Jurisprudence : CA Bourges, 08-06-2023, n° 22/00476, Infirmation partielle

CA Bourges, 08-06-2023, n° 22/00476, Infirmation partielle

A68039ZY

Référence

CA Bourges, 08-06-2023, n° 22/00476, Infirmation partielle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/96859808-ca-bourges-08062023-n-2200476-infirmation-partielle
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SM/MMC


COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- Me Bénédicte LARTICHAUX

- SCP SOREL et Associés


LE : 08 JUIN 2023

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU 08 JUIN 2023

N° 288 - Pages


N° RG 22/00476 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DOMX


Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de BOURGES en date du 14 Avril 2022



PARTIES EN CAUSE :

I - S.A. QBE EUROPE, ès qualités d'assureur de la S.A.R.L. DECORATION ET AGENCEMENT agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 10]

N° SIRET : 842 689 556


Représentée par Me Bénédicte LARTICHAUX, avocat au barreau de BOURGES, substituée à l'audience par Me LEROY DES BARRES, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté


APPELANTE suivant déclaration du 03/05/2022


II - S.C.I. COHESO agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:

[Adresse 2]

[Localité 4]

N° SIRET : 802 098 129


Représentée par la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté


INTIMÉE


IIi - S.A.R.L. CONCEPT ET DECORATION agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:

[Adresse 6]


non représentée

à laquelle la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiés suivant actes d'huissier des 20/06/2022, 05/08/2022 et 23/02/2023 transformés en procès-verbal de recherches infructueuses


INTIMÉE


IV - S.A.S. SAULNIER PONROY ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. CONCEPT ETANCHEITE

[Adresse 5]

[Localité 3]

N° SIRET : 841 653 553


non représentée

à laquelle la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiés suivant actes d'huissier des 15/06/2022 remis à personne habilitée et 01/02/2023 remis à étude


INTIMÉE


V - S.A.R.L. DECORATION ET AGENCEMENT agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:

[Adresse 9]

[Localité 4]


non représentée

à laquelle la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiés suivant actes d'huissier des 01/06/2022 et 03/08/2022 remis à étude


INTIMÉE



COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. PERINETTI, Conseiller chargé du rapport.


Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :


Mme CLEMENT Présidente de Chambre

M. PERINETTI Conseiller

Mme CIABRINI Conseillère


***************


GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme A


***************


ARRÊT : RENDU PAR DEFAUT


prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.


**************



EXPOSÉ DU LITIGE

La SCI Coheso, dont les gérants sont M. [W] [D] et Mme [M] [Aa] épouse [D], a fait l'acquisition, le 24 octobre 2016, de deux biens immobiliers à rénover en vue d'y créer six logements.

Elle a confié à la SARL Décoration et agencement les travaux correspondant aux devis suivants :

' devis no 51 en date du 15 septembre 2016 d'un montant de 297.364,65 euros TTC concernant l'immeuble situé [Adresse 7], visant la création de six appartements ;

' devis no 52 en date du 15 septembre 2016 d'un montant de 129.714,42 euros TTC correspondant à la réfection de l'immeuble situé au no [Adresse 8].

La SCI Coheso a également accepté un devis daté du 30 mars 2017, établi par la société Concept et étanchéité, concernant la réalisation d'une piscine pour un montant de 32.398,92 euros.

La SARL Décoration et agencement, la société Concept et étanchéité et la SARL Concept et décoration, qui a émis certaines factures, ont toutes le même gérant, M. [Ab] [C].

La SCI Coheso a effectué des règlements à hauteur de 308.923,33 euros.

Les travaux ont été suspendus au mois de juin 2017.

M. et Mme [Ac] se sont plaints de malfaçons et ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Bourges d'une demande d'expertise judiciaire.

Par ordonnance en date du 18 janvier 2018, le juge des référés a confié à M. [Ad] une mesure d'expertise judiciaire, qui a été étendue par nouvelle ordonnance en date du 4 octobre 2018.

