était annulé, en conséquence de l'annulation du contrat principal :


- INFIRMER le jugement en ce qu'il a privé la banque de sa créance de restitution du capital prêté ;

- CONDAMNER solidairement Monsieur et Madame [Aa] à restituer à BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venue aux droits de BANQUE SOLFEA, la somme de 25 500 € au titre du capital emprunté, avec intérêts au taux légal à compter de la remise des fonds, soit le 7 février 2013 ;


3°) Très subsidiairement, si une faute de la BANQUE était retenue :


- INFIRMER le jugement en ce qu'il a caractérisé l'existence d'un préjudice des époux [Aa];

En conséquence,

- DEBOUTER les époux [Aa] de leurs demandes ;


4°) En tout état de cause :


Condamner in solidum Monsieur [R] [Aa] et Madame [P] [B] épouse [Aa] au paiement de la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Condamner in solidum Monsieur [R] [Aa] et Madame [P] [B] épouse [Aa] aux dépens et admettre Maître Edgard VINCENSINI, avocat, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile🏛,.


L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 novembre 2022. L'affaire a été appelée à l'audience du 1er février 2023 et mise en délibéré au 14 juin 2023.



MOTIVATION


À titre liminaire il convient de préciser qu'au regard de la date des contrats (16 octobre 2012), il sera fait application des dispositions du code de la consommation, applicables antérieurement à la loi n°2014-344 du 17 mars 2014🏛 relative à la consommation ainsi qu'aux dispositions du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016🏛.


Sur la nullité du contrat principal de vente


Le tribunal a prononcé la nullité du contrat principal de vente de panneaux photovoltaïques, en application des articles L.121-23 à 121-26 du code de la consommation🏛🏛, ainsi que des articles L.311-1 et suivants du même code, en ce que :


- La marque des panneaux, caractéristique essentielle, n'est pas précisée sur le bon de commande.

- Le droit de rétractation ne peut être exercé efficacement dès lors que le bordereau prévu à cet effet, pour être utilisé, doit amputer une partie du contrat., indiquant en outre une mauvaise société (AIR ECO CLIMAT en lieu et place de ECO SPHERE)

- Le contrat ne prévoit aucune date ni aucune modalité pour la livraison.


La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE indique s'en rapporter à la cour sur la question de la nullité du contrat principal soulignant toutefois que seule la production du bon de commande en original permettra à la cour une juste appréciation, et ajoutant que les conditions générales font partie intégrante du contrat.


Réponse de la cour :


Il n'est pas contesté que le contrat conclu entre Monsieur [Aa], seul, et ECO SPHERE, l'a été dans le cadre d'une opération de démarchage à domicile.


En application des articles 1583 du Code civil🏛 et L. 111-1 du Code de la consommation🏛, tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service qu'il entend acquérir.


Il ressort des articles L.121-23 du code de la consommation que ces opérations doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion du contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;

2° Adresse du fournisseur ;

3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;

4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;

5° Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;

6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 ;

7° Faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.c


L'article R.121-3 du code de la consommation précise que : Le formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation prévu à l'article L. 121-25 fait partie de l'exemplaire du contrat laissé au client.


Il doit pouvoir en être facilement séparé.


L'article R.121-5 du même code🏛 ajoute que :


Le formulaire prévu à l'article L. 121-24 comporte, sur son autre face, les mentions successives ci-après en caractères très lisibles :

1° En tête, la mention "Annulation de commande" (en gros caractères), suivie de la référence "Code de la consommation🏛
, articles L. 121-23 à L. 121-26" ;

2° Puis, sous la rubrique "Conditions", les instructions suivantes, énoncées en lignes distinctes:

"Compléter et signer ce formulaire" ;

"L'envoyer par lettre recommandée avec avis de réception" (ces derniers mots doivent être soulignés dans le formulaire ou figurer en caractères gras) ;

"Utiliser l'adresse figurant au dos" ;

"L'expédier au plus tard le septième jour à partir du jour de la commande ou, si ce délai expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le premier jour ouvrable suivant" (soulignés ou en caractères gras dans le formulaire) ;

3° Et, après un espacement, la phrase :

"Je soussigné, déclare annuler la commande ci-après", suivie des indications suivantes, à raison d'une seule par ligne :

"Nature du bien ou du service commandé...".

"Date de la commande...".

"Nom du client...".

"Adresse du client...".

4° Enfin, suffisamment en évidence, les mots :

"Signature du client..."


