CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 82175
MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DES TRANSPORTS
contre
Stauffer et autres
Lecture du 25 Novembre 1988
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu le recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DES TRANSPORTS enregistré le 19 septembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 8 juillet 1986 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé, à la demande de M. Jean-Pierre Stauffer, le permis de construire accordé à M. Pascal Richard le 6 mars 1985 pour la construction d'une maison d'habitation sur le territoire de la commune de Cheissoux, (Haute-Vienne) ; 2°) rejette la demande présentée par M. Jean-Pierre Stauffer devant le tribunal administratif de Limoges ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. de Guillenchmidt, Maître des requêtes, - les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.111-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date du permis de construire litigieux : "En l'absence de plan d'occupation des sols opposable aux tiers ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : 1° L'adaptation, la réfection ou l'extension des constructions existantes ; 2° Les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs, à l'exploitation agricole, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national ; 3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes. Une construction ou une installation autre que celles mentionnées aux alinéas précédents peut être autorisée, sur demande motivée du conseil municipal, justifiée par l'intérêt de la commune, lorsque le représentant de l'Etat estime que le projet n'est pas contraire aux objectifs visés à l'article L.110 et aux lois d'aménagement et d'urbanisme mentionnées à l'article L.111-1-1" ; qu'en vertu de l'article R.421-36 du même code, dans les communes où aucun plan d'occupation des sols n'a été approuvé, les décisions en matière de permis de construire sont prises par le maire au nom de l'Etat ou, notamment lorsqu'une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme est nécessaire par le Commissaire de la République :
Considérant qu'en accordant à M. Pascal Richard, par un arrêté du 6 mars 1985, pris sur demande motivée du conseil municipal et après avis favorable du préfet de région, Commissaire de la République de la Haute-Vienne le permis de construire une mison d'habitation dans une zone non urbanisée de la commune de Cheissoux, laquelle est dépourvue de plan d'occupation des sols, le maire de Cheissoux s'est borné à faire application de la faculté prévue par les dispositions du dernier alinéa de l'article L.111-1-2 susmentionné du code de l'urbanisme ; qu'il n'a donc pas dérogé aux dispositions de cet article ; qu'il était par suite compétent, en vertu de l'article R.421-36 susvisé du code de l'urbanisme, pour délivrer le permis de construire dont il s'agit ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DES TRANSPORTS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges s'est fondé sur le caractère dérogatoire dudit permis pour annuler, comme pris par une autorité incompétente, l'arrêté du maire de Cheissoux en date du 6 mars 1985 ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les moyens soulevés par M. Stauffer devant le tribunal administratif de Limoges ; Considérant, en premier lieu, que la circonstance qu'un refus de permis de construire ait été opposé à M. Richard en novembre 1984 est sans influence sur la légalité du permis litigieux ; Considérant, en deuxième lieu, que pour accorder le permis litigieux à M. Richard, nommé préposé des P.T.T. dans la commune de Cheissoux en septembre 1984, le maire de la commune s'est fondé sur la demande motivée du conseil municipal qui avait fait valoir l'intérêt de faciliter l'installation sur le territoire communal d'un fonctionnaire local et de sa famille ; qu'un tel motif, eu égard notamment au faible nombre des habitants de la commune, est de la nature de ceux qui peuvent légalement justifier l'octroi d'un permis de construire par application des dispositions susrappelées du dernier alinéa de l'article L.111-1-2 du code de l'urbanisme ; Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Article 1er : Le jugement du 8 juillet 1986 du tribunal administratif de Limoges est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Stauffer devant le tribunal administratif de Limoges est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Richard, à M. Stauffer, à la commune de Cheissoux et au ministre d'Etat, ministre de l'équipement et du logement.