CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 78223
Société anonyme QUADRIGA
Lecture du 03 Mai 1989
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 mai 1986 et 4 septembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société anonyme QUADRIGA, dont le siège est à Zoug, en Suisse, et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 5 mars 1986 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1975, 1976 et 1977 et de la contribution exceptionnelle pour 1976, et des pénalités y afférentes, 2°) lui accorde la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Fourré, Conseiller d'Etat, - les observations de la S.C.P. Boré, Xavier, avocat de la société anonyme QUADRIGA, - les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions concernant l'impôt sur les sociétés établi au titre de l'année 1977 :
Considérant que, par une décision du 11 décembre 1987, postérieure à l'introduction du pourvoi, le directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes a accordé à la société anonyme QUADRIGA un dégrèvement, à concurrence de 220 308 F de l'impôt sur les sociétés établi au titre de l'année 1977 ; que, dès lors, les conclusions de la requête, relatives à l'année 1977 sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le surplus des conclusions de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 1934 du code général des impôts applicable à la date de la réclamation et codifié depuis à l'article R.193-4 du livre des procédures fiscales : "1. - Toute personne qui introduit ou soutient une réclamation pour autrui doit justifier d'un mandat régulier ... Toutefois, il n'est pas exigé de mandat des avocats inscrits au barreau ni des personnes qui, en raison de leurs fonctions ou de leur qualité, ont le droit d'agir au nom du contribuable ..." ; qu'il résulte de l'instruction que la réclamation adressée à l'administration le 28 septembre 1979 en vue d'obtenir la décharge des impositions en litige, si elle a été établie sur un papier à en-tête du cabinet de maître Tomasi, avocat à la cour de Paris auquel, en sa qualité de représentant à l'égard de l'administration des impôts de la société anonyme QUADRIGA dont le siège social est à Zoug (Suisse), avait été adressée la notification de redressements du 24 avril 1979, portait la seule signature de M. Henri Perreau signant "pour maître Tomasi" mais non inscrit au barreau ; qu'ainsi ladite réclamation n'avait pas été régulièrement signée ;
Considérant toutefois qu'aux termes du dernier aliéa de l'article R.200-2 du livre des procédures fiscales, dans la rédaction qu'il tient de l'article 1er-II du décret susvisé du 26 septembre 1985 en vigueur à la date du jugement attaqué, "les vices de forme prévus à l'article R.193-3 a, b et d peuvent ... être utilement couverts dans la demande adressée au tribunal administratif. Il en est de même pour le défaut de signature de la réclamation lorsque l'administration a omis d'en demander la régularisation dans les conditions prévues à l'article R.197-3 c" ; que la demande présentée par la société anonyme QUADRIGA, devant le tribunal administratif a été signée d'un avocat à la cour ; qu'ainsi le vice de forme entachant la réclamation de la société, était couvert par la demande adressée au tribunal, à la date à laquelle celui-ci a statué ;
Considérant que le jugement attaqué, qui a déclaré la demande irrecevable, doit par suite être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de la société anonyme QUADRIGA qui ont conservé un objet ;
Sur le principe des impositions contestées :
Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 6 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 modifiée "1. Les revenus provenant des biens immobiliers sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens sont situés ...4. Les dispositions des paragraphes 1 et 3 s'appliquent également aux revenus provenant des biens immobiliers d'une entreprise ..." ; qu'il résulte clairement de ces textes qu'alors même qu'elle ne disposait en France d'aucun établissement stable, la société QUADRIGA, qui était propriétaire pendant les années 1975 à 1977 de l'ensemble immobilier dénommé "Villa Lou Peradou" et situé à Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes), était passible en France au titre de ces années de l'impôt sur les sociétés sur la totalité des revenus immobiliers qu'elle y a perçus, ainsi que de la contribution exceptionnelle instituée pour l'année 1976 ;
Considérant que le ministre, qui est en droit de le faire à tout moment de la procédure contentieuse, est fondé à demander que la base légale résultant des textes précités soit, en ce qui concerne les droits maintenus au titre de l'année 1977, substituée à celle résultant des dispositions de l'article 209 - A du code général des impôts, primitivement retenue ;
Sur les règles de détermination des revenus taxables :
Considérant qu'en vertu de l'article 209 du code général des impôts les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles, fixées pour les bénéfices industriels et commerciaux réalisés par les personnes physiques et en aucun cas d'après celles fixées aux articles 14 à 33 quater dudit code pour les revenus fonciers des personnes physiques ; que, dès lors, la société anonyme QUADRIGA ne peut utilement se prévaloir d'une violation de ces dernières règles ;
Sur le montant des bases d'imposition :
Considérant qu'il est constant que la société QUADRIGA avait, pendant les années 1975 à 1977, mis sa propriété de Théoule-sur-Mer à la disposition du docteur Quandt, président de son conseil d'administration, qui détenait 96 % de son capital ; que, faute pour elle d'avoir souscrit les déclarations de résultats auxquelles sont tenues, en application de l'article 223 du code général des impôts, les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés, elle a été légalement imposée d'office ; qu'en l'absence de bail ayant date certaine, le service a déterminé les bases d'imposition à partir d'une valeur locative de cette propriété estimée à 160 000 F en 1976, avec actualisation pour les années 1975 et 1977 en fonction du coefficient de variation de l'indice annuel moyen du coût de la construction et de charges déductibles estimées forfaitairement à 20 % de cette valeur locative ;
Considérant que pour apporter la preuve, dont elle ne conteste pas avoir la charge, de l'exagération de ces bases d'imposition, la société soutient d'une part que la valeur locative réelle de cette propriété n'était pas supérieure en 1976 à 90 000 ou 96 000 F, chiffres indiqués par deux experts auxquels elle s'est adressée, et, d'autre part, que les charges réelles afférentes à cette propriété, qu'en vertu de l'accord de bail susmentionné signé par elle avec le docteur Quandt le 14 août 1972 ce dernier s'était engagé à payer directement en guise de loyer, ont été en fait bien supérieures à l'estimation forfaitaire qu'en a fait l'administration ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces produites par la société elle-même, que les experts n'ont assorti les évaluations de la valeur locative réelle de la propriété en cause dont ils ont fait état d'aucun élément de comparaison portant sur les loyers effectivement pratiqués à l'époque pour des propriétés comparables par leur situation, leurs dimensions et leurs caractéristiques ; qu'ainsi la société n'établit pas qu'en retenant une valeur locative, égale à 4% de la valeur vénale non contestée de cette propriété en 1976, l'administration ait surestimé le produit brut annuel pouvant, dans le cadre d'une gestion commerciale normale, être retiré de la location ; que, d'autre part, la société ne justifie par aucun élément précis et probant du montant des charges, notamment des intérêts des emprunts contractés pour l'acquisition de la villa, dont elle allègue qu'elles ont été supportées pour son compte par son principal actionnaire en contrepartie de l'absence de loyer qu'elle lui avait consentie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société QUADRIGA n'est pas fondée à demander la décharge des impositions restant en litige ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de la société anonyme QUADRIGA à concurrence de 220 308 F.
Article 2 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Nice en date du 5 mars 1986 est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête de la société anonyme QUADRIGA est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme QUADRIGA et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.