CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 83205
M. BROSSARD
Lecture du 04 Decembre 1992
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du Contentieux)
Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du Contentieux,
Vu la requête, enregistrée le 19 novembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. BROSSARD, demeurant 16, rue du Général de Gaulle à Saint-Nazaire (44600) ; M. BROSSARD demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 2 octobre 1986 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1980 et 1981 ; 2°) lui accorde la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Turquet de Beauregard, Conseiller d'Etat, - les observations de la SCP Mattei-Dawance, avocat de M. Jacques BROSSARD, - les conclusions de Mme Hagelsteen, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par une décision en date du 17 octobre 1988, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux du département de Loire-Atlantique a prononcé le dégrèvement à concurrence de 18 834 F des droits et intérêts de retard du supplément d'impôt sur le revenu auquel M. BROSSARD a été assujetti au titre des années 1980 et 1981 ; que les conclusions de la requête de M. BROSSARD relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. BROSSARD, médecin au centre hospitalier de Saint-Nazaire a perçu de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la Loire-Atlantique une indemnité de 30 520,36 F majorée de 13 757,05 F d'intérêts en 1980 et une indemnité de 24 237,62 F majorée de 13 172,80 F d'intérêts en 1981 ; que ces indemnités avaient pour seul objet de compenser la perte de revenu résultant pour l'intéressé du refus illégal opposé par le ministre de la santé à la revalorisation des "lettres-clefs" servant au calcul de la rémunération des personnels hospitaliers et avaient donc le caractère de sommes imposables ; que la circonstance d'une part, que les sommes en cause aient été versées par l'Etat et non par le centre hospitalier, employeur du requérant et celle, d'autre part, qu'elles n'ont pas été soumises à cotisation au titre du régime complémentaire de retraite dont relevait le requérant sont sans influence sur la détermination de ce caractère imposable ;
Considérant que la lettre du ministre de la santé dont fait état le requérant ne constitue pas une interprétation du texte fiscal formellement admise par l'administration au sens des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts repris à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, M. Brossard ne peut utilement s'en prévaloir à l'appui de ses conclusions ;
Considérant toutefois que les indemnités litigieuses ont été imposées au titre des années 1980 et 1981 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; que, devant le Conseil d'Etat, l'administration demande, par voie de substitution de base légale, qu'elles soient regardées comme des traitements et salaires à concurrence des sommes de 30 520,36 F pour 1980 et 24 237,62 F pour 1981 qui constituent les indemnités proprement dites, et comme des revenus de capitaux mobiliers à concurrence des sommes de 13 757,05 F pour 1980 et 13 172,80 F pour 1981 qui constituent les intérêts afférents au principal des indemnités ; que cette substitution de base légale est fondée en ce qui concerne le principal des indemnités qui constituent la compensation de salaires non perçus ; qu'en revanche, les intérêts afférents à ces indemnités dont ils ne sont que l'accessoire, doivent être soumis au même régime fiscal que ces dernières ; qu'ils ne sauraient donc être regardés, contrairement à ce que soutient l'administration, comme entrant, au titre des revenus de créances, dépôts et cautionnements visés à l'article 124 du code général des impôts, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, mais doivent être soumis à l'impôt dans la catégorie des traitements et salaires dans les conditions prévues aux articles 79 et suivants du code ; qu'il suit de là que M. BROSSARD est fondé à demander la décharge de l'impôt sur le revenu établi sur le montant de ces intérêts et à demander la réformation sur ce point du jugement du tribunal administratif de Nantes ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. BROSSARD à concurrence de la somme de 18 834 F en ce qui concerne les suppléments d'impôt sur le revenu auquel M. BROSSARD a été assujetti au titre des années 1980 à 1981.
Article 2 : Les bases de l'impôt sur le revenu assigné à M. BROSSARD au titre des années 1980 et 1981 sont réduites respectivement d'une somme de 13 757 F et 13 172 F.
Article 3 : M. BROSSARD est déchargé des droits correspondant à cette réduction des bases d'imposition.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 2 octobre 1986 est reformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. BROSSARD est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. BROSSARD et au ministre du budget.