Jurisprudence : CE Contentieux, 21-04-1989, n° 89657

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 89657

David

Lecture du 21 Avril 1989

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Vu la requête, enregistrée le 22 juillet 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. DAVID, demeurant 34, rue de Toul à Paris (75012) et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°) réforme le jugement en date du 10 juin 1987 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des impositions à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1977 et 1978 dans les rôles de la Ville de Paris ainsi que sa demande de sursis de paiement des dites impositions ; 2°) lui accorde de surseoir au paiement des impositions contestées ainsi que la décharge des dites impositions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Querenet Onfroy de Breville, Conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Martin Laprade, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. DAVID qui a été assujetti d'office à des impositions primitives à l'impôt sur le revenu au titre des années 1977 et 1978 a demandé au directeur de la direction nationale des vérifications de situations fiscales, puis après rejet de sa réclamation, au tribunal administratif de Paris, de lui accorder la décharge de ces impositions ; que cette demande a été rejetée par un jugement du tribunal administratif en date du 22 mars 1984 ; que, saisi par une requête enregistrée sous le n° 59 384 de l'appel formé contre ce jugement par M. DAVID, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, par une décision du 5 octobre 1988, accordé à M. DAVID une réduction, à concurrence respectivement de 2 500 F et 83 323 F, des bases des impositions mises à sa charge au titre des années 1977 et 1978 et rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;
Considérant qu'à la suite du rejet de sa demande par le jugement susmentionné du tribunal administratif de Paris en date du 22 mars 1984, M. DAVID a saisi le directeur des services fiscaux de Paris-Est d'une nouvelle réclamation ayant trait aux mêmes impositions que ci-dessus et porté le litige résultant de leur rejet devant le tribunal administratif ; que ce tribunal, ayant à bon droit, par un second jugement en date du 19 décembre 1985, opposé à la nouvelle demande du requérant l'autorité de chose jugée qui s'attachait à sa décision du 22 mars 1984, M. DAVID a introduit le 23 décembre 1985, devant le directeur des services fiscaux de Paris-Est, une troisième réclamation tendant à la décharge des impositions à l'impôt sur le revenu auxquelles il avait été assujetti au titre des années 1977 et 1978 ; que, par une requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'tat le 10 juin 1987, M. DAVID demande la réformation du jugement par lequel le tribunal administratif a refusé de le décharger des droits en principal auxquels il avait été assujetti au titre des deux années litigieuses ; que, par la voie du recours incident, le ministre de l'économie, des finances et du budget conclut à la réformation de ce même jugement en tant qu'il a déchargé M. DAVID des pénalités au taux de 100 % dont les impositions qui lui avaient été primitivement assignées avaient été assorties ;
Sur les conclusions en décharge de M. DAVID : Considérant, d'une part, que, dans la limite du dégrèvement prononcé par la décision précitée du Conseil d'Etat du 5 octobre 1988, la requête de M. DAVID est devenue sans objet ; Considérant, d'autre part, que, pour le surplus la requête de M. DAVID a le même objet que celle sur laquelle le Conseil d'Etat statuant au Contentieux s'est prononcé par sa décision n° 59-384 et énonce les mêmes moyens que ceux présentés à l'appui de cette requête ou des moyens fondés sur les mêmes causes juridiques ; que, dès lors, l'autorité de chose jugée qui s'attache à cette décision s'oppose à ce qu'elle soit accueillie ;
Considérant qu'aux termes de l'article 57-2 ajouté au décret du 30 juillet 1963 par l'article 28 du décret du 20 janvier 1978 : "Dans le cas de requête jugée abusive, son auteur encourt une amende qui ne peut excéder 10 000 F" ; qu'en l'espèce la requête de M. DAVID présente un caractère abusif ; qu'il y a lieu de condamner M. DAVID à payer une amende de 5 000 F ;
Sur les conclusions du recours incident du ministre :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet doivent être motivées les décisions qui ... infligent une sanction ..." ; qu'aux termes de l'article 42 de la loi du 30 décembre 1986 portant loi de finances pour 1987 : "I. Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressé au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable" ;
Considérant que les pénalités prévues par le code général des impôts sont au nombre des sanctions auxquelles s'appliquent les dispositions précitées ; que si l'administration allègue avoir adressé à M. DAVID une lettre de motivation des pénalités litigieuses, elle reconnaît cependant n'être pas en mesure d'en rapporter la preuve ; que ni les mentions portées sur les imprimés adressés à M. DAVID en vue de le mettre en demeure d'avoir à déposer les déclarations d'ensemble de ses revenus et précisant qu'à défaut de satisfaire à ses obligations déclaratives, il serait passible de pénalités de 100 %, ni la circonstance que la notification de redressement qui lui a été adressée constatait que M. DAVID n'avait pas déposé ses déclarations de revenus et se trouvait ainsi en situation d'être taxé d'office à l'impôt sur le revenu ne sont de nature à constituer la motivation des pénalités mises à la charge du requérant ; que, dès lors, le ministre de l'économie, des finances et de la privatisation n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a accordé à M. DAVID la décharge des pénalités de 100 % appliquées aux suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1977 et 1978 ;
Article 1er : Il n'y a lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. DAVID en tant que celle-ci tend à la réduction à concurrence respectivement de 2 500 F et 83 323 F des bases des impositions à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1977 et 1978.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. DAVID est rejeté.
Article 3 : M. DAVID est condamné à payer une amende de 5 000 F.
Article 4 : Le recours incident du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. DAVID et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.

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