SOC.
BD4
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er juin 2023
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 636 F-B
Pourvois n°
U 22-13.238
V 22-13.239
W 22-13.240
X 22-13.241
Y 22-13.242
Z 22-13.243
A 22-13.244
B 22-13.245
C 22-13.246
D 22-13.247
E 22-13.248
F 22-13.249
H 22-13.250
G 22-13.251
J 22-13.252
K 22-13.253
M 22-13.254
N 22-13.255
P 22-13.256
Q 22-13.257
R 22-13.258
S 22-13.259
T 22-13.260
U 22-13.261
V 22-13.262
W 22-13.263
X 22-13.264
Y 22-13.265
Z 22-13.266
A 22-13.267
B 22-13.268 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUIN 2023
La société Renault Trucks, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 25], a formé les pourvois n° U 22-13.238, V 22-13.239, W 22-13.240, X 22-13.241, Y 22-13.242, Z 22-13.243, A 22-13.244, B 22-13.245, C 22-13.246, D 22-13.247, E 22-13.248, F 22-13.249, H 22-13.250, G 22-13.251, J 22-13.252, K 22-13.253, M 22-13.254, N 22-13.255, P 22-13.256, Q 22-13.257, R 22-13.258, S 22-13.259, T 22-13.260, U 22-13.261, V 22-13.262, W 22-13.263, X 22-13.264, Y 22-13.265, Z 22-13.266, A 22-13.267, B 22-13.268 contre trente-et-un arrêts rendus le 7 décembre 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans les litiges l'opposant respectivement :
1°/ à M. [EH] [U], domicilié [… …],
2°/ à M. [M] [S], domicilié [… …],
3°/ à Mme [A] [B], domiciliée [Adresse 28],
4°/ à M. [K] [P], domicilié [… …],
5°/ à M. [B] [I], domicilié [… …],
6°/ à M. [Aa] [N], domicilié [… …],
7°/ à Mme [A] [G], domiciliée [Adresse 1],
8°/ à M. [C] [O], domicilié [… …],
9°/ à Mme [E] [C], … [… …],
10°/ à Mme [SX] [X], … [… …],
11°/ à M. [Ab] [F], domicilié [… …],
12°/ à M. [X] [MK] [FE], domicilié [… …],
13°/ à M. [Y] [UL], domicilié [… …],
14°/ à Mme [Ac] [GY], … [… …],
15°/ à M. [Z] [CN], domicilié [… …],
16°/ à M. [AG] [ZY], domicilié [… …],
17°/ à M. [D] [NH], domicilié [… …],
18°/ à M. [Y] [UR], domicilié [… …],
19°/ à M. [Y] [XC], domicilié [… …],
20°/ à M. [Ad] [BR], domicilié [… …],
21°/ à M. [SS] [AU], domicilié [… …],
22°/ à M. [C] [LN], … [… …],
23°/ à Mme [AH] [JU], … [… …], pris en qualité représentante légale des enfants mineurs [ZB] [PB] et [V] [PB] et tous trois pris en qualité d'ayants droit de [T] [PB] décédé,
24°/ à Mme [NC] [CU], domiciliée [Adresse 32],
25°/ à Mme [W] [CI], domiciliée [Adresse 23],
26°/ à M. [H] [R], domicilié [… …],
27°/ à Mme [AI] [RV], domiciliée [Adresse 3],
28°/ à M. [AJ] [HV], domicilié [… …],
29°/ à M. [AK] [IA], domicilié [… …],
30°/ à M. [B] [TO], domicilié [… …],
31°/ à M. [OE] [BX], domicilié [… …],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens commun de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Ae et Rebeyrol, avocat de la société Renault Trucks, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [U] et de trente autres salariés ou ayants droit après débats en l'audience publique du 19 avril 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° U 22-13.238, V 22-13.239, W 22-13.240, X 22-13.241, Y 22-13.242, Z 22-13.243, A 22-13.244, B 22-13.245, C 22-13.246, D 22-13.247, E 22-13.248, F 22-13.249, H 22-13.250, G 22-13.251, J 22-13.252, K 22-13.253, M 22-13.254, N 22-13.255, P 22-13.256, Q 22-13.257, R 22-13.258, S 22-13.259, T 22-13.260, U 22-13.261, V 22-13.262, W 22-13.263, X 22-13.264, Y 22-13.265, Z 22-13.266, A 22-13.267, B 22-13.268 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Chambéry, 7 décembre 2021), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 16 décembre 2020, pourvois n° 19-17.648, 19-17.649, 19-17.650, 19-17.651, 19-17.652, 19-17.653, 19-17.655, 19-17.654, 19-17.656, 19-17.657, 19-17.658, 19-17.659,
19-17.637⚖️, 19-17.660, 19-17.638, 19-17.661, 19-17.639, 19-17.662, 19-17.640, 19-17.663, 19-17.641, 19-17.664, 19-17.642, 19-17.665, 19-17.643, 19-17.666, 19-17.644, 19-17.667, 19-17.645, 19-17.646, 19-17.647), M. [Af] et trente autres salariés de la société Renault Trucks (la société), exerçant des mandats de représentants du personnel et soutenant faire l'objet d'une discrimination en raison de leurs activités syndicales, ont, le 29 janvier 2018, saisi la formation des référés de la juridiction prud'homale pour obtenir les informations permettant l'évaluation utile de leur situation au regard de celle des autres salariés placés dans une situation comparable.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches
3. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation s'agissant des troisième et quatrièmes branches et qui est irrecevable s'agissant de la cinquième branche.
