Prétentions et moyens des parties
La société soutient que l'Urssaf en mettant en œuvre un plan de contrôle en masse du groupe [4] a entravé l'exercice de ses droits par la société en l'empêchant d'organiser utilement sa défense ; que ce plan concernant 11 sociétés du groupe, soit 27 établissements implantés sur l'ensemble du territoire national et concernant près de 300 salariés, elle n'avait pas les moyens tant matériels qu'humains d'absorber la masse de travail généré par le plan de contrôle envisagé et que dans ces conditions de paralysie de toute capacité d'action elle avait dû faire face à des méthodes d'investigation coordonnées de deux Urssaf ; que l'Urssaf ne pouvait pas ignorer qu'en maintenant ce plan de contrôle, compte tenu des règles de procédure encadrant les opérations des 11 unités juridiques, elle serait dans l'incapacité de vérifier les fondements des points de redressement pour chacune des 27 lettres d'observations représentant près de 1500 pages et annexes ; qu'au regard de ce plan de contrôle en masse, les inspecteurs du contrôle ont donc méconnu le principe du contradictoire qui vise à assurer le respect des droits de la défense ; que si l'
article L. 243-7 du code de la sécurité sociale🏛 n'interdit pas à l'Urssaf d'exercer un contrôle auprès du groupe [4] et l'ensemble de ses établissements un tel contrôle simultané ne saurait cependant soutenir dans des conditions déloyales en portant une réelle paralysie et surtout méconnaître, par la mise en œuvre de méthodes d'investigation groupées et transversales, l'identité du cotisant et l'empêcher de facto d'exercer ses droits ; que la méthode d'investigation s'est avérée privative du droit de chaque cotisant d'échanger sur son contrôle propre alors même que les inspecteurs du recouvrement, par de multiples erreurs, ont ignoré la personnalité morale de l'employeur ; qu'en outre en rejetant les propositions d'étalement des contrôles opérés à raison d'un par mois et par cotisant, les inspecteurs du recouvrement ont méconnu le principe du contradictoire qui vise à assurer le respect des droits de la défense dans les conditions imposées par le déroulement des opérations de contrôle qui est donc contraire non seulement à l'esprit et à la lettre de l'article R. 243-59 du code de sécurité sociale mais également à la charte du cotisant contrôlé diffusée par les services de l'Urssaf ; que dans sa décision du 15 avril 2022 relative au siège social, cette cour a estimé que « la procédure de redressement est entachée de nullité pour violation des caractères contradictoires du contrôle, ce qui entraîne la nullité de tous les actes subséquents ainsi que l'ensemble des chefs de redressement qui sont affectés par l'irrégularité ».
L'Urssaf réplique que conformément aux dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, l'inspecteur du contrôle a adressé un avis de contrôle à la société à l'adresse de son siège social situé à [Localité 5] le 19 juin 2014 prévoyant une première visite le 22 juillet 2014 ; qu'à la demande de la société le début du contrôle a toutefois été reporté de près de deux mois et fixé par l'inspecteur du recouvrement au jeudi 18 septembre 2014 ; qu'elle a donc tenu compte des difficultés rencontrées par la société pour faire face à ce contrôle en acceptant le report de la première visite ; qu'elle a ainsi laissé un délai de 3 mois à la société pour réunir les documents demandés le 19 juin 2014 et nécessaires à la vérification ; que la société a été informée à l'issue du contrôle de l'objet du contrôle, les documents consultés, de la période vérifiée, de la date de la fin de contrôle par la lettre d'observations du 2 octobre 2014 qui précisait la nature, le mode de calcul et le montant des redressements opérés ; que la société a pu former en réponse ses observations le 4 novembre 2014 ; que par lettres des 13 et 17 novembre 2014 l'inspecteur a répondu à ces observations en maintenant l'ensemble des redressements et en informant la société qu'elle serait destinataire d'une mise en demeure ; qu'en conséquence, la procédure contradictoire prévue à l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale a été respectée, de sorte que la procédure de contrôle n'est tachée d'aucune irrégularité.