Or, le bon de commande signé par Monsieur [Aa], seul, le 16 octobre 2012 indique :

- 16 panneaux photovoltaïque de 185 Wc chacun

- 1 onduleur

- 1 demande de raccordement

- 1 ballon thermodynamique 250l


Il apparaît donc qu'aucune précision ne figure concernant la marque exacte des panneaux, de l'onduleur et du ballon thermodynamique achetés, ne permettant pas à Monsieur [Aa] d'identifier le fabricant, et de s'informer utilement durant le délai de rétractation, notamment sur la qualité du matériel, les garantie fabricant existantes, le prix proposé.


De même, le bon ne fournit aucun renseignement sur les conditions d'exécution du contrat, notamment sur les délais et modalités de livraison.


Par ailleurs, si l'original du bon de commande n'est pas produit compte tenu de l'absence de constitution de Monsieur et Madame [Aa] devant la cour, il n'en reste pas moins que sa formulation n'est pas satisfaisante en ce qu'il vise une société différente de la société avec laquelle Monsieur [Aa] a conclu, AIR ECO CLIMAT en lieu et place de ECO SPHERE.


Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient donc de confirmer le jugement du 18 décembre 2019 en ce qu'il a déclaré nul le contrat conclu le 16 octobre 2012 entre Monsieur [Aa] et la société PELEGRIN exerçant sous l'enseigne ECO SPHERE.


Sur la couverture de la nullité du contrat principal


Le tribunal, au visa de l'article 1138 du code civil🏛, a considéré que la signature d'une attestation de fin de travaux et le fait d'avoir laissé s'exécuter le contrat ne pouvait s'analyser en une confirmation tacite de l'obligation entachée de nullité (le contrat de vente) faute de démontrer que Monsieur [Aa] avait connaissance des vices affectant son contrat.


La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE sollicite l'infirmation du jugement sur ce point affirmant que s'agissant d'une nullité relative, elle a été couverte, en connaissance de cause, par Monsieur et Madame [Aa]. Elle précise que les conditions générales de ECO SPHERE reproduisent l'intégralité des dispositions du code de la consommation relatives aux mentions obligatoires du bon de commande, de façon parfaitement lisible, permettant ainsi aux signataires de connaître le vice de forme l'affectant. La banque ajoute que le comportement postérieur à la signature de Monsieur et Madame [Aa] établi leur intention non-équivoque de réparer le vice en ce qu'ils ne se sont pas rétractés, qu'ils ont accepté le matériel livré, sa pose, et signé une attestation de fin de travaux. Ils ont, par la suite, demandé à leur banque de payer la société, accepté le raccordement, mis fonction l'installation, réglé les échéances de leur prêt et perçu un crédit d'impôt.


Réponse de la cour :


En application de l'article 1338 du code civil🏛, l'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision, n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.


A défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.


La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.


En l'espèce, il n'est pas contesté que la nullité du contrat principal est une nullité relative. Elle peut être couverte à la double condition de la connaissance du vice dès l'origine et de la preuve de l'intention non-équivoque de le réparer.


Les conditions générales produites par la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ne sont pas signées, toutefois, il n'était pas contesté par Monsieur et Madame [Aa], en première instance, qu'elles avaient été portées à leur connaissance. Elles reproduisent une partie des dispositions du code de la consommation, et notamment l'article L.121-23 précisant le contenu du contrat. Toutefois, elles ne contiennent pas les dispositions de l'article R.121-3 du code de la consommation concernant les exigences relatives au bon de rétractation. En conséquence, il est inexact d'affirmer que Monsieur et Madame [Aa] ont été en mesure d'avoir pleinement conscience des vices affectant le bon de commande. Ainsi, la condition tenant à la connaissance du vice n'apparaît pas établie, et le jugement ayant écarté la confirmation de la nullité sera confirmé.


Sur les conséquences de la nullité sur le contrat de crédit


Le tribunal a prononcé la nullité du contrat de crédit affecté en application de l'article L.311-32 du code de la consommation🏛. Considérant, par ailleurs, que la banque avait commis une faute en s'abstenant, avant de verser les fonds empruntés, de vérifier la régularité du contrat principal, faute causant un préjudice à Monsieur et Madame [Aa] contraints de rembourser un crédit sans pouvoir bénéficier du matériel acheté, lequel doit être restitué, il a privé la banque de sa créance de restitution à titre de dommages-intérêts.


