APPELANTE :
S.A. AXA FRANCE IARD
prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Anne-Laure GAUVRIT de la SELARL LBG ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
INTIMÉES :
S.A.S. SDLA (SOCIETE DE LAVAGE AUTOMOBILE)
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Sophie OUVRANS, Plaidant, avocat au barreau de LORIENT
S.A.S. PUM
prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Pierre BEAUVOIS de la SELARL BEAUVOIS PIERRE - PICART SEBASTIEN - Aa Ab, Postulant, avocat au barreau de LORIENT
Représentée par Me Béatrice MORIVAL de la SCP MORIVAL AMISSE MABIRE, Plaidant, avocat au barreau de ROUEN
E.U.R.L. [T] [M]
représentée par son gérant, M. [T] [M]
[Adresse 8]
[Localité 4]
Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 23 février 2022 à personne habilitée
Exposé du litige :
La Société de lavage automobile (SDLA) exploite plusieurs stations de lavage pour véhicules terrestres à moteur, sous l'enseigne Éléphant Bleu, sur différents sites situés notamment sur les communes de [Localité 9], [Localité 10] et [Localité 11].
Elle a confié la rénovation de sa station de lavage sise à [Localité 11] à la société [T] [M] assurée auprès de la société Axa France IARD, suivant devis du 25 janvier 2017 d'un montant de 45732€ TTC comprenant la réalisation du terrassement de la station de lavage, la fourniture, la pose des réseaux et d'un séparateur d'hydrocarbures.
La société [T] [M] a acheté le séparateur d'hydrocarbures auprès de la société Pum Plastiques pour un montant de 1 325,54 euros HT selon facture du 15 juin 2017.
La société [T] [M] a réalisé les travaux et une facture a été établie le 7 août 2017 pour un montant de 32 300 euros HT, soit 38 760 euros TTC qui a été entièrement payé. Aucune réserve n'a été émise sur les travaux.
La station de lavage a été mise en service le 14 décembre 2017.
En février 2018, la société SDLA s'est plainte auprès de la société [T] [M] d'un dysfonctionnement du séparateur d'hydrocarbures à l'origine de débordements au niveau de la station de lavage.
La société [T] [M] a aussitôt informé son fournisseur, la société Pum Plastiques, laquelle a interrogé le fabricant du matériel, la société Saint-Dizier Environnement.
Une expertise amiable contradictoire a été réalisée qui a donné lieu à un rapport de la société Saretec mandatée par la société SDLA et un rapport de la société IXI mandatée par l'assureur de la société [T] [M].
Par acte d'huissier du 1er octobre 2019, la société SDLA a fait assigner la société [T] [M] devant le tribunal de commerce de Lorient afin d'être indemnisée de ses préjudices.
Par acte d'huissier du 16 mars 2020, la société [T] [M] a fait assigner la société Pum Plastiques en intervention forcée aux fins de garantie.
La société [T] [M] a également fait assigner son assureur, la société Axa France IARD, en intervention forcée.
Par un jugement en date du 4 octobre 2021, le tribunal de commerce de Lorient a :
- dit que la société [T] [M] a engagé sa responsabilité décennale vis-à-vis de la société SDLA ;
En conséquence,
- condamné la société [T] [M] à payer à la société SDLA la somme de 7 045,94 euros en réparation de son préjudice matériel ;
- condamné la société [T] [M] à payer à la société SDLA la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice immatériel ;
- débouté la société [T] [M] de son appel en garantie contre la société Pum Plastiques ;
- débouté la société SDLA de sa demande de condamnation in solidum de la société Pum Plastiques sur le fondement délictuel ;
- condamné la société Axa France IARD à garantir la société [T] [M] des condamnations prononcées à son encontre ;
- condamné la société [T] [M] à payer à la société SDLA et à la société Pum Plastiques la somme de 1 500 euros, chacune, en application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
- débouté la société [T] [M] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la société Axa France IARD de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société [T] [M] aux entiers dépens de l'instance, dont frais de greffe liquidés à la somme de 115,46 euros TTC ;
- dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées.
