Jurisprudence : CE 9/8 SSR, 30-10-1991, n° 80247

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 80247

SOCIETE ANONYME HAMON

Lecture du 30 Octobre 1991

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 juillet 1986 et 14 novembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME HAMON, dont le siège est 7 rue de la Tour des Dames à Paris (75009) ; la société demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement en date du 24 avril 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de la retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1979 à la suite de la réintégration dans ses bases d'imposition d'une somme de 639 000 F versée à la société japonaise Toshiba ; 2°) prononce la décharge de ces impositions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. de Longevialle, Conseiller d'Etat, - les observations de la S.C.P. Vier, Barthélemy, avocat de la SOCIETE ANONYME HAMON, - les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;
Sur le bien fondé de l'imposition contestée :
Considérant que la société Toshiba, à laquelle la société "Electricidad de Caracas" avait confié la fourniture des gros équipements de l'unité n° 9 de la centrale thermique de Taco (Vénézuela), avait spécifié, dans son offre, que la réalisation du système de condensation et du train d'eau, serait assurée par la SOCIETE ANONYME HAMON ; qu'elle avait, en outre, accepté d'être l'"interlocuteur unique" de son co-contractant et d'assumer envers lui l'entière responsabilité du bon fonctionnament des installations ; que le marché conclu entre la société "Electricidad de Caracas" et la SOCIETE ANONYME HAMON a porté sur un montant de fournitures et de travaux représentant, pour cette dernière, environ un an de chiffre d'affaires ; qu'il n'est pas contesté par l'administration que l'obtention du marché impliquait, de sa part, le paiement d'une commission à des intermédiaires ; que, par télex du 18 décembre 1978, la SOCIETE ANONYME HAMON a demandé à la société Toshiba de lui indiquer sur quel compte bancaire elle aurait à verser cette commission ; que, dès le lendemain, la société Toshiba l'a invitée à verser 250 000 dollars sur un compte ouvert, à New-York, au nom d'une personne physique vénézuélienne et, "pour le solde de 150 000 dollars", à attendre des informations complémentaires ; que, par deux télex des 19 et 21 décembre 1978, la SOCIETE ANONYME HAMON a pressé son partenaire japonais de lui fournir ces informations afin d'être en mesure de donner à la Banque de France les indications nécessaires à la délivrance des autorisations de transfert correspondants ; que, par télex du 5 janvier 1979, la SOCIETE ANONYME HAON a été priée de verser le reliquat de 150 000 dollars sur un compte dont la société Toshiba disposait dans une banque à Londres ; qu'à l'appui de son affirmation selon laquelle cette somme de 150 000 dollars n'a fait que transiter par le compte de la société Toshiba, pour être ensuite reversée à l'intermédiaire vénézuélien, la SOCIETE ANONYME HAMON a produit une attestation signée et datée du 5 avril 1982, dans laquelle cet intermédiaire indique avoir reçu, en janvier 1979, de la société Toshiba une somme de 150 000 dollars et que celle-ci représentait "le complément" de celle de 250 000 dollars qui lui avait été versée "directement" par la SOCIETE ANONYME HAMON ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des circonstances de l'espèce et, en particulier, des pièces, précises et concordantes, qu'elle a produites, d'une part, que la SOCIETE ANONYME HAMON s'était bien obligée au paiement d'une commission d'intermédiaire de 400 000 dollars, dont les conditions de versement devaient être précisées par la société Toshiba, d'autre part, que ce paiement trouvait sa justification dans l'intérêt que représentait pour la société sa participation aux travaux d'équipement de l'unité n° 9 de la centrale de Taco ; que si l'administration allègue que le second versement aurait eu pour effet de faire prendre en charge par la SOCIETE ANONYME HAMON une fraction de commission incombant à la société Toshiba, il résulte de ce qui précède qu'il a de toute façon été effectué, dans son intérêt, par la SOCIETE ANONYME HAMON ; qu'ainsi, il ne pouvait légalement être regardé comme une distribution de bénéfices au profit de la société Toshiba ; qu'il suit de là que la SOCIETE ANONYME HAMON est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des impositions contestées ;
Sur les intérêts de retard :
Considérant qu'en vertu des dispositions, applicables en l'espèce, de l'article 1730 du code général des impôts, les intérêts de retard ne sont pas dus lorsque l'insuffisance des revenus déclarés n'excède pas le dixième de la base d'imposition ; qu'il ressort des pièces du dossier que, abstraction faite de la somme de 639 000 F, l'insuffisance des bénéfices déclarés par la SOCIETE ANONYME HAMON au titre de l'année 1979 était inférieure au dixième de sa base d'imposition ; qu'ainsi la société est fondée à demander la décharge de la totalité des intérêts de retard, s'élevant à 76 119 F, qui lui ont été assignés ;
Article 1er : Le jugement du 24 avril 1986 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La SOCIETE ANONYME HAMON est déchargée, à concurrence de 319 500 F en droits, du supplément d'impôt sur les sociétés, des intérêts de retard, s'élevant à 76 119 F, et de la retenue à la source s'élevant, en droits et indemnités de retard, à 131 934 F, mis à sa charge au titre de l'année 1979.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME HAMON et au ministre délégué au budget.

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