COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 mai 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 358 F-D
Pourvoi n° K 22-11.298
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [W].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 22 novembre 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 MAI 2023
M. [S] [W], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22-11.298 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Natkin [Localité 3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Regis, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [W], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Natkin [Localité 3], et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Regis, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2021), au mois de février 2014, la société Natkin [Localité 3], qui commercialise des ballerines sous la marque « Bagllerina », a noué une relation contractuelle avec M. [W], en lui confiant une mission de représentation commerciale, pour la région Paris-Île-de-France, et une mission de « conseil sur la gestion des ressources commerciales », sur le reste du territoire français.
2. Le 2 février 2015, la société Natkin [Localité 3] a rompu cette relation pour insuffisance des résultats.
3. Se prévalant d'un contrat d'agent commercial, M. [W] a assigné cette société en paiement de diverses sommes, au titre de commissions impayées, d'indemnités de préavis et de fin de contrat, et en réparation d'un préjudice moral.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [W] fait grief à l'arrêt de dire que la rupture du contrat de conseil n'est pas abusive et de rejeter ses demandes à ce titre, alors « que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée ; que pour dire que M. [W] était lié à la société Natkin [Localité 3] par un contrat de conseil - et non un contrat d'agent commercial - sur le reste du territoire français, la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur un courriel du 2 juin 2014, auquel d'ailleurs M. [W] n'a jamais répondu, et qui n'a pas été suivi d'une proposition de contrat écrit ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher les conditions