Réponse de la cour
L'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, disposait que :
« Tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'
article L. 8221-1 du code du travail🏛. Cet avis fait état de l'existence d'un document intitulé "Charte du cotisant contrôlé" présentant au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue, tels qu'ils sont définis par le présent code. Il précise l'adresse électronique où ce document, dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, est consultable, et indique qu'il est adressé au cotisant sur sa demande.
« L'employeur ou le travailleur indépendant a le droit pendant le contrôle de se faire assister du conseil de son choix. Il est fait mention de ce droit dans l'avis prévu à l'alinéa précédent.
« Les employeurs, personnes privées ou publiques, et les travailleurs indépendants sont tenus de présenter aux agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7, dénommés inspecteurs du recouvrement, tout document et de permettre l'accès à tout support d'information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l'exercice du contrôle.
« Ces agents peuvent interroger les personnes rémunérées notamment pour connaître leurs nom et adresse ainsi que la nature des activités exercées et le montant des rémunérations y afférentes, y compris les avantages en nature.
« À l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 envisagés. En cas de réitération d'une pratique ayant déjà fait l'objet d'une observation ou d'un redressement lors d'un précédent contrôle, il précise les éléments caractérisant le constat d'absence de mise en conformité défini à l'article L. 243-7-6. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l'employeur ou du travailleur indépendant. Le constat d'absence de mise en conformité et le constat d'absence de bonne foi sont contresignés par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix.
« En l'absence de réponse de l'employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l'organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement.
« Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant.
« L'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'intéressé et de son propre courrier en réponse.
« L'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme. »
En l'espèce, il est constant que l'inspecteur du contrôle a adressé à l'adresse du siège social de la société à [Localité 5] un avis de contrôle le 19 juin 2014 indiquant une première visite le 22 juillet 2014 (pièces n°3 de l'Urssaf et de la société). En réponse au courriel de la société du 30 juin 2014 l'informant de l'impossibilité de le recevoir le 22 juillet 2014, l'inspecteur du recouvrement a répondu par lettre du 30 juin 2014 a reporté la date de première visite au 18 septembre 2014 (pièce n°3 de la société).
Il s'ensuit que l'inspecteur du recouvrement a effectivement avisé la société du contrôle et de la date de sa venue un mois avant la première visite prévue puis a repoussé cette date à la demande de la société de deux mois, de sorte que la société a disposé d'un délai effectif suffisant de trois mois pour réunir les documents sollicités par l'inspecteur du recouvrement pour pouvoir effectuer utilement son contrôle.
Aucune disposition légale n'empêche l'Urssaf de procéder à un contrôle simultané de plusieurs établissements d'une société et de plusieurs sociétés d'un même groupe. La possibilité pour l'Urssaf de procéder à un contrôle ne saurait être subordonnée à la capacité de la personne contrôlée à faire face aux obligations qui lui sont imposées dans ce cadre. La société invoque en vain une violation du principe du contradictoire au motif qu'elle devait faire face au moment du contrôle à des opérations de restructuration complexes, vitales et prioritaires dictées par les engagements pris par le groupe auprès des établissements bancaires et financiers.
Ensuite, à l'issue du contrôle, l'inspecteur du recouvrement a adressé à la société une lettre d'observations à laquelle cette dernière a pu répondre. Ayant répondu aux observations de la société, l'inspecteur du recouvrement a ensuite pu adresser son procès-verbal à l'Urssaf, laquelle a pu mettre en œuvre le redressement par l'envoi d'une mise en demeure.
Il ressort donc de l'ensemble du dossier d'une part que la procédure, telle que prévue à l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, a été respectée par l'inspecteur du recouvrement et l'Urssaf et d'autre part que la société n'établit pas par ses moyens et productions une attitude déloyale de l'Urssaf ou une atteinte par celle-ci au principe du contradictoire invoqué.
Enfin, si l'arrêt du 15 avril 2022 de cette cour (RG 18/14212) invoqué par la société a effectivement annulé la procédure de contrôle et le redressement pour violation du caractère contradictoire du contrôle relatif à une entité du groupe, contrairement à ce qu'affirme la société, cette annulation repose sur un tout autre moyen sans rapport avec le « contrôle de masse » critiqué par la société puisque la cour a seulement relevé qu'il n'était pas établi par l'Urssaf qu'elle avait régulièrement informé à l'issue du contrôle la société employeur des erreurs et omissions retenues à son encontre, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Le moyen soulevé par la société ne peut donc pas prospérer.