M. [Ad] a déposé son rapport le 13 juin 2019.

Suivant acte d'huissier en date des 17 et 24 février et 2 et 8 mars 2021, la SCI Coheso a fait assigner la SARL Concept et décoration, la SARL Décoration et agencement, la SAS Saulnier-Ponroy ès qualités de mandataire judiciaire de la liquidation judiciaire de la SARL Concept et étanchéité et la compagnie QBE Insurance Europe Ltd devant le Tribunal judiciaire de Bourges aux fins de voir

- constater la réception tacite, à la date du 31 juillet 2017, des deux logements côté rue et des logements en fond de cour sis [Adresse 7],

- prononcer la réception tacite, à la date du 31 juillet 2017 de la maison d'habitation sise [Adresse 8],

- constater le caractère décennal des désordres dénoncés par la SCI Coheso et relevés par l'expert judiciaire aux termes de son rapport,

- Condamner solidairement les sociétés Concept et décoration, Concept et étanchéité, Décoration et agencement ainsi que la compagnie QBE Insurance Limited prise en sa qualité d'assureur décennal des sociétés Concept et décoration, Concept et étanchéité et Décoration et agencement, à lui payer la somme de 500.084,30 € TTC au titre des travaux de reprise des désordres tel qu'estimé par l'Expert judiciaire aux termes de son rapport,

en conséquence,

- Condamner solidairement les sociétés Concept et décoration, Concept et étanchéité, Décoration et agencement ainsi que la compagnie QBE Insurance Limited prise en sa qualité d'assureur décennal des sociétés Concept et décoration, Concept et étanchéité et Décoration et agencement, à lui payer la somme de 50.000 € au titre du préjudice de jouissance subi par la SCI Coheso ;

- Condamner solidairement les sociétés Concept et décoration, Concept et étanchéité, Décoration et agencement ainsi que la compagnie QBE Insurance Limited prise en sa qualité d'assureur décennal des sociétés Concept et décoration, Concept et étanchéité et Décoration et agencement, à lui restituer le trop-versé d'un montant de 87.906,64 € TTC ,

- Condamner solidairement les sociétés Concept et décoration, Concept et étanchéité, Décoration et agencement ainsi que la compagnie QBE Insurance Limited prise en sa qualité d'assureur décennal des sociétés Concept et décoration, Concept et étanchéité et Décoration et agencement, à lui payer la somme la somme de 74.880,00 € au titre du préjudice financier subi par la SCI Coheso ;

- Condamner solidairement les sociétés Concept et décoration, Concept et étanchéité, Décoration et agencement ainsi que la compagnie QBE Insurance Limited prise en sa qualité d'assureur décennal des sociétés Concept et décoration, Concept et étanchéité et Décoration et agencement, à lui payer la somme 5.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile🏛 ;

- Condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens de l'instance dont les frais d'expertise judiciaire.


En réplique, la compagnie QBE Europe SA/NV a demandé au Tribunal de :


dire inapplicable la police souscrite auprès d'elle par la société Décoration et agencement sous le n° 0085269/17722 et la mettre hors de cause ;

condamner la SCI Coheso à lui payer une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de Maître Bénédicte Lartichaux.


La SARL Concept et décoration, la SARL Décoration et agencement et la SAS Saulnier Ponroy ès qualités de liquidateur de la SARL Concept étanchéité n'ont pas constitué avocat devant le tribunal.



Par jugement contradictoire du 14 avril 2022, le Tribunal judiciaire de Bourges a :

' dit que la SARL Concept et décoration, la SARL Concept décoration et agencement et la SARL Concept étanchéité ont engagé leur responsabilité contractuelle pour ce qui concerne les non-façons et malfaçons relatifs aux deux derniers logements du [Adresse 7] fonds de cour (appartements 3 et 4) et à la piscine (32.398,92 euros) ainsi que pour les travaux de finition (plomberie, électricité, ajustage de meubles pour l'essentiel), des logements pour lesquels il a été décidé d'une réception judiciaire, et que le reste des travaux relève de leur responsabilité décennale ;

' prononcé, à la date du 31 juillet 2017, la réception judiciaire des travaux suivants :

- 4 logements du [Adresse 7], deux logements sur rue et deux logements fond de cour

- les travaux de rénovation de l'immeuble situé au [Adresse 8] ;

' dit que les travaux de finition portant sur ces logements font l'objet d'une réception avec réserves ;

' rejeté la demande de réception judiciaire pour les travaux portant sur les deux derniers

logements à créer du [Adresse 7] et pour ceux relatifs à la piscine ;

' mis hors de cause la compagnie QBE Insurance Europe Limited pour les travaux portant sur les deux derniers logements à créer du [Adresse 7] imputables à son assurée et pour les travaux de finitions des logements réceptionnés judiciairement et pour la piscine qui étaient imputables à la SARL Concept et étanchéité.

