SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er juin 2023
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 642 F-B
Pourvoi n° K 21-23.438
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUIN 2023
M. [R] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-23.438 contre l'arrêt rendu le 19 juillet 2021 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Seprodom Antilles, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Seprodom Antilles a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [N], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Seprodom Antilles, après débats en l'audience publique du 19 avril 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 19 juillet 2021), M. [N] a été engagé, en qualité de responsable de la logistique et du service qualité, par la société Seprodom Antilles (la société), à compter du 5 décembre 2011.
2. Il a été licencié par lettre du 12 août 2015.
3. Estimant avoir été victime de faits de harcèlement moral, le salarié a saisi, par requête du 5 février 2018, la juridiction prud'homale et sollicité diverses sommes au titre de la rupture de son contrat de travail et de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident
4. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors « que l'octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec des agissements de harcèlement moral ne fait pas obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par lesdits agissements de harcèlement moral subis durant l'exécution du contrat de travail ; que la cour d'appel a jugé que l'employeur avait fait subir au salarié des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral et ayant porté atteinte à ses droits et à sa dignité et, ajoutant qu'il existait un lien entre le harcèlement subi et son licenciement, a prononcé la nullité de celui-ci ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, au motif qu'elle se confondait avec celle réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et que le salarié ne saurait obtenir une indemnité pour harcèlement et une indemnité pour licenciement nul, la cour d'appel a violé les
articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail🏛🏛, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1152-1, L. 1152-3 et L. 1235-3, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, du code du travail et le principe de réparation intégrale :
6. Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
7. L'octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne saurait faire obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
8. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt retient qu'un même préjudice ne peut être indemnisé qu'une seule fois et ne peut donner droit à une seconde réparation. Il ajoute que le salarié est fondé à obtenir une indemnité au titre du préjudice résultant du licenciement nul, indemnité se confondant avec celle réclamée au titre du harcèlement moral. Il en déduit que le salarié ne saurait obtenir deux indemnités, l'une pour le harcèlement moral et l'autre pour le licenciement nul.
9. En statuant ainsi, alors que l'octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne saurait faire obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [N] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt rendu le 19 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Condamne la société Seprodom Antilles aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Seprodom Antilles et la condamne à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.