Sur le chef n°3 de la lettre d'observations « Frais professionnels : principes généraux (situation de déplacement) »
Prétentions et moyens des parties
La société fait valoir que l'Urssaf a émis des observations pour l'avenir au motif que les notes de frais présentées ne seraient pas toutes conformes et ne présenteraient pas toutes les garanties de fiabilité optimale. La société soutient au contraire que les indemnités versées aux salariés en remboursement des dépenses inhérentes à son emploi sont des frais professionnels et que cette notion ne saurait être déconnectée de la fonction de l'emploi du salarié concerné et par conséquent de la spécificité des situations ; que les indemnités pour frais professionnels sont exclues de l'assiette de cotisations à condition qu'elles remboursent des dépenses supplémentaires inhérentes à l'emploi du salarié ; qu'elle conteste la légitimité de la demande de l'Urssaf concernant les ordres de mission permettant l'attribution de frais sur de courts déplacements (poste banque), le regroupement des justificatifs liés à chaque mission et la justification des circonstances de fait ayant entraîné un remboursement de frais de déplacement ; que ces demandes constituent une immixtion dans la gestion de l'entreprise et une charge de gestion et de justification qui va bien au-delà de la normale ; que l'on se demande d'ailleurs ce que signifie exactement « la justification des circonstances de fait » ; que le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aude qui s'est prononcé sur ce point pour toutes les autres filiales contrôlées a relevé que les observations émises par les inspecteurs ne pouvaient pas avoir un caractère contraignant et décidé ainsi que l'absence de prise en compte des observations pour l'avenir ne saurait entraîner l'application de la majoration prévue à l'
article L. 243-7-6 du code de la sécurité sociale🏛 et annulé en conséquence ces observations pour l'avenir.
L'Urssaf réplique que l'inspecteur, compte tenu des éléments constatés, a fait part des observations suivantes à l'encontre des pièces produites par la société : 1/ La puissance fiscale n'est jamais indiquée et le nombre de kilomètres effectués annuellement n'est pas comptabilisé, ainsi la réalité des déplacements ne peut être prouvée ; 2/ Les déplacements ne sont pas complétés par des tickets de péage ou par tout autre preuve ; 3/ Des petits déplacements sont également effectués sans ordre de mission, sans justificatifs et sans explication ; 4/ La marque et l'immatriculation des véhicules utilisés ne sont pas systématiquement renseignés ; 5/ L'exonération des indemnités n'est possible que sous réserve de pouvoir justifier du moyen de transport utilisé par le salarié, de la distance séparant le domicile du lieu de travail, de la puissance du véhicule, du nombre de trajets effectués. Elle soutient que c'est dans ces circonstances que l'inspecteur a pu estimer que les justificatifs ne présentaient pas toutes les garanties de fiabilité et que la réglementation relative aux frais professionnels n'était pas respectée et qu'il appartient donc à la société de mettre en œuvre ces observations à peine de redressement lors du prochain contrôle.
Réponse de la cour
En l'espèce, le chef n°3 porte sur les remboursements des frais professionnels que l'inspecteur du recouvrement a considérés à la lettre d'observations non conformes à la législation en vigueur à l'occasion du contrôle, ne présentant pas toutes les garanties de fiabilité. Aucun redressement n'a été de ce chef envisagé par l'inspecteur qui a préconisé une observation pour l'avenir mise en œuvre par décision administrative du 17 novembre 2014 (pièce n°7 de la société).
Il est ainsi demandé à la société pour chacun des frais remboursés :
- La présentation de copies des cartes grises des véhicules particuliers utilisés dans le cadre des déplacements professionnels ; le suivi des cumuls des distances parcourues annuellement et la justification d'éventuelles régularisations en fin d'année ;
- Les ordres de mission permettant l'attribution de frais sur de courts déplacements (poste, banque, etc.) ;
- Le regroupement des justificatifs liés à chaque mission (prise en charge ou remboursement de frais) ;
- La justification des circonstances de fait ayant entraîné un remboursement de frais de déplacement.