En conséquence,

' condamné solidairement la SARL Concept et décoration et la SARL Décoration et agencement à payer la somme de 244.448,27 euros à titre de dommages et intérêts pour les mal-façons et défauts de finitions affectant les travaux litigieux à la SCI Coheso ;

' fixé la même somme au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Concept étanchéité ;

' condamné solidairement la SA QBE Europe SA/NV en sa qualité d'assureur responsabilité décennale de la SARL Concept et décoration, la SARL Concept et décoration et la SARL Décoration et agencement à payer à la SCI Coheso la somme de 245.625,08 euros à titre de dommages-intérêts pour la réparation du dommage matériel sur le fondement de la garantie décennale ;

' fixé la même somme au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Concept étanchéité ;

' condamné solidairement la SARL Décoration et agencement, la SARL Concept et décoration et la SA QBE Europe SA/NV à payer à la SCI Coheso une indemnité de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices de jouissance et financier ;

' fixé la même somme au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Concept étanchéité ;

' condamné solidairement la SARL Décoration et agencement et la SARL Concept et décoration à payer à la SCI Coheso la somme de 87.906,64 euros correspondant au trop perçu dans le règlement des travaux ;

' fixé la même somme au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Concept étanchéité ;

' débouté la SCI Coheso du surplus de ses demandes et les parties de toutes autres demandes ;

' condamné solidairement la SARL Décoration et agencement et la SARL Concept et décoration et la SA QBE Europe SA/NV aux dépens y compris ceux de référé et les frais d'expertise ;

' dit que la SARL Concept et étanchéité sera redevable des mêmes sommes ;

' dit qu'il sera fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Concept étanchéité les sommes correspondantes ;

' condamné solidairement la SARL Décoration et agencement, la SARL Concept et décoration et la SA QBE Europe SA/NV à payer à la SCI Coheso une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

' dit qu'il sera fixé la même somme au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Concept étanchéité.

Le Tribunal a notamment retenu que la réception judiciaire au 31 juillet 2017 pouvait être prononcée pour quatre logements du chantier du n° [Adresse 7] et pour l'immeuble situé au n° [Adresse 8], que les travaux non réalisés pour les deux autres logements et la piscine étaient considérables dans leur ampleur, voire n'avaient pas débuté, que la réception judiciaire ne pouvait de ce fait être prononcée, que la garantie décennale n'était pas mobilisable pour ces deux logements, justifiant la mise hors de cause partielle de la compagnie QBE Insurance, que le litige concernant les deux logements et la piscine se situait sur le terrain de la responsabilité contractuelle, qu'une partie des travaux concernant les autres logements relevait de la garantie décennale, que l'expert avait indiqué que l'ensemble des chantiers aurait pu être terminé en octobre 2017, que la faute contractuelle et la responsabilité décennale des entreprises qui se trouvaient à l'origine des désordres et avaient abandonné le chantier avaient eu pour conséquence de retarder la livraison depuis cette date, que la SCI Coheso subissait de ce fait un préjudice financier se confondant avec son préjudice de jouissance, et que chacune des entreprises avait contribué au préjudice de la SCI Coheso.


La compagnie QBE Europe SA/NV a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 3 mai 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2023, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, la compagnie QBE Europe SA/NV demande à la Cour de :

INFIRMER le Jugement querellé en ce qu'il a cru devoir rentrer en voie de condamnation partielle de la Société QBE Europe SA/NV, es qualité d'assureur de la Société Décoration et agencement .

En conséquence,

JUGER au vu notamment du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [P] le caractère exclusivement contractuel du présent litige.

JUGER que la réception judiciaire des ouvrages litigieux ne saurait être prononcée dans l'hypothèse où les désordres relèveraient de la garantie décennale.