La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE sollicite l'infirmation au motif que l'annulation du contrat principal emporte obligation pour l'emprunteur de restituer le capital à la banque, sous déduction des échéances déjà versées. Elle argue de ce qu'aucune faute ne peut lui être reprochée, aucun texte n'exigeant d'un établissement bancaire qu'il vérifie la régularité du contrat principal conclu pour en payer le prix. Enfin, à supposer une faute établie, il n'existe aucun préjudice dès lors que l'installation a été posée et raccordée, que les panneaux photovoltaïques n'ont pas été restitués et vont donc continuer à profiter à Monsieur et Madame [Aa]. Le préjudice ne pourrait, selon la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, consistait qu'en une perte de chance pour eux de conclure un contrat conforme aux dispositions du code de la consommation. Estimant le préjudice incertain, l'appelante considère qu'il ne saurait être réparé.


Réponse de la cour :


En application de l'article L.311-32 du code de la consommation, en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal pourra, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.


En l'espèce, l'annulation du contrat principal par le tribunal d'instance ayant été confirmée, la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté le sera également.


L'annulation d'un contrat entraîne la remise des parties dans leur état antérieur. S'agissant d'un contrat de prêt, elle oblige donc le prêteur à restituer les sommes déjà remboursées et l'emprunteur à restituer au prêteur le capital prêté sauf à démontrer une faute du prêteur dans l'exécution de ses obligations de nature à le priver de sa créance de restitution.


À cet égard, s'agissant d'une opération de crédit affecté pour laquelle le prêteur donne mandat au vendeur de faire signer à l'acheteur l'offre préalable de crédit, la banque se devait de vérifier la régularité de l'opération financée au regard des dispositions d'ordre public de l'article L. 121-23 du code de la consommation.


L'établissement de crédit ne saurait utilement contester une telle obligation en invoquant qu'il n'existe pas d'obligation expresse en ce sens. En effet, en application de l'article L. 311-1 9) du code de la consommation dans sa rédaction alors applicable, le contrat principal et le contrat de crédit forment une opération commerciale unique, et cette interdépendance des contrats oblige l'établissement de crédit à procéder préalablement aux vérifications nécessaires auprès du vendeur et des consommateurs, en réclamant au besoin le bon de commande, ce qui, en l'espèce, lui aurait permis de déceler immédiatement que le contrat principal était affecté de causes évidentes de nullité.


Dès lors, en versant les fonds à la société ECO SPHERE sans se mettre en mesure de constater la non-conformité du contrat financé aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage, la société BANQUE SA SOLFEA, aux droits de laquelle vient la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a commis une négligence fautive.


La liquidation judiciaire de la société ECO SPHERE si elle ne fait pas obstacle à elle-seule, à cette restitution, ne permettra pas à Monsieur et Madame [Aa] de récupérer le prix auprès de l'entreprise.


La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE affirme que le matériel n'aurait pas été restitué, et que Monsieur et Madame [Aa] pourraient ainsi bénéficier d'une installation sans bourse délier La cour observe que le seul élément produit à l'appui de cette affirmation est constitué de deux captures d'écran d'une photo aérienne montrant une toiture pourvue de panneaux photovoltaïque dont l'onglet de recherche indique que la photographie correspondrait au [Adresse 4] à [Localité 6] (adresse du couple [Aa]). Toutefois, cette pièce, recueillie de façon non-contradictoire, ne permet ni d'affirmer que l'image correspond effectivement au domicile des intimés, ni que les panneaux sur l'image sont ceux effectivement livrés par ECO SPHERE, ni qu'ils sont toujours en état de bon fonctionnement.


En conséquence, de ce qui précède, le préjudice subi par Monsieur et Madame [Aa] n'est pas une perte de chance mais un préjudice entièrement consommé résultant de la faute de la banque et la privation de la créance de restitution de celle-ci constitue leur exact préjudice.


Le jugement ayant dit que la société BANQUE SA SOLFEA, aux droits de laquelle vient la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, a commis une faute privant cette dernière de son droit à restitution du capital emprunté, et la condamnant à restituer à Monsieur et Madame [Aa] le montant des sommes dont ils se sont acquittés au titre du prêt du 16 octobre 2014, sera confirmé.


Sur les autres demandes


Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement dans ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, succombant, sera condamnée aux entiers dépens d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité au titre des frais irrépétibles engagés par elle.



PAR CES MOTIFS


La cour,


CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 décembre 2019 par le tribunal d'instance de Paris ;


CONDAMNE la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux entiers dépens de l'instance d'appel ;


DÉBOUTE la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.


La greffière, La présidente,

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