Jurisprudence : CE 8/9 SSR, 23-10-1989, n° 77816

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 77816

Mme Léonie COSTES

Lecture du 23 Octobre 1989

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Vu 1°) sous le n° 77 816 la requête, enregistrée le 21 avril 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Léonie COSTES, demeurant 2, rue de Verdusse à Albi (81000), et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement en date du 17 février 1986 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les moyens développés à l'appui de sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie dans les rôles de la commune d'Albi au titre des années 1977, 1978, 1979 et 1980, en tant qu'ils portaient sur la régularité de la procédure d'imposition suivie par l'administration et désigné un expert en vue de déterminer si les documents présentés par Mme COSTES et la société de fait crèmerie COSTES permettent d'établir la valeur probante de sa comptabilité ou d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ; 2°) lui accorde la décharge des impositions contestées ; 3°) lui accorde le remboursement des frais exposés tant en première instance qu'en appel ; Vu, 2°) sous le n° 94 577, la requête, enregistrée le 25 janvier 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Léonie COSTES, demeurant 2 rue de Verdusse à Albi (81000), et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement en date du 9 novembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Toulouse : - n'a que partiellement fait droit à sa demande en réduction de l'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre des années 1977 à 1980, dans les rôles de la commune d'Albi, - a mis à sa charge les frais d'expertise à concurrence de la somme de 1 059 F ; 2°) prononce la décharge demandée et condamne l'Etat à lui rembourser les frais exposés ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu : - le rapport de Mme Dominique Laurent, Maître des requêtes, - les conclusions de M. Chahid-Nouraï, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de Mme. COSTES dirigées contre les jugements du tribunal administratif de Toulouse en date respectivement du 17 février 1986 et du 9 novembre 1987 sont relatives à la même imposition ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions dirigées contre le jugement en date du 17 février 1986 :
Considérant que par une décision en date du 13 mai 1987, l'administration a prononcé un dégrèvement de 54 368 F au profit de Mme COSTES ; que dans cette mesure les conclusions de la requête n° 77 816 sont devenues sans objet ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.60 du livre des procédures fiscales : "Le rapport par equel l'administration des impôts soumet le différend qui l'oppose au contribuable à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, ainsi que tous les autres documents dont l'administration fait état pour appuyer sa thèse, doivent être tenus à la disposition du contribuable intéressé" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par l'administration, que celle-ci a produit devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires lors de la discussion du dossier du contribuable un document retraçant la liste des 133 articles ayant servi à la reconstitution opérée par le vérificateur et dont le contribuable n'a pas eu connaissance selon les modalités prévues par les dispositions précitées ; que la procédure suivie devant la commission n'ayant pas été contradictoire et son avis étant inopposable à Mme COSTES, la charge de la preuve incombe à l'administration ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme COSTES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 17 février 1986, le tribunal administratif de Toulouse a décidé qu'il lui appartenait d'apporter la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition ;
Considérant toutefois que compte tenu des éléments produits par l'administration, le tribunal a pu à bon droit ordonner une expertise, dont Mme COSTES ne conteste d'ailleurs ni le principe ni l'objet ;
Sur les conclusions dirigées contre le jugement du 9 novembre 1987 :
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'administration a, par une décision, en date du 13 mai 1987, postérieure à l'enregistrement au greffe de la demande de Mme COSTES, prononcé un dégrèvement de 54 368 F au profit de cette dernière ; que dans cette mesure le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a omis de prononcer un non-lieu à statuer à concurrence des impositions dégrevées ; qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'annuler sur ce point le jugement attaqué, d'évoquer les conclusions de la demande devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de décider qu'il n'y a lieu d'y statuer ;
Sur les impositions restant dues : Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que pour évaluer les pertes qu'elle soutient avoir subies sur les achats de produits, Mme COSTES se fondait sur l'avis de la commission départementale qui les a estimées à 1 % des achats de produits frais ; que l'administration s'était rangée à cet avis et n'a pas contesté cette évaluation en première instance ; que si, en appel, elle prétend s'appuyer sur l'avis de l'expert qui s'est abstenu d'évaluer ces pertes en invoquant l'absence de justifications comptables, elle n'établit, par là même, ni que ces pertes soient inexistantes, ni qu'en demandant qu'elles soient fixées à 1 % des achats de produits frais, conformément à l'avis précité, la requérante procède à une évaluation exagérée desdites pertes ; Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que le coefficient de bénéfice brut de 1,07 ressort effectivement de l'étude des factures délivrées aux collectivités ; qu'ainsi la requérante est fondée à demander que ce c efficient soit substitué à celui de 1,17 qui a été retenu par l'administration et qui n'est pas établi par celle-ci ; Considérant, enfin, que Mme COSTES, pour contester la ventilation des achats entre les différents produits, opérée par le vérificateur, se fonde sur le dépouillement de factures d'achat correspondant à des années postérieures à la période d'imposition ; que l'administration, qui s'est fondée sur la ventilation d'achats effectuée par le vérificateur à partir de factures d'achat de l'exercice 1976/1977 inclus dans ladite période établit que les bases retenues à partir de cette ventilation correspondent mieux aux données tirées de l'activité même de l'entreprise ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme COSTES est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande en ce qui concerne les pertes et le coefficient de bénéfice brut applicable aux ventes aux collectivités ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R.207-1 du livre des procédures fiscales du code général des impôts : "Les frais d'expertise sont supportés par la partie qui n'obtient pas satisfaction. Le contribuable qui obtient partiellement gain de cause participe aux frais en proportion de la part de sa demande qui a été rejetée et compte tenu de l'état du litige au début de l'expertise" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de répartir les frais d'expertise à raison de 95 % et de 5 % respectivement à la charge de Mme COSTES et de l'Etat ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 17 février 1986 en tant qu'il a décidé qu'il appartenait à Mme COSTES d'apporter la preuve de l'exagération de sesbases d'imposition et le jugement du même tribunal en date du 9 novembre 1987, en tant qu'il a statué sur la partie de l'imposition ayant donné lieu à un dégrèvement en date du 13 mai 1987, sont annulés.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 77 816 et de la demande de Mme COSTES à concurrence de la somme de 54 368 F dont le dégrèvement a été prononcé par décision du 13 mai 1987.
Article 3 : Le montant des bénéfices industriels et commerciaux à retenir pour le calcul de l'impôt sur le revenu mis à la charge de Mme COSTES pour les années 1977 à 1980 sera calculé compte tenu d'un abattement de 1 % pour pertes sur les achats de produits frais, à l'exception des vins et jus de fruits, et d'un coefficient de bénéfice brut applicable aux ventes aux collectivités de 1,07.
Article 4 : Mme COSTES est déchargée de la différence entre le montant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu à sa charge au titre des années 1977 à 1980 et le montant calculé en application de l'article 3 ci-dessus.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 9 novembre 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 7 : Mme COSTES supportera 95 % des frais d'expertise ordonnée par le tribunal administratif, l'Etat supportant le surplus des frais de cette expertise.
Article 8 : La présente décision sera notifiée à Mme COSTES et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.

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