En conséquence,

JUGER la radicale inapplicabilité de la Police souscrite auprès de la Société QBE Europe SA/NV par la Société Décoration et agencement sous le n° 0085269/17722.

METTRE purement et simplement hors de cause la compagnie QBE Europe SA/NV.

CONFIRMER le Jugement rendu le 14 avril 2022 en ce qu'il a dit qu'aucune réception ni expresse ni tacite n'est intervenue dans le cadre du chantier litigieux.

CONFIRMER le Jugement querellé en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de la Société QBE Europe SA/NV en ce qui concerne 2 logements de l'Immeuble sis [Adresse 7] et la piscine.

DEBOUTER la SCI Coheso de sa demande à hauteur de la somme de 178.560 € au titre de son préjudice de jouissance et financier ou à tout le moins, CONFIRMER le Jugement du 11 avril 2022 en ce qu'il a retenu la somme de 30.000 €.

JUGER qu'aucune condamnation ne saurait être prononcée à l'encontre de la Société QBE Europe SA/NV qui ne tienne compte des conditions et limites de sa police.

CONDAMNER la SCI Coheso ou tout autre succombant à verser à la Société QBE Europe SA/NV la somme de 3.000,00 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER la SCI Coheso ou tout autre succombant aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Bénédicte Lartichaux, Avocat, sous le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile🏛.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 27 octobre 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, la SCI Coheso demande à la Cour de :

Dire et juger que le jugement est définitif en ce qui concerne les condamnations

prononcées à l'encontre de la SARL Concept et décoration, de la SARL Décoration et agencement et de la SARL Concept et étanchéité, en ce qui concerne cette dernière, les sommes ayant été fixées au passif de la liquidation judiciaire,

Dire et juger par conséquent que la Cour n'est saisie que des condamnations prononcées à l'encontre de la société QBE Europe SA/NV.

CONFIRMER le jugement du Tribunal Judiciaire de Bourges du 14 avril 2022 en ce qu'il a :

- Prononcé à la date du 31 juillet 2017 la réception judiciaire des travaux suivants :

o 4 logements du « [Adresse 7] » : 2 logements sur rue et deux logements fond de cour ;

o Les travaux de rénovation de l'immeuble situé au « [Adresse 8] ».

- Condamné solidairement la société QBE Europe SA/NV, en sa qualité d'assureur responsabilité décennale de la SARL Concept et décoration et la SARL Décoration et agencement à payer à la SCI Coheso la somme de 245.625,08 € à titre de dommages et intérêts pour la réparation des dommages matériels sur le fondement de la garantie décennale ;

- Condamné solidairement la SARL Décoration et agencement , la SARL Concept et décoration et QBE Europe SA/NV aux dépens, y compris ceux de référé et les frais d'expertise ;

- Condamné solidairement la SARL Décoration et agencement et la SARL Concept et décoration et QBE Europe SA/NV à payer à la SCI Coheso une indemnité de 5.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Y AJOUTANT,

- Condamner solidairement la SARL Décoration et agencement et la SARL Concept et décoration et QBE Europe SA/NV à payer à la SCI Coheso une indemnité de 178.560,00 € en réparation du préjudice de jouissance et financier subi par la SCI COHESO.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

Si la Cour ne prononçait pas la réception judiciaire,

DIRE ET JUGER que la réception tacite est intervenue à la date du 31 juillet 2017 de la maison d'habitation sise « [Adresse 8] et des 4 logements du « [Adresse 7] » (2 logements sur rue et 2 logements fond de cour).

Condamner solidairement la SARL Décoration et agencement et la SARL Concept et décoration et QBE Europe SA/NV à payer à la SCI Coheso une somme de 5.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 février 2023.



MOTIFS

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant simplement à voir « dire et juger », « rappeler » ou « constater » ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu'il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n'y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt. Il en va de même de la demande de « donner acte », qui est dépourvue de toute portée juridique et ne constitue pas une demande en justice.

Sur la réception des travaux

Le prononcé de la réception judiciaire des travaux est soumis à la condition que l'immeuble soit en état d'être reçu.

Tel est le cas, pour un immeuble d'habitation, lorsque ce dernier est habitable, même si certains travaux peuvent ne pas avoir été achevés.