La société Axa France IARD a interjeté appel de ce jugement par déclaration remise au greffe de la cour d'appel de Rennes le 8 novembre 2021, intimant les sociétés SDLA, [T] [M] et Pum Plastiques.
Dans ses dernières conclusions transmises le 07 février 2022, la société Axa France IARD au visa des
articles 1231-1, 1792 et suivants du code civil🏛🏛, demande à la cour de :
- dire et juger Axa France IARD recevable et bien fondée en ses conclusions;
Y faisant droit,
- réformer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que le séparateur d'hydrocarbure litigieux est un élément d'équipement à vocation exclusivement professionnelle ;
- débouter la société [T] [M], la société Pum Plastiques et la société SDLA, de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'égard d'Axa France IARD ;
En tout état de cause,
-dire et juger que les garanties Axa France IARD ne sont pas mobilisables;
-dire et juger que la société Pum Plastiques devra garantir Axa France IARD de toute condamnation susceptible d'intervenir contre elle ;
- condamner tout succombant à régler Axa France IARD la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner tout succombant aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions transmises le 3 mai 2022, la société SDLA demande à la cour de
A titre principal,
- confirmer toutes les dispositions du jugement déféré ;
- débouter la société Axa France IARD de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire,
Si la cour d'appel faisait droit à la demande de réformation du jugement :
- condamner la société [T] in solidum avec la société Pum Plastiques au paiement de la somme de 7 045,94 euros HT en réparation du préjudice matériel de la société SDLA ;
- condamner la société [T] in solidum avec la société Pum Plastiques au paiement de la somme de 3 000 euros HT en réparation du préjudice immatériel de la société SDLA ;
En tout état de cause,
- condamner la société [T] et son assureur Axa France IARD, in solidum avec la société Pum Plastiques au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises le 28 juillet 2022, la société Pum demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
- dit que la société [T] [M] a engagé sa responsabilité décennale vis-à-vis de la société SDLA ;
En conséquence,
- condamné la société [T] [M] à payer à la société SDLA la somme de 7 045,94 euros en réparation de son préjudice matériel ;
- condamné la société [T] [M] à payer à la société SDLA la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice immatériel ;
- débouté la société [T] [M] de son appel en garantie contre la société Pum ;
- débouté la société SDLA de sa demande de condamnation in solidum de la société Pum sur le fondement délictuel ;
- condamné la société Axa France IARD à garantir la société [T] [M] des condamnations prononcées à son encontre ;
- condamné la société [T] [M] à payer à la société Pum la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées ;
En toute hypothèse,
A titre principal,
- débouter la société Axa France IARD, la société SDLA et la société [T] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- débouter la société Axa de sa demande d'appel en garantie de la société Pum, faute de justifier d'une prétention conformément à l'
article 954 du code de procédure civile🏛 ;
- déclarer la société Axa irrecevable de toutes prétentions formulées postérieurement au délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel, conformément à l'
article 910-4 du code de procédure civile🏛 ;
- débouter la société SDLA de sa demande de condamnation in solidum de la société Pum ;
- débouter la société [T] [M] de sa demande d'appel en garantie à l'encontre de la société Pum ;
A titre subsidiaire,
- déclarer la société Axa irrecevable en sa demande d'appel en garantie de la société Pum, considérée comme nouvelle au visa de l'
article 564 du code de procédure civile🏛 ;
A titre infiniment subsidiaire,
- débouter la société Axa France IARD de sa prétendue demande d'appel en garantie formulée à l'encontre de la société Pum ;
En tout état de cause,
-condamné la société Axa France IARD ou tout succombant à régler à la société Pum la somme de 7000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société AXA a signifié sa déclaration d'appel à la société [T] [M] le 23 février 2022, par acte remis à personne habilitée. Cette dernière n'a pas constitué avocat.
L'instruction a été clôturée le 7 mars 2023.
Motifs :
-Sur la responsabilité de la société [T] [M] :
La société AXA France Iard rappelle que le litige trouve son origine dans le dysfonctionnement du séparateur d'hydrocarbures fourni par la société Pum Plastiques selon les conclusions concordantes des experts amiables et non dans les travaux réalisés par son assuré, que ce séparateur constitue un élément d'équipement à vocation exclusivement professionnelle au sens de l'
article 1792-7 du code civil🏛. Ne participant pas à l'ouvrage de terrassement confié à la société [T] [M], elle soutient qu'il ne peut donner lieu à l'application de la garantie décennale, ni à la mobilisation de sa garantie puisque les conditions particulières excluent les dommages affectant des éléments d'équipement à vocation exclusivement professionnelle.
La société SDLA demande la confirmation du jugement qui a retenu la responsabilité décennale de la société [T] [M] et la garantie de la société AXA. Elle fait observer que les travaux confiés au constructeur, nécessaires au fonctionnement de la station de lavage constituent un ouvrage dont les désordres en ce qu'ils entraînent son impropriété à destination relèvent de sa responsabilité décennale.
Elle fait observer que les débordements générés par le dysfonctionnement du séparateur d'hydrocarbures nuisent à l'utilisation de la station par la clientèle qui évolue sur les pistes de lavage dans de l'eau savonneuse mélangée à des rejets contenant des hydrocarbures et méconnaît son obligation légale de traitement des rejets avant qu'ils ne rejoignent le réseau public.
Elle en déduit que la garantie de la société AXA est mobilisable.
A titre subsidiaire, elle estime que la responsabilité contractuelle de la société [T] [M] est engagée pour avoir choisi un matériel inadapté au traitement de la station de lavage et que la société Pum Plastiques a engagé sa responsabilité délictuelle à raison d'un manquement à son obligation de conseil.
La société Pum soutient que la responsabilité décennale de la société [T] [M] est engagée pour avoir réalisé un ouvrage à savoir la rénovation de la station de lavage dont un élément d'équipement le séparateur d'hydrocarbures entraîne l'impropriété à destination. Elle fait observer que cet équipement n'a pas pour vocation de permettre l'activité de station de lavage, mais d'en permettre le traitement des eaux usées, qu'il ne relève pas de l'article 1792-7 du code civil.
Ceci étant, il résulte de la facture de la société [T] [M] du 7 août 2017 que dans le cadre de l'opération de rénovation de la station de lavage, elle a réalisé le terrassement des aires de lavage et du local technique, préparé le fond de forme du terrain et les supports de dallage, posé les réseaux EDF,APEPTT et Gaz, ainsi que les réseaux d'eaux pluviales et d'eaux usées, ce dernier incluant la fourniture et la pose du séparateur d'hydrocarbures litigieux. Ces travaux de voirie et de réseaux qui utilisent des techniques de construction participent de la réalisation d'un ouvrage.
Les deux rapports d'expertise amiables ainsi que les échanges entre la société SDLA et la société [T] [M] accompagnés de photographies mettent en évidence la réalité des débordements d'eaux non filtrées sur les pistes de lavage. Les experts de la société SDLA comme du constructeur s'accordent pour considérer que cette situation est due à l'inadaptation du séparateur d'hydrocarbures mis en place et plus particulièrement du système de filtration coalseceur en mousse en raison du fonctionnement intense d'une station de lavage. A cet égard, ils rappellent que le fabricant qui a examiné le séparateur en avril 2018 a percé le filtre afin de permettre l'écoulement des eaux vers le réseau d'eaux usées public.
Comme l'a justement relevé le tribunal, le séparateur d'hydrocarbures n'est pas un d'élément d'équipement dont la fonction exclusive est de permettre l'activité de station de lavage, mais un équipement de traitement des eaux potentiellement chargées de boues et d'hydrocarbures générées par l'utilisation de la station de lavage. Il ne relève donc pas des dispositions de l'article 1792-7 du code civil.
Outre le désagrément pour la clientèle d'utiliser la station de lavage en présence de refoulements d'eaux non filtrées ce qui entraîne la fermeture des pistes concernées, les dysfonctionnements constatés contreviennent à l'obligation faite à la société SDLA de rejeter dans le réseau public des eaux usées préalablement traitées. Le désordre constaté entraîne donc une impropriété à destination de l'ouvrage dans son ensemble, qui engage la responsabilité décennale de la société [T] [M] et par suite la garantie de la société AXA France Iard, qui ne discute pas l'assurer au titre de la garantie obligatoire. Le jugement est confirmé sur ces points.
-Sur l'indemnisation des préjudices de la société SDLA :
Les experts des parties ont préconisé le changement du séparateur et validé le devis de la société [T] [M] d'un montant de 6286€ HT relatif à la pose d'un séparateur à lamelles, qui doit être complétée par l'intervention d'un maçon à hauteur de 759,94€ HT soit un coût de 7045,94€ HT montant accordé à la société SDLA par le tribunal. La société AXA ne remet en cause ni le choix de ce système de filtrage, ni le montant des travaux de reprise. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Il le sera également en ce qu'il a accordé à la société SDLA une somme de 3000€ HT en réparation de son préjudice économique. Il est justifié par ses échanges avec la société [T] [M] que certaines pistes ont dû être fermées du fait du désordre et que les travaux de reprise d'une durée d'une semaine ne permettront pas une utilisation de la station de lavage.
-Sur les demandes contre la société Pum :
Le tribunal a rejeté les demandes contre la société Pum Plastiques.
La société SDLA devant la cour ne formule de demande contre cette société qu'à titre subsidiaire en cas de réformation du jugement. Celui-ci étant confirmé sur la responsabilité de la société [T] [M] et la garantie de la société AXA, sa demande contre la société Pum Plastiques ne sera pas examinée.
La société [T] [M] n'a pas constitué avocat devant la cour et n'a donc formé aucun appel incident sur le rejet par le tribunal de sa demande en garantie contre la société Pum Plastiques.
La société AXA France Iard demande de voir dire et juger que la société Pum Plastiques devra la garantir de toute condamnation à son encontre.
La société Pum soutient que cette demande ne constitue pas une prétention saisissant utilement la cour. Elle ajoute qu'en application de l'article 910-4 du code de procédure civile, cette demande est irrecevable n'ayant pas été présentée dans le délai de trois mois à compter de sa déclaration d'appel et qu'elle l'est également en application de l'article 564 du code de procédure civile, comme étant nouvelle devant la cour.
L'article 954 al3 du code de procédure civile prévoit que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties. En l'espèce, la formulation utilisée par la société AXA, nonobstant l'expression « dire et juger » contient une prétention et la reconnaissance d'une action et d'un droit, à savoir d'être garantie des condamnations prononcées contre elle par le fournisseur.
La société Pum ne peut invoquer un défaut de respect des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile qui imposent aux parties de présenter dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2, 908 à 910 l'ensemble de leurs prétentions. En effet le dispositif des conclusions de la société AXA déposées le 7 février 2022, dans les trois mois de sa déclaration d'appel contenait la demande de garantie contre le fournisseur.
En revanche en application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer la compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Les demandes de la société AXA reprises dans le jugement attestent que l'assureur n'a pas demandé la garantie de la société Pum Plastiques de sorte que cette demande est nouvelle en appel et ne rentre pas dans les exceptions à la prohibition de ces prétentions prévues par l'article rappelé ci-dessus. Elles ne relèvent pas non plus de celles prévues par les
articles 565 et 566 du même code🏛🏛. En conséquence, cette demande est irrecevable.
-Sur les demandes annexes :
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.
La société AXA France Iard sera condamnée à verser aux sociétés SDLA et Pum une indemnité de 3000€ chacune au titre des frais irrépétibles.
Elle supportera les dépens d'appel.
Par ces motifs :