COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8
ARRÊT AU FOND
DU 26 MAI 2023
N°2023/.
Rôle N° RG 21/14010 - N° Portalis DBVBAaV-B7F-BIFNJ
[Z] [T]
C/
CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES CHIRURGIENS DENTISTES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Stéphane CECCALDI
- Me Denis PASCAL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du TJ de TOULON en date du 28 Septembre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/02747.
APPELANT
Monsieur [Aa] [T], demeurant [… …]
représenté par Me Patrick LAGASSE de la SCP LAGASSE GOUZY, avocat au barreau d'ALBI substituée par Me Jean-baptiste LE MORVAN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES CHIRURGIENS DENTISTES, demeurant [… …]
représenté par Me Denis PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'
article 945-1 du code de procédure civile🏛, l'affaire a été débattue le 08 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Isabelle PERRIN, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Mme Isabelle PERRIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023
Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [Aa] [T], affilié à la Caisse autonome de retraite des chirurgiens dentistes et des sages femmes (CARCDSF) dans le cadre de son activité de chirurgien-dentiste exercée à titre libéral, a été destinataire d'une mise en demeure émise par le directeur dudit organisme le 5 février 2018,
au titre des cotisations et contributions sociales dues au titre de l'année 2016, d'un montant de 19 821,70 euros outre 2 726,16 euros de majorations de retard, soit 22 547,86 euros. A défaut de paiement, le directeur de ladite caisse lui a adressé une contrainte en date du 21 juin 2019 portant sur la même période de cotisations et le même montant.
Il s'est également vu adresser une mise en demeure, émise par le même organisme, en date du 15 juin 2018 au titre des cotisations et contributions sociales dues au titre de l'année 2017, d'un montant de 23 268,40 euros outre 2 272,41 euros de majorations de retard, soit 25 547,86 euros.
A défaut de paiement, le directeur de la caisse lui a adressé une seconde contrainte datée du 21 juin 2019 au titre de la même période de cotisations et portant sur un montant global de 25 243,81 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 juillet 2019, M. [T] a formé opposition à ces deux contraintes devant le pôle social du tribunal de grande instance de Toulon.
Par jugement du 28 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Toulon, pôle social, a :
- déclaré recevable l'opposition,
- débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné M. [T] au paiement des sommes de 23 547,86 euros et 25 243,81 euros,
- condamné M. [T] à payer à la CARCDSF la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛- condamné
M. [T] aux dépens.
M. [T] a interjeté appel de ladite décision dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.
Par conclusions visées par le greffe à l'audience, oralement soutenues et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens, l'appelant sollicite l'infirmation du jugement et demande à la cour de:
- annuler les contraintes du 21 juin 2019 ;
- débouter la CARCDSF de toutes ses demandes ;
- condamner l'intimée à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 mars 2023, oralement soutenues et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, l'intimée demande à la cour de:
- confirmer le jugement déféré
- condamner M. [T] à lui payer outre les sommes en principal, les majorations de retard depuis la date limite d'exigibilité jusqu'à complet paiement du montant en principal,
- condamner M. [T] aux entiers dépens,
- condamner M. [T] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeter l'ensemble des demandes et prétentions de M.[T].
MOTIFS
L'appelant soulève d'une part la nullité des mises en demeure et subséquemment de la contrainte tirées de l'absence de motivation des mise en demeure et d'autre part la nullité des contraintes tiré de leur absence de motivation, en ce que:
- les contraintes n'indiquent pas la nature des cotisations réclamées et la caisse ne produit pas la délégation de signature de leur signataire,
- les mises en demeure n'indiquent ni la nature des créances, ni le mode de calcul des cotisations, ni l'adresse de la commission de recours amiable et les modalités des voies de recours.
L'intimée répond que:
- les contraintes critiquées précisent le montant des sommes en principal et la période visée,
- les mises en demeure en litige comportaient toutes précisions utiles sur le détail de la somme due en principal, la période en cause et les majorations de retard,
- l'absence de mention ou la mention insuffisante ou erronée, sur la mise en demeure, des voies de recours ouvertes, de son délai ou ses modalités n'entachent pas celle-ci de nullité.
Sur ce:
Aux termes de l'
article L.244-2 du code de la sécurité sociale🏛 dans sa version applicableau litige, toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-11 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant.
L'article R 133-3 du même code, dans sa version applicable à l'espèce, dispose que si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L. 161-1-5 ou L. 244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles. La contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d'huissier de justice. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.
Aux termes de l'
article L.244-9 du code de la sécurité sociale🏛 dans sa version applicable à l'espèce, la contrainte décernée par le directeur d'un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard emporte, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, dans les délais et selon les conditions fixées par décret, tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire.
La mise en demeure qui doit à peine de nullité être motivée, doit ainsi préciser outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période pour laquelle elle se rapporte et la contrainte, qui peut être délivrée pour un montant différent, doit impérativement reprendre les mêmes exigences de motivation et de précisions.
Le visa dans la contrainte des mises en demeure qui l'ont précédée peut constituer cette motivation lorsqu'il y a parfaite concordance des sommes indiquées au titre des cotisations, et que le cotisant a été informé de manière détaillée par les mises en demeure visées à la fois de la nature, des périodes concernées et du montant des dites cotisations.
La cour constate en l'espèce que la mise en demeure du 5 février 2018 porte sur des cotisations exigibles pour l'année 2016 et en précise la nature et le montant - régime de base régularisation 2014, régime de base régularisation 2015, régime de base provisionnel, régime complémentaire, prestation complémentaire vieillesse, indemnités journalières et invalidité décès, ainsi que sur les majorations de retard dont le montant est également précisé.
Il en est de même pour la mise en demeure émise le 15 juin 2018 portant sur les cotisations exigibles pour l'année 2017.
En conséquence, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la nature de ses obligations ne lui a pas été suffisamment indiquée aux mises en demeure.
En outre, les textes applicables susvisés n'imposent en aucun cas à la caisse de mentionner le mode de calcul des cotisations réclamées sur les mises en demeure, de sorte que cet argument est inopérant.
L'exigence de motivation des mises en demeure a en conséquence parfaitement été respectée par la caisse.
Enfin, comme le souligne la caisse, le défaut ou l'insuffisance des mentions des modalités et voies de recours indiqués aux mises en demeures n'ont pas pour sanction leur annulation, mais l'impossibilité pour la caisse de soulever la forclusion des délais de recours à l'encontre de l'opposant.
En second lieu, la cour constate que les deux contraintes en litige ont été émises par le directeur de la CARCDSF, comme l'exige l'article L 244-9 susvisé et portent de manière lisible son identité complète ainsi que sa signature, de sorte que moyen tiré du défaut de production par l'intimée d'une délégation de signature est totalement inopérant.
La contrainte d'un montant de 22 547,86 euros porte sur les mêmes périodes et mêmes montants de cotisations exigibles, et sur le même montant de majorations de retard que la mise en demeure du 5 février 2018 quelle vise, et précise la nature et le montant de chaque cotisation réclamée, ainsi que celui des majorations de retard, de sorte qu'elle est régulière en la forme.
La contrainte d'un montant de 25 243,81 euros qui porte sur les mêmes périodes de cotisations que la mise en demeure à laquelle elle se réfère du 15 juin 2018, précise également la nature et le montant de chaque cotisation exigée, le même montant de majorations de retard, mais mentionne un total différent de celui porté à la mise en demeure, soit un différentiel de 297 euros, sans qu'il soit précisé dans la contrainte les cotisations concernées par cette 'réduction' ni son motif.
En conséquence, et par jugement du jugement entrepris sur ce point, cette contrainte doit être annulée.
S'agissant du bien-fondé de la contrainte d'un montant de 22 547,86 euros l'appelant ne conteste pas le montant des cotisations. Cependant, il y a lieu de rectifier l'erreur matérielle figurant au dispositif du jugement, en ce qu'il condamne M. [T] à payer à la caisse la somme de 25 243,81 euros au lieu de 22 547,86 euros.
Au regard de l'issue du litige et en application des dispositions de l'
article 696 du code de procédure civile🏛, chacune des partie sera condamnée pour moitié aux dépens.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Rectifie l'erreur matérielle portée au jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [T] au paiement des sommes de 23 547,86 euros au lieu de la somme de 22 547,86 euros, et le confirme de ce chef,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chef infirmés et y ajoutant,
Annule la contrainte du 21 juin 2019 émise par la caisse de retraite autonome des chirurgiens dentistes et des sages femmes d'un montant de 25 243,81 euros,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne les parties à supporter chacune pour moitié les dépens,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président