CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 79600
Mlle ERBIBO
Lecture du 08 Janvier 1993
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du Contentieux, 9ème et 8ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du Contentieux,
Vu 1°/, sous le n° 79 600, la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 juin 1986 et 16 septembre 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle Yvonne ERBIBO, agissant au nom de l'indivision successorale de M. Mardoché Erbibo et demeurant 25 boulevard Guillaumont à Juan-les-Pins (06160) ; Mlle ERBIBO demande que le Conseil d'Etat : - annule le jugement du 28 mai 1986 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu mis à la charge de M. Erbibo au titre des années 1974 à 1977 ; - décharge l'indivision successorale des suppléments d'impôt contestés ;
Vu 2°/, sous le n° 79 601, la requête et les mémoires complémentaires enregistrés les 20 juin 1986, 16 avril et 16 septembre 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle Yvonne ERBIBO, agissant au nom de l'indivision successorale de M. Mardoché Erbibo et demeurant 25 boulevard Guillaumont à Juan-les-Pins (06160) ; Mlle ERBIBO demande que le Conseil d'Etat : - annule le jugement du 28 mai 1986 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à la décharge des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels M. Mardoché Erbibo a été assujetti au titre de la période du 1er avril 1974 au 28 février 1978 et des pénalités y afférentes ; - décharge l'indivision successorale des suppléments de taxe contestés ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu, en audience publique : - le rapport de M. Belaval, Maître des requêtes, - les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mlle Yvonne ERBIBO, - les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées introduites par Mlle ERBIBO pour le compte des héritiers de son père, M. Mardoché Erbibo, présentent à juger les mêmes questions et qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ; En ce qui concerne les recettes dissimulées :
Considérant que, pour effectuer les redressements encore en litige procédant du rehaussement, par voie de rectification d'office, des bénéfices industriels et commerciaux des exercices 1974, 1975 et 1976 et du chiffre d'affaires taxable de la période du 1er janvier 1974 au 28 février 1978 du montant des recettes dissimulées de l'entreprise individuelle de revente en l'état de vêtements de confection exploitée par M. Mardoché Erbibo, l'administration s'est fondée sur diverses pièces comptables, saisies par des agents de la brigade interrégionale d'intervention de Marseille de la direction nationale d'enquêtes fiscales, à l'occasion d'une perquisition, opérée le 28 septembre 1976, dans les locaux commerciaux et au domicile du contribuable, en vertu des dispositions de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945, alors en vigueur, et sur les mentions d'un procès-verbal d'audition de M. Erbibo, établi, le 14 décembre 1976, par les mêmes agents, à la suite de cette intervention ; Considérant, d'une part, qu'il est constant qu'aucune poursuite pénale pour infraction à la législation économique n'a été engagée contre M. Mardoché Erbibo à la suite de la perquisition ci-dessus ; que si l'administration explique cette omission par la perte de l'original du procès-verbal du 14 décembre 1976 et fait valoir que ledit procès-verbal constatait la pratique par l'intéressé d'achats sans facture, délit puni par l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, ce fait ne ressort pas avec une certitude suffisante de la copie du procès-verbal produite ; Considérant, d'autre part, que l'administration ne donne aucune indication quant à la nature et au sérieux des soupçons d'infraction à la législation économique pesant sur M. Mardoché Erbibo qui auraient légitimé une intervention forcée dans les locaux commerciaux et au domicile de l'intéressé ; Considérant, dans ces conditions, que la procédure de l'ordonnance du 30 juin 1945 doit être regardée comme n'ayant été utilisée par l'administration, qui ne disposait à l'époque, pour les besoins du contrôle fiscal, d'aucune procédure légale d'intervention forcée, qu'à des fins strictement fiscales ; que les redressements ci-dessus ont ainsi été effectués à la suite d'un détournement de procédure et doivent être regardés comme ayant entièrement procédé de ce détournement ; En ce qui concerne les autres redressements :
Considérant que la saisie, puis l'exploitation à des fins strictement fiscales des documents comptables emportés par l'administration à l'occasion de la perquisition du 28 septembre 1976 a revêtu le caractère d'une vérification de comptabilité ; que c'est à la suite d'une seconde vérification de comptabilité effectuée du 14 avril au 2 août 1978 pour la même période en violation des dispositions de l'article 1649 septies B du code général des impôts alors en vigueur qu'ont été opérés les autres redressements encore en litige ; que Mlle ERBIBO invoquant cet article 1649 septies B, l'administration n'est pas fondée à soutenir que sa contestation des autres redressements ne serait appuyée d'aucun moyen ;
Considérant qu'il ressort des procès-verbaux de saisie de documents versés aux dossiers que les pièces comptables saisies par la brigade interrégionale d'intervention le 28 septembre 1976 ont concerné les exercices 1974, 1975 et 1976 ; qu'ainsi la méconnaissance des dispositions de l'article 1649 septies B ne peut être utilement invoquée par Mlle ERBIBO en ce qui concerne l'exercice 1977 ; que s'agissant des autres redressements de l'exercice 1977, Mlle ERBIBO n'invoque aucun autre moyen ;
Considérant que, de ce qui précède, il résulte que Mlle ERBIBO n'est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice ne lui a pas accordé, par les jugements susvisés, décharge entière des impositions en litige qu'en ce qui concerne l'ensemble des redressements des exercices 1974, 1975 et 1976 et les recettes dissimulées de 200 223 F de l'exercice 1977 ; qu'elle est ainsi fondée à demander la décharge des impositions contestées à l'impôt sur le revenu des années 1974, 1975 et 1976, la réduction de 200 223 F de sa base d'imposition à l'impôt sur le revenu de 1977 et la réduction de 1 166 805 F du chiffre d'affaires toutes taxes comprises taxable à la taxe sur la valeur ajoutée ;
D E C I D E :
Article 1er : Le bénéfice imposable de l'exercice 1977 et le chiffre d'affaires toutes taxes comprises taxable de la période du 1er janvier 1974 au 28 février 1978 de M. Mardoché Erbibo seront réduits, respectivement, de 200 223 F et 1 166 805 F.
Article 2 : Il est accordé à l'indivision successorale de M. Mardoché Erbibo, en droits et pénalités, la décharge des impositions à l'impôt sur le revenu encore en litige des années 1974, 1975 et 1976 et la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auxquels Mardoché Erbibo a été assujetti au titre, respectivement, de l'année 1977 et de la période du 1er janvier 1974 au 28 février 1978 résultant de l'application de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Les jugements susvisés du tribunal administratif de Nice, en date du 28 mai 1986, sont réformés en ce qu'ils ont de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes susvisées de Mlle ERBIBO est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mlle ERBIBO et au ministre du budget.