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
4. La société fait grief aux arrêts d'ordonner à la société de communiquer les noms, prénoms, sexe, date de naissance, âge et la date d'entrée de chacune des personnes embauchées sur le même site, la même année ou dans les deux années précédentes ou suivantes (de N-2 à N+2), dans la même catégorie professionnelle, au même niveau ou un niveau très proche de qualification/classification et de coefficient, que les salariés ainsi que pour chacun des salariés de ce panel, les diplômes à l'embauche des salariés du panel, les bulletins de paie de décembre de chaque année depuis leur embauche et le dernier bulletin de paie, leur lieu de travail actuel, les dates de changement de qualification/classification et coefficient et leur périodicité ainsi que les bulletins de salaire et avenants correspondants, les dates de changement éventuel de catégorie professionnelle ainsi que les bulletins de salaire et avenants correspondants, les dates et montant des augmentations de salaire depuis l'embauche et leur périodicité, ainsi que les bulletins de salaire et avenants correspondants, leurs qualification/classification et coefficient actuels, leurs formations qualifiantes et leur date de suivi, le salaire net imposable et brut actuel, d'ordonner à la société d'établir pour chaque salarié du panel de comparants, un tableau récapitulatif de l'ensemble des informations ci-dessus et de dire que la société devrait communiquer les éléments visés ci-dessus sous astreinte, alors :
« 1°/ qu'une mesure d'instruction sur le fondement de l'
article 145 du code de procédure civile🏛 ne peut être ordonnée qu'en présence d'éléments de fait de nature à caractériser un litige potentiel entre les parties ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que les salariés, qui invoquaient l'existence d'une prétendue discrimination, ne procédaient que par voie d'allégations, se contentaient de contester le montant et la fréquence des augmentations de salaire dont ils avaient bénéficié depuis leur embauche, ainsi que la progression de leur classification et soutenait, preuves à l'appui, que l'évolution de leur classification et de leur rémunération avait été conforme ou supérieure aux fonctions qu'ils avaient exercées, dans le respect de l'accord d'entreprise sur le dialogue social du 2 mars 2006 et des dispositions tendant à combattre des éventuelles inégalités de traitement involontaires qui pourraient être constatées ; que pour faire droit à la demande de communication de pièces des salariés, la cour d'appel s'est bornée à relever que ces derniers avaient connu une évolution de carrière très lente, que leur salaire n'avait pratiquement pas progressé et que le tableau issu de la négociation annuelle obligatoire dressant la moyenne des salaires des salariés classés dans la même catégorie montrait que les salariés étaient tout juste dans la moyenne ; qu'en statuant ainsi, sans constater des éléments de fait de nature à caractériser l'existence d'un litige potentiel entre les parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile, ensemble les articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que le juge doit expliquer en quoi la communication des données personnelles de salariés visés par une mesure d'instruction prévue par l'article 145 du code de procédure civile est indispensable à l'exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée par le demandeur à la mesure d'instruction et proportionnée au but poursuivi ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir, sans être contesté, que les bulletins de salaire des salariés visés par la mesure d'instruction litigieuse comportaient des données personnelles qui, n'ayant aucun rapport avec l'objet du litige, n'étaient pas indispensables à la protection des droits des demandeurs à la mesure d'instruction sollicitée dans le cadre d'une prétendue discrimination syndicale, notamment l'adresse postale, le numéro de sécurité sociale, le taux d'imposition, le contenu détaillé des absences, les éventuels congés pour événements familiaux, la domiciliation bancaire ; que la cour d'appel s'est bornée à affirmer péremptoirement que la communication des bulletins de salaire avec les indications y figurant sont indispensables et les atteintes à la vie privée sont proportionnées au but poursuivi ; qu'en n'expliquant pas en quoi la communication des données personnelles de salariés contenues dans les bulletins de salaire, sur une période de près de trente ans, telles que l'adresse postale, le numéro de sécurité sociale, le taux d'imposition, la domiciliation bancaire des salariés concernés par la mesure d'instruction, sans rapport avec une éventuelle discrimination syndicale, était indispensable à la protection des droits des demandeurs et proportionnée au but poursuivi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile, ensemble les articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et les articles 5 et 32 du
Règlement UE 2016/679⚖️ du Parlement Européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte du point (4) de l'introduction du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD), que le droit à la protection des données à caractère personnel n'est pas un droit absolu et doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d'autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité. Il ajoute que le présent règlement respecte tous les droits fondamentaux et observe les libertés et les principes reconnus par la Charte, consacrés par les traités, en particulier le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial.
6. Selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé.
7. Il résulte par ailleurs des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
8. Il appartient dès lors au juge saisi d'une demande de communication de pièces sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, d'abord, de rechercher si cette communication n'est pas nécessaire à l'exercice du droit à la preuve de la discrimination syndicale alléguée et proportionnée au but poursuivi et s'il existe ainsi un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, ensuite, si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d'autres salariés, de vérifier quelles mesures sont indispensables à l'exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitée.
9. La cour d'appel a relevé, d'une part qu'il ressort des courriers d'évolution de carrière des salariés et des bulletins de paie que les salariés ont connu une évolution de carrière très lente, leur coefficient et leur salaire n'ayant pratiquement pas progressé, que le tableau issu de la négociation annuelle obligatoire dressant la moyenne des salaires des salariés classés dans la même catégorie montre que les salariés sont tout juste dans la moyenne et que cette situation concerne trente et un salariés, ayant tous des mandats d'élus ou des mandats syndicaux, qui tous soupçonnent une discrimination liée à leur activité syndicale, d'autre part que les salariés n'avaient pu obtenir les éléments de comparaison demandés à leur employeur en dépit de l'intervention du syndicat auprès de la direction et des réunions qui s'en sont suivies, de la saisine du Défenseur des droits et de celle de l'inspecteur du travail ainsi que d'une mise en demeure.
10. La cour d'appel, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, a ainsi estimé que la demande des salariés reposait sur un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.
11. Ayant constaté que seul l'employeur détenait les éléments demandés et retenu que ceux-ci étaient nécessaires afin que les salariés fassent valoir leurs droits dans le cadre d'un procès à venir, la cour d'appel a exactement retenu qu'il convenait d'apprécier si tous les éléments de preuve demandés par les salariés étaient indispensables et si l'atteinte ainsi portée à la protection de la vie personnelle des salariés concernés par la comparaison était proportionnée au but poursuivi.
12. Procédant à la recherche prétendument omise, la cour d'appel a pu retenir que, pour effectuer une comparaison utile, les salariés devaient disposer d'informations précises sur leurs collègues de travail dont la situation peut être comparée, en terme d'ancienneté, d'âge, de qualification, de diplôme, de classification, que le contrat soit à durée déterminée ou par intérim transformé ensuite en contrat à durée indéterminée ou à durée indéterminée, et que la comparaison devait pouvoir s'effectuer sur des postes semblables ou comparables réclamant la même qualification. Elle a pu encore retenir que la communication des noms, prénoms, était indispensable et proportionnée au but poursuivi qui est la protection du droit à la preuve de salariés éventuellement victimes de discrimination et que la communication des bulletins de salaire avec les indications y figurant étaient indispensables et les atteintes à la vie personnelle proportionnées au but poursuivi. Ayant relevé que la demande relative à la communication du tableau récapitulatif portait sur le panel de comparaison, la cour d'appel a pu retenir qu'un tableau récapitulatif établi à partir des éléments ainsi communiqués par l'employeur était nécessaire.
13. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur chaque mention des bulletins de salaire dont la cancellation ne lui était pas demandée, a ainsi légalement justifié ses décisions.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
14. La société fait grief aux arrêts de la condamner aux dépens et à payer aux salariés diverses sommes au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, alors :
« 1°/ que la partie défenderesse à une demande d'instruction ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante au sens de l'
article 696 du même code🏛 ; que dès lors, en condamnant la société Renault Trucks aux dépens sans aucunement motiver sa décision, la cour d'appel a violé l'article 696 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge condamne la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il ne peut condamner une autre partie à ce titre qu'à la condition de motiver sa décision ; qu'en condamnant en l'espèce la société Renault Trucks, qui ne pouvait pas être considérée comme la partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, à verser aux salariés diverses sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sans motiver sa décision, la cour d'appel a violé les articles 696 et 700 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
15. Ayant retenu que ni l'intervention du syndicat auprès de la direction et les réunions qui s'en étaient suivies, ni la saisine du Défenseur des droits et de l'inspecteur du travail, ni une mise en demeure n'avaient permis aux salariés d'obtenir de l'employeur les éléments de comparaison en possession de ce dernier et que ces éléments, demandés par les salariés, étaient indispensables afin qu'ils puissent faire valoir leurs droits dans le cadre de procès à venir, la cour d'appel, qui a condamné l'employeur aux dépens et à payer à chaque salarié une certaine somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, a motivé sa décision.
16. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Renault Trucks aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Renault Trucks et la condamne à payer aux trente-et-un salariés ou ayants droit, demandeurs au pourvoi, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.