En l'espèce, la société QBE Europe fait grief au jugement attaqué d'avoir prononcé la réception judiciaire de quatre des six appartements situés au [Adresse 7] et de la maison située au [Adresse 8].

Elle relève qu'il reste de nombreux travaux à réaliser et que le maître de l'ouvrage n'a jamais manifesté la volonté de réceptionner les travaux. Elle estime ainsi que l'abandon de chantier par le maître d'œuvre ne permet pas la mobilisation de la garantie décennale des constructeurs. Elle soutient encore que la réception judiciaire ne peut être prononcée en cas d'existence de désordres ou de défauts de conformité rendant l'ouvrage impropre à sa destination.

La société Coheso considère pour sa part que le prononcé de la réception judiciaire nécessite seulement de constater l'état habitable de la construction et qu'un ouvrage présentant des désordres peut faire l'objet d'une réception. Elle se fonde sur le rapport de l'expert qui a retenu, pour les quatre appartements du [Adresse 7] et la maison du [Adresse 8], que les logements sont réceptionnables après quelques travaux de finition.

L'expert judiciaire a considéré, aux termes de son rapport déposé le 13 juin 2019, que les quatre appartements sont « réceptionnables à quelques finitions de plomberie, d'électricité et d'ajustage de meuble, etc. » et que « ces éléments appartiennent au parfait achèvement, ce qui n'empêche pas la réception des ouvrages », tout en notant que « certes, des malfaçons subsistent, mais cela ne gêne en rien la réception des ouvrages avec des réserves » et que « les travaux de finition sur les quatre logements peuvent être contenus dans un délai de 10 jours ». S'agissant de la maison, l'expert écrit que « les quatre baies coulissantes sont à mettre en place pour établir le clos du bâtiment en rez-de-chaussée », qu'« il reste des finitions à réaliser qui, là encore, appartiennent au parfait achèvement » et que « les travaux de finition peuvent être contenus dans un délai de huit jours ». Il conclut en estimant que le défaut de qualité de réalisation des travaux « n'aurait pas empêché le demandeur de mettre au bail ses locaux ».

Nonobstant cet avis, dont il est rappelé qu'il ne lie pas la cour, force est toutefois de constater que les observations écrites et photographiques contenues dans le constat d'huissier et dans le rapport d'expertise font notamment apparaître :

- l'absence majoritaire de pose ou de raccordement des sanitaires,

- un défaut de finition du réseau électrique intérieur,

- l'absence de système de chauffage,

- l'absence de certaines menuiseries/huisseries dont la maison du [Adresse 8], ce qui signifie que le rez-de-chaussée n'est pas clos.

L'ampleur de ces seules malfaçons et non-façons ' qui s'ajoutent par ailleurs à de nombreux autres désordres relatifs à la charpente, aux menuiseries, au parquet, à la VMC et aux portes d'entrées ' fait obstacle à ce que les appartements et la maison litigieux puissent être considérés comme habitables et, partant, en état d'être reçus.

Au demeurant, si la société Coheso sollicite à titre subsidiaire le prononcé de la réception amiable des travaux, il y a lieu de rappeler que cette dernière est conditionnée à l'existence d'une volonté non équivoque de la part du maître de l'ouvrage de recevoir l'ouvrage. Or, une telle preuve n'est pas apportée en l'espèce.

Il convient donc d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la réception judiciaire, à la date du 31 juillet 2017, des travaux portant sur quatre des six logements situés au [Adresse 7] et de la maison située au [Adresse 8] et a dit que les travaux de finition de ces logements faisaient l'objet d'une réception avec réserves.

Sur la garantie décennale

A défaut de réception des travaux, qui marque notamment le point de départ de la garantie décennale, il est constant que cette dernière ne saurait s'appliquer.

Il convient dès lors d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société QBE Europe, en sa qualité d'assureur responsabilité décennale des maîtres d'œuvre, à payer à la société Coheso la somme de 245.625,08 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de la garantie décennale.

Sur le préjudice de jouissance de la société Coheso

La société Coheso sollicite la réparation de son préjudice de jouissance, faisant valoir qu'elle n'a pu prendre possession des lieux dans le délai contractuellement prévu, que la durée des travaux de reprise était supposée s'étendre sur huit mois, qu'elle a souscrit deux prêts pour financer les travaux, qui auraient dû être financés par la mise en location des appartements, que M. [D] a rencontré des problèmes de santé, que la SCI a dû solliciter des délais de règlement des prêts souscrits et que les gérants de la SCI ont été abusés par leurs cocontractants.

Comme l'a retenu le premier juge, il est établi que la SCI Coheso n'a pu percevoir les fruits de la mise en location des logements en raison de l'abandon de chantier imputable aux maîtres d'œuvre, alors que les appartements auraient contractuellement dû être livrés en juillet et octobre 2017.

Si l'existence du préjudice de jouissance ne saurait donc être contestée, étant précisé que le premier juge a également considéré à juste titre qu'il ne pouvait englober les préjudices personnels aux époux [D], qui ne sont pas parties à la procédure, il doit être tenu compte, pour son évaluation, de ce que la société Coheso était informée dès le mois de juin 2019, à la remise du rapport de l'expert judiciaire, de l'étendue exacte des travaux restant à effectuer et qu'elle disposait dès alors d'un devis d'une entreprise capable de reprendre et terminer le chantier. Par ailleurs, faute de production par la SCI Coheso de tout élément permettant d'apprécier la valeur locative des six appartements, il sera retenu, au regard des spécifications des logements telles qu'elles peuvent être déduites du constat d'huissier et du rapport d'expertise judiciaire, un loyer moyen de 400 euros par logement. Le préjudice de la société s'analysant comme une simple perte de chance de percevoir des loyers, il y a lieu de fixer cette dernière à 80 % de l'entier préjudice, comme sollicité.

Enfin, au vu des pièces produites aux débats, aucune disposition contractuelle ne permet de mobiliser la garantie de la société QBE Europe dans le cadre de l'indemnisation de ce préjudice de jouissance, qui entre dans le champ des exclusions de garantie stipulées entre les parties.

Ainsi, infirmant le jugement entrepris de ce chef, il y a lieu de condamner solidairement la société Décoration et Agencement et la société Concept et Décoration à payer à la société Coheso la somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.


Parties principalement succombantes, la société Concept et Décoration et la société Décoration et Agencement seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel.

L'issue de la procédure, la prise en considération de la situation économique des parties et l'équité commandent par ailleurs de condamner in solidum la société Concept et Décoration et la société Décoration et Agencement à payer à la société Coheso la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter la société QBE Europe de sa demande d'indemnité de procédure.



PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME partiellement le jugement rendu le 14 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Bourges en ce qu'il a


prononcé la réception judiciaire des travaux portant sur quatre logements du [Adresse 7] et les travaux de rénovation de l'immeuble du [Adresse 8] ;

dit que les travaux de finition portant sur ces logements font l'objet d'une réception avec réserves ;

condamné la SA QBE Europe, en sa qualité d'assureur responsabilité décennale de la SARL Concept et décoration et de la SARL Décoration et Agencement, à payer à la SCI Coheso la somme de 245.625,08 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de la garantie décennale ;

condamné solidairement la SARL Décoration et Agencement et la SARL Concept et Décoration à payer à la SCI Coheso une indemnité de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice et jouissance ;


ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DEBOUTE la SCI Coheso de ses demandes tendant à voir prononcer la réception judiciaire, ou subsidiairement amiable, des travaux portant sur quatre logements du [Adresse 7] et sur la maison d'habitation du [Adresse 8] ;

MET hors de cause la SA QBE Europe au titre de la garantie décennale portant sur ces logements ;

CONDAMNE solidairement la SARL Décoration et agencement et la SARL Concept et décoration à payer à la SCI Coheso la somme de 40.000 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

CONDAMNE in solidum la SARL Décoration et agencement et la SARL Concept et décoration à payer à la SCI Coheso la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la SARL Décoration et agencement et la SARL Concept et décoration aux dépens de première instance et d'appel.


En l'absence du Président empêché, l'arrêt a été signé par R.PERINETTI, Conseiller la plus ancien ayant participé au délibéré et par Mme MAGIS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le Greffier, Le Conseiller,


S.MAGIS R.PERINETTI

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