La société oppose le fait qu'une telle demande constitue une immixtion dans sa gestion et une charge de justification allant bien au-delà de la normale
La société doit justifier remplir les conditions posées par l'arrêté du 20 décembre 2012 pour pouvoir bénéficier de l'exonération ou la réduction mise en œuvre, laquelle constitue l'exception, l'immixtion dans la gestion et la lourdeur de la « charge de justification » invoquée par la société étant inopérante en la matière.
L'inspecteur du recouvrement a légitimement constaté en l'espèce lors du contrôle l'absence de justificatif suffisant au regard de certaines notes de frais et a émis pour l'avenir une obligation probatoire non critiquable dès lors qu'elle correspond à une situation avérée.
L'observation pour l'avenir, posée à la lettre d'observations est mise en œuvre par décision administrative du 17 novembre 2014, qui la reprend intégralement, est donc pleinement justifiée.
La critique de la société est inopérante et le jugement confirmé.
Sur le chef n°4 de la lettre d'observations « Forfait social : taux »
Prétentions et moyens des parties
La société soutient que ce chef de redressement est ambigu dans la mesure où il concerne à la fois le taux relatif au forfait social et le recouvrement des CSG/CRDS dues sur l'intéressement ; qu'il y a une rupture d'égalité devant les charges publiques ; que l'inspecteur du recouvrement prétend que le redressement chiffré ne porte que sur les bases déclarées et non sur le taux ; qu'en réalité, son exercice comptable est décalé ; qu'un simple recoupement des états récapitulatifs annuels 2012 et 2013 démontre qu'elle a régulièrement versé les sommes dues tant au regard des CSG/CRDS qu'à celui du forfait social applicable au versement de l'intéressement.
L'Urssaf réplique que la société verse mensuellement une avance sur intéressement à ses salariés ; que jusqu'au 31 août 2013, la société a cotisé au forfait social au taux en vigueur au moment du versement des avances, alors que le taux applicable était celui en vigueur au moment de la répartition de l'intéressement de sorte que l'inspecteur du recouvrement a procédé à une régularisation ; que pour déterminer le fait générateur du forfait social il faut rechercher dans un premier temps si l'élément de rémunération versé est assujetti à la CSG, puis dans un second temps, notamment, si cet élément est exclu de l'assiette des cotisations de sécurité sociale définies au premier alinéa de l'article L. 242-1 ; que la société a mis en place successivement trois accords d'intéressement et l'inspecteur a constaté des erreurs sur les taux appliqués et/ou les bases déclarées au titre du forfait social applicable aux sommes réparties en application de ces accords ; que le taux applicable étant celui en vigueur au moment de la répartition de l'intéressement et non celui en vigueur au moment du versement des avances, l'inspecteur a bien pris en compte les taux applicables et a déduit les montants déclarés par la société mais ce dernier a constaté que la base déclarée était erronée, de sorte qu'une rectification a été opérée.
Réponse de la cour
En l'espèce, l'inspecteur du recouvrement a retenu que le forfait social est dû au montant de la répartition et que le taux applicable était en conséquence celui alors en vigueur et non celui du mois de l'avance. Il a constaté que la société versait mensuellement une avance sur intéressement et que les contributions sociales CSG/CRDS et le forfait social étaient calculés et versés mensuellement jusqu'au 31 août 2013, la société appliquant les taux en vigueur au mois du versement de l'avance jusqu'au 1er septembre 2013. L'inspecteur a ainsi opéré une régularisation de taux et de bases aux titres des années 2011 à 2013.
Le principe d'égalité devant les charges publiques ne fait pas obstacle à ce que des situations différentes fassent l'objet de solutions différentes et il appartient au législateur de définir au regard des objectifs poursuivis les critères neutres et rationnels de la différence de traitement.
Il résulte en l'espèce de l'
article 33 de la loi n°2012-958 du 16 août 2012🏛 que le taux de 20% fixé pour la contribution dénommée forfait social est applicable aux rémunérations et gains versés à compter du 1er août 2012. Concernant le taux applicable jusqu'au 31 juillet 2012, il résulte de l'
article 12 de la loi n°2011-1906 du 21 décembre 2011🏛 qu'il avait été fixé à 8% à compter du 1er janvier 2012.
Ainsi, le critère déterminant pour l'application du taux du forfait social est celui fixé par les dispositions légales applicables à la date du versement lequel s'entend non point de l'avance auquel l'intéressement a pu donner lieu, mais du montant fixé lors de la répartition, le droit du salarié n'étant déterminé qu'à cette date-là.
Dès lors, la circonstance que les primes d'intéressement est donnée lieu au sein de société à un paiement décalé, est sans incidence sur le taux applicable qui est, ainsi que l'a retenu l'inspecteur du recouvrement, celui en vigueur au moment de la répartition de l'investissement et non celui au moment de l'avance.
La société ne rapporte pas la preuve que le taux retenu par l'inspecteur n'est pas celui applicable à la date de la répartition de l'intéressement à compter du 1er janvier 2012.
Ce chef de redressement est donc justifié et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les chefs n°5 de la lettre d'observations « Intéressement : non-respect des accords et n°6 de la lettre d'observations « Redressement ' intéressement formalités de dépôt et avances »
Prétentions et moyens des parties
La société soutient que le redressement porte sur les acomptes versés mensuellement au motif que l'accord prévoit un acompte trimestriel ; que le caractère de l'aléa est respecté ; que le versement d'une somme avant ou après le dépôt de l'accord ne caractérise pas la violation d'un élément substantiel justifiant la requalification de ces sommes en salaires ; que cependant un versement mensuel n'établit nullement que le montant versé serait discrétionnaire et non lié au résultat et à la situation de l'entreprise ; que l'inspecteur n'a formulé aucune demande de pièce relative aux résultats ; qu'ainsi il ne peut pas être présupposé que la fréquence ou le versement mensuel seraient un moyen d'échapper aux charges sociales ; que par ailleurs l'Urssaf ne peut procéder à des redressements portant sur des sommes versées au titre de période de calcul antérieure au contrôle alors que l'accord en cause a été validé, y compris implicitement, par l'administration ; qu'au cas d'espèce les accords ont été déposés auprès de la DTEFP et ont donc été sécurisés par l'effet de la
loi du 19 février 2001🏛 dès lors que l'administration n'a à aucun moment remis en cause la possibilité de conclure l'accord d'intéressement ; que la Cour de cassation a jugé que le silence gardé par la DIRECCTE à l'issue du délai de quatre mois faisait obstacle à toute contestation ultérieure de l'Urssaf sur la période objet du contrôle (
Cass., 2e civ., 24 septembre 2020, n°19-16.835 FD⚖️) ; que dans ces conditions l'Urssaf ne peut plus procéder à des redressements portant sur des sommes versées au titre de période de calcul antérieure au contrôle ; qu'au surplus lors d'un précédent contrôle l'inspecteur du recouvrement pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 n'a formé aucune observation sur la pratique de la société ; qu'il s'agit d'une décision implicite faite sans la moindre réserve laissant supposer que sa pratique a été jugée conforme à la législation applicable ; que l'inspecteur du recouvrement n'a pas indiqué les bases de rémunération ni aucune formule de calcul, de sorte qu'elle est dans l'impossibilité d'identifier clairement le taux de charge effectivement utilisé et appliqué par l'inspecteur du recouvrement ; qu'il n'est pas tenu compte de la prescription de l'année 2011 ; que la conclusion de l'Urssaf selon laquelle un acompte inférieur au trimestre n'est pas possible ne repose que sur une lecture erronée de l'
article L. 3314- 2 du code du travail🏛 ; que c'est dans ce sens que le TASS de l'Aude, pour les autres filiales contrôlées, a relevé que « le seul constat d'un versement mensuel d'un acompte calculé sur les prévisions les plus optimistes des résultats d'exploitation n'est pas suffisant à remettre en cause l'existence d'un aléa et à entraîner la requalification en éléments de rémunération des sommes versées ».
En outre, la société fait valoir que le redressement envisagé porte sur les acomptes versés du 1er septembre 2011 au 31 décembre 2011 au motif qu'aucun acompte ne pouvait intervenir avant que le dépôt de l'accord ne soit effectué alors qu'en application de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, le chef de redressement n°6 est frappé de prescription et doit être annulé.
L'Urssaf réplique que l'inspecteur à constater que la société versait mensuellement à tous les salariés des avances sur intéressement ; que les avances consenties avant dépôt des accords ne pouvaient être exonérées de charges sociales ; que l'inspecteur a réintégré dans l'assiette sociale les sommes versées de septembre à décembre 2011 correspondant à l'accord du 21 novembre 2011 déposé le 19 janvier 2012 ; que les acomptes pouvaient être éventuellement versés trimestriellement conformément à l'article 6 des accords ; que l'inspecteur a constaté que les avances intéressement étaient consenties mensuellement sur la base de 19,85% de la rémunération brute mensuelle du salarié, soit le calcul de l'intéressement le plus favorable prévu par l'accord ; que ce mode de calcul des avances conduirait le salarié à rembourser l'équivalent de plus de deux mois de salaire en décembre dans le cas où le seuil de déclenchement de l'intéressement ne serait pas atteint ; qu'un système de versement d'avance peut être prévu par les accords d'intéressement que si les conditions et dates sont précisées ainsi que les modalités de régularisation et de remboursement en cas de trop versé ; qu'en l'espèce, les accords prévoyaient uniquement la possibilité de verser des avances trimestrielles et non mensuelles, ils n'ont donc pas été respectés ; que l'inspecteur a ainsi intégré dans l'assiette sociale les primes d'intéressement versées de 2011 à 2013, déduction faite des sommes intégrées au point n°5 et au n°6 de la lettre d'observations ; que cette rectification de l'assiette sociale a entraîné un nouveau calcul des réductions Fillon appliquées à chaque salarié concerné de 2011 à 2013 (chef n°7) ; que la société a donc effectué des avances mensuellement alors que si les périodes de calcul peuvent être inférieures à 12 mois, elles ne peuvent pas être inférieures à trois mois ; que la société ne pouvait être en mesure de savoir dès la fin du premier mois de l'exercice, si les seuils de déclenchement des primes seraient atteints ; que les accords ne prévoyant que la possibilité d'avance trimestrielle, les primes versées de 2011 à 2013 ne pouvaient bénéficier de l'exonération sociale ; que contrairement à ce qu'allègue la société, lors du précédent contrôle portant sur l'accord d'intéressement signé le 7 février 2006, l'ensemble des sommes versées de 2006 à 2008 avaient également fait l'objet d'une réintégration ; que de plus, les redressements effectués en l'espèce portent sur de nouveaux accords d'intéressement totalement différents ayant fait l'objet de nouveaux dépôts à la DIRECCTE ; qu'enfin contrairement à ce que soutient la société, un détail du calcul concernant les régularisations effectuées au titre de la réduction Fillon ont été jointes en annexe.
Réponse de la cour
En application des dispositions de l'
article L. 242-1, alinéa 1, du code de la sécurité sociale🏛, dans sa rédaction applicable au litige, toutes les sommes versées aux salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail doivent être soumises à cotisations. Par dérogation à ce principe, les sommes attribuées aux salariés en application d'un accord d'intéressement sont exonérées de cotisations sociales si certaines conditions sont respectées.
Notamment, l'article L. 3314-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, précise que « pour ouvrir droit aux exonérations prévues aux articles L. 3315-1 et L. 3315-3, l'intéressement collectif des salariés doit présenter un caractère aléatoire et résulter d'une formule de calcul liée ['] aux résultats ou aux performances de l'entreprise au cours d'une année ou d'une période d'une durée inférieure, exprimée en nombre entier de mois au moins égal à trois [']».
Ainsi, il résulte de cet article que la période de calcul de l'intéressement ne peut être inférieure à un trimestre, de sorte que les sommes allouées aux salariés pour une période inférieure à un trimestre doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations en vertu de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.
L'
article L. 3312-4 du code du travail🏛, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que les sommes attribuées aux salariés en application d'un accord d'intéressement sont exonérées de cotisations si certaines conditions sont respectées, notamment quant aux délais de conclusion et de dépôt des accords auprès de la DIRECCTE, anciennement DDTEFP.
Les articles L. 3314-4 et D. 3313-1, dans leur rédaction applicable au litige, précisent que :
« Pour ouvrir droit aux exonérations ['], l'accord d'intéressement doit avoir été conclu avant le premier jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise d'effet.
« L'accord d'intéressement est déposé à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du lieu où il a été conclu par la partie la plus diligente, dans un délai de 15 jours à compter de la date limite prévue à l'article L. 3314-4.
L'
article L. 3315-5 du code du travail🏛, dans sa rédaction applicable au litige, énonce que « lorsqu'un accord ['] a été conclu ou déposé hors délai, et le produit ses effets entre les parties, mais n'ouvre droit aux exonérations que pour les périodes de calcul ouvertes postérieurement au dépôt ».
Il résulte de la combinaison de ces textes que pour ouvrir droit aux exonérations de cotisations prévues par l'article L. 3312-4 du code du travail, les sommes versées à titre d'intéressement doivent l'être selon les termes fixés par les accords d'intéressement les instituant comme l'a rappelé la
Cour de cassation (Civ. 2, 7 janvier 2021, n°19-22.921⚖️). L'intéressement, qui présente un caractère aléatoire, ne peut être dissocié des résultats de l'entreprise, ce qui implique que des avances sur l'intéressement ne peuvent être versées que si les éléments pris en compte dans la formule de calcul déterminée par l'accord collectif sont connus.
En outre, les sommes allouées en application d'un accord conclu hors délai ou déposé hors délai à la DIRECCTE ne peuvent bénéficier des exonérations légales au titre de l'intéressement et doivent être soumises à cotisations, y compris les sommes versées antérieurement au dépôt de l'accord.
En l'espèce, il n'est pas contesté que les accords d'intéressement visés à la lettre d'observations ne prévoient pas d'avance mensuelle au titre de la prime d'intéressement, alors que l'inspecteur du recouvrement a constaté sur les bulletins de paie que des avances avaient été effectuées mensuellement, même en début d'exercice. L'inspecteur a notamment relevé que si un système de versement d'avance sur intéressement est prévu, les conditions et les dates doivent être précisées ainsi que les modalités de régularisation et remboursement par le salarié en cas de trop versé.
Les accords en cause prévoient seulement la possibilité de verser des avances trimestrielles et non mensuelles. Il s'ensuit que la société n'a pas respecté les modalités d'application de l'accord d'intéressement qui la liait et qu'elle s'est ainsi placée, en procédant à des avances mensuelles sur l'intéressement, hors champ d'application des dispositions légales applicables. Elle ne peut donc pas bénéficier sur les sommes versées à ce titre de l'exonération des charges prévues par la loi.
Les modalités de calcul de ce chef de redressement sont détaillées dans la lettre d'observations en tenant compte de leur montant brut et en déduisant les contributions sociales CSG/CRDS ainsi que le forfait social déjà payés.
Le chef de redressement n°5 est donc justifié et le jugement doit être confirmé sur ce point, peu important que la DDTEFP n'ait pas formulée lors du dépôt des accords d'observations s'agissant de la possibilité de versement d'avances trimestrielles dès lors que les modalités en question n'ont pas été respectées par la mise en œuvre d'avance mensuelles et qu'ainsi le litige porte non sur la régularité des dispositions de l'accord mais sur l'application particulier de ces dispositions qu'en a fait la société.
Quant au chef de redressement n°6, s'il est constant que l'accord d'intéressement du 22 novembre 2011 a été déposé à la DIRECCTE le 19 janvier 2012, de sorte que les sommes versées en 2011 n'étaient pas éligibles à l'exonération en cause, pour autant en application des dispositions de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure ayant été adressée à la société le 27 janvier 2015, l'Urssaf ne pouvait réclamer le paiement des cotisations dues au titre des sommes versées avant le 31 décembre 2011 en raison de la prescription.
La commission de recours amiable a retenu la prescription de l'année 2011 et ramené de 45 326 euros à 28 969 euros les redressements opérés au titre du chef n°5, 6 et 7 concernant l'application de la loi Fillon.
La société ne démontre pas que l'Urssaf, après la décision de sa commission de recours amiable, réclame toujours le reliquat de redressement concernant les deux derniers mois de 2011. Il n'y a pas lieu d'annuler le chef de redressement n°6 qui est fondé en droit, mais seulement de constater, au regard de la date de la mise en demeure, que les sommes dues au titre de ce chef de redressement qui ne peuvent pas être réclamées par l'Urssaf à la société ne le sont effectivement pas à ce jour.
Sur le chef n°7 de la lettre d'observations « Réduction Fillon : rémunération brute à prendre en compte dans la formule »
Prétentions et moyens des parties
La société soutient que le défaut d'indication dans la lettre d'observations de la mention du mode de calcul des redressements envisagés l'empêche de connaître la nature de son obligation ; que ce redressement est une conséquence des anomalies constatées et la réintégration conséquente pour le motif « Intéressement : formalités de dépôt de l'accord et non-respect des accords » qui, comme cela a été démontré précédemment, est infondé puisque fondé sur des postulats de départ non seulement erronés mais également prescrits pour l'un d'entre eux ; qu'en dernier lieu, elle souhaite soulever un point discordant dans les redressements opérés à son encontre et notamment en l'état du cumul indu de chefs de redressement, d'une part au titre du point « Forfait social : taux » et d'autre part au titre des thèmes liés à l'intéressement à savoir : « Intéressement : non-respect des accords » et « Réduction Fillon : rémunérations à prendre en compte dans la formule » ; que l'inspecteur du recouvrement remet en cause la validité des accords d'intéressement mis en place en raison d'un non-respect des clauses prévues soumettant ainsi l'intégralité des sommes versées à cotisations et contributions du régime, général de sorte que l'inspecteur procède à une requalification des sommes versées au titre de l'intéressement en salaires ; que cependant l'inspecteur du recouvrement estime devoir soumettre ces mêmes sommes au titre du forfait social et des CSG/CRDS, cotisations pourtant afférentes dans ce cas à de l'intéressement ; que cette double opération, une fois à titre de salaire et une autre à titre d'intéressement, pourtant requalifié en salaire, laisse à la charge de la société deux redressements pourtant incompatibles.
L'Urssaf réplique à ces moyens en même temps que pour les deux chefs précédents et ajoute que, contrairement à ce que soutient la société, un détail du calcul concernant les régularisations effectuées au titre de la réduction Fillon ont été jointes en annexe.
Réponse de la cour
Ce chef de redressement est la conséquence des redressements précédents envisagés par l'inspecteur du recouvrement et retenus par l'Urssaf, lesquels entraînent la réintégration de sommes dans l'assiette des cotisations et contributions sociales.
L'inspecteur a confirmé la société dans sa lettre de réponse du 13 novembre 2014 (pièce n°6 de la société) que ce chef de redressement trouvait à s'appliquer en conséquence du maintien du redressement relatif à l'« Intéressement : non-respect des accords » qui avait lui-même déjà été calculé en tenant compte du taux applicable, à savoir 20%.
Par ailleurs, la lettre d'observations mentionne bien les textes applicables et la formule de calcul en découlant, l'inspecteur ayant d'ailleurs joint à la lettre en réponse aux observations de la société une annexe détaillée relative au calcul de la réduction Fillon (pièce n°6 de la société), de telle sorte que la société ne peut se prévaloir utilement d'un défaut d'indication de la formule de calcul du redressement opéré dans la lettre d'observations l'empêchant de connaître la nature de son obligation.
Enfin, dans le cadre de ce chef de redressement résultant de la modification du montant de la rémunération brute soumise à cotisation prise en compte pour le calcul du coefficient de réduction des cotisations sur les bas salaires, il apparaît que l'Urssaf a exclu de cette rémunération le forfait social et les CSG/CRDS.
Ce chef de redressement sera donc confirmé.
Il y a donc lieu de confirmer la décision des premiers juges en toutes ses dispositions.
La société succombant en son appel sera condamnée aux dépens et sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de l'Urssaf l'intégralité des frais irrépétibles. Il lui sera alloué la somme de 1 500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile.