CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 87894
Ministre de l'Economie et des Finances
contre
Société xxxxx
Lecture du 11 Janvier 1978
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 8ème Sous-Section
Vu le recours sommaire et le mémoire ampliatif du Ministre de l'Economie et des Finances, ledit recours et ledit mémoire enregistrés au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat respectivement le 10 juillet et le 1er septembre 1972 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler partiellement le jugement en date du 28 janvier 1972 en tant que, par ce jugement le Tribunal administratif de Strasbourg a accordé à la xxxxx Société à responsabilité limitée dont le siège est à la mairie de xxxxx (xxxxx) décharge de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1959 et 1960 dans les rôles de la commune de xxxxx;
Vu le Code de l'Urbanisme et de l'Habitation;
Vu le Code général des Impôts;
Vu l'Ordonnance n° 58-1372 du 29 décembre 1958;
Vu le décret n° 54 239 du 6 mars 1954;
Vu l'Ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953.
Sur le moyen tiré de ce que la société requérante serait exonérée de l'impôt sur les sociétés:
Considérant qu'aux termes de l'article 206 du Code général des Impôts "... sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet... les sociétés à responsabilité limitée...";
Considérant, d'une part que, s'il résulte de l'article 207-7° du même Code, dans sa rédaction applicable en 1959 et en 1960 que sont exonérées de l'impôt sur les sociétés, les sociétés d'économie mixte dont les statuts sont conformes aux clauses-types annéxées au décret n°54-239 du 6 mars 1954, il est constant que la société de xxxxx dont, à raison de 51%, le capital est détenu par la commune de xxxxx ne remplit pas cette condition;
Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 208bis du Code général des Impôts, dans sa rédaction issue de l'article 29-II de l'Ordonnance n° 58-1372 du 29 décembre 1958, "les organismes à caractère social ou philanthropique sont exonérés de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'article 206-1 pour les bénéfices provenant de leurs opérations génératrices de profits, dans la mesure où ces opérations sont exonérées des taxes sur le chiffre d'affaires en vertu des articles 271-44° et 1575-36°"; que si, en vertu des dispositions précitées sont exemptées des taxes sur le chiffre d'affaires, en totalité ou en partie, certaines opérations réalisées par les organismes à caractère social ou philanthropique, dans la mesure où ceux-ci se bornent à une exploitation ou à des opérations ne présentant aucun caractère lucratif, à la condition que les prix pratiqués aient été homologués par l'autorité publique, l'application de ces dispositions était subordonnée à l'intervention du décret en Conseil d'Etat auquel elles renvoyaient expressément pour la détermination des conditions auxquelles est subordonnée l'exonération; que les opérations de la société requérante en 1959 et en 1960 ne pouvaient en tout état de cause, bénéficier des dispositions du décret ainsi prévu qui n'est intervenu que le 30 septembre 1966; qu'il suit de là que le bénéfice tiré de ces opérations n'est pas affranchi de l'impôt sur les sociétés par les dispositions précitées de l'article 208bis;
Considérant, dès lors, que la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle devait être exonérée de l'impôt sur les sociétés;
Sur la procédure d'imposition:
En ce qui concerne l'exercice 1959:
Considérant d'une part, que l'administration qui est tenue d'appliquer la loi fiscale, peut, à tout moment, opposer au contribuable, celles de ses dispositions qui lui paraissent propres à justifier l'établissement de l'impôt; d'autre part, qu'aux termes de l'article 55 du Code général des Impôts, dans sa rédaction en vigueur en 1959, qui est relatif à la déclaration des bénéfices industriels et commerciaux et que l'article 203 du même Code rendait applicable aux bénéfices des sociétés "l'inspecteur... peut rectifier les déclarations. Mais il fait alors connaître au contribuable la rectification qu'il envisage et lui en indique les motifs. Il invite en même temps l'intéressé à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de vingt jours. A défaut de réponse dans ce délai, l'inspecteur fixe la base de l'imposition, sous réserve du droit de réclamation de l'intéressé après l'établissement du rôle"; qu'il suit de là que l'administration, lorsqu'elle établit l'impôt après rectification du bénéfice commercial déclaré, est en droit de retenir un autre motif que celui dont elle avait assorti une premièrs notification de redressement à la condition d'en avoir, par une nouvelle notification, avisé le contribuable et de lui avoir ouvert, en vue d'en discuter, un nouveau délai de la durée prévue par la loi;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a notifié le 10 octobre 1963 à la xxxxx le nouveau fondement qu'elle entendait donner au redressement des résultats déclarés par celle-ci au titre de 1959 et substituer ainsi à celui quelle avait indiqué dans un avis précédent; que cette seconde notification en rappelant intégralement le taxte des dispositions précitées, informait suffisamment la société qu'un nouveau délai de vingt jours lui était ouvert pour faire connaître son accord ou ses observations; que, par suite, l'imposition contestée a été mise en recouvrement le 7 décembre 1963 après une procédure régulière;
En ce qui concerne l'exercice 1960:
Considérant qu'aux termes de l'article 223 du Code général des Impôts: "les personnes morales... passibles de l'impôt sur les sociétés sont tenues de sousarire les déclarations prévues pour l'assiette de l'impôt sur le revenu des personnes physiques en ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux, (régime de l'imposition d'après le bénéfice réel...). Toutefois la déclaration du bénéfice ou du déficit est faite dans les trois mois de la clôture de l'exercice... En cas d'absence de déclaration ou de déclaration tardive, la liquidation de l'impôt dû à raison des résultats de la période d'imposition est faite d'office..."; qu'il résulte de ces dispositions qu'une société dont l'exploitation est déficitaire, est néanmoins tenue de déclarer ce résultat dans le délai prescrit, et qu'à défaut, elle peut être taxée d'office;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société de xxxxx n'a produit que le 16 août 1961 la déclaration des résultats de l'exercice clos le 31 décembre 1960 et pouvait, en conséquence, être taxée d'office; que par suite les prétendus défauts qui affecteraient les avis de redressement que l'administration a cru devoir lui notifier, sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Ministre de l'Economie et des Finances est fondé à soutenir que c'est à tort qu'en se fondant sur l'irrégularité de la procédure d'imposition, le Tribunal administratif de Strasbourg a, par le jugement attaqué, donné décharge des impositions litigieuses;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel de statuer sur les autres moyens présentés par la société devant le Tribunal administratif;
Sur les bases d'imposition:
En ce qui concerne l'exercice 1959:
Considérant qu'aux termes de l'article 210 quinquies du Code général des Impôts: "les subventions que les employeurs versent à fonds perdus en application des articles 272 à 278 du Code de l'Urbanisme et de l'Habitation à des sociétés ou organismes régulièrement habilités à les recevoir, ne sont pas comprises, pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés dû par ces sociétés ou organismes, dans les bénéfices imposables de l'exercice au cours duquel elles ont été versées. Le montant de la subvention vient en déduction du prix de revient des éléments construits ou acquis à l'aide de ladite subvention pour le calcul des amortissements et des plus-values réalisées ultérieurement" qu'il résulte des termes du second alinéa de ce texte qu'il concerne les subventions affectées à la construction d'immeubles qui donnent lieu à amortissement et dont la cession éventuelle fait apparaître une plus-value ou une moins-value, appréciée en comparant le prix de cessions avec la valeur comptable qui était celle de ces immeubles, c'est à dire des biens immobiliers compris dans l'actif immobilisé de la société qui bénéficie des subventions; qu'en revanche lorsque la société affecte les subventions à la construction d'immeubles destinés à être vendus, ces biens ne peuvent ni ouvrir droit à l'amortissement, ni donner lieu à la constatation d'une éventuelle plus-value; qu'en ce qui concerne ces derniers, les éléments du coût de leur construction entrent dans les charges du ou des exercices au cours desquels la dépense est engagée, tandis que le prix de cession fait partie des recettes de l'exercice au cours dequel à lieu la vente; qu'ainsi les dispositions précitées prescrivant que le montant des subventions vienne en réduction du prix de revient des immeubles cédés pour le calcul d'une éventuelle plus-value imposable, ne sont pas applicables dans le cas où la vente porte sur des biens ne faisant pas partie de l'actif immobilisé de la société cédante;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société xxxxx a, par des actes en date du 31 décembre 1958 confirmés par un acte authentique du 16 avril 1959, vandu à divers acquéreurs douze maisons du type "logement économique et familial", qu'aux dates susmentionnées, étaient en cours d'édification; qu'ainsi ces biens construits en vue d'être vendus n'ont pas été compris dans l'actif immobilisé de cette société; que le produit de leur cession a fait partie des recettes de l'exercice, dont le montant global a été inférieur de 181 577AF, au montant des charges du même exercice; que la circonstance que, parmi ces charges, ont figuré des dépenses en vue de constructions pour lesquelles la société avait antérieurement reçu des subventions de la nature de celles que vise l'article 210 quinquies, n'autorisait pas l'administration, faute de pouvoir appliquer les dispositions du second alinéa de l'article 210 quinquies précité, à réintégrer dans les résultats de l'exercice une partie des subventions dont s'agit, et à substituer de ce fait au déficit déclaré un bénéfice imposable;
En ce qui concerne l'exercice 1960:
Considérant que la société requérante fait état d'un déficit provenant du fait qu'elle aurait entrepris pour le compte de tiers des travaux dont le coût aurait déjà, à la clôture de l'exercice dépassé de 4 200NF le montant des engagements sousçrits par les intéressés enve s elle; que la société requérante, qui n'a pas constitué de provision de ce chef, n'apporte pas de justifications de nature à établir que la perte alléguée était certaine au 31 décembre 1960; qu'en l'absence de commencement de preuve il n'y a pas lieu d'ordonner l'expertise sollicitée sur ce point; qu'ainsi c'est à bon droit que l'administration a réintégré la somme dont s'agit dans les résultats de l'exercice et substitué au déficit déclaré un bénéfice imposable;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Ministre de l'Economie et des Finances est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a déchargé la société de xxxxx de l'imposition établie au titre de 1960; qu'il y a lieu d'accueillir ses conclusions sur ce point et de rejeter celles qui concernent l'imposition établie au titre de 1959.
DECIDE
ARTICLE 1. - La société de xxxxx est rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés au titre de 1960 à raison de l'intégralité des droits qui lui avaient été assignés.
ARTICLE 2. - Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 28 janvier 1972 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
ARTICLE 3. - Le surplus des conclusions du recours du Ministre de l'Economie et des Finances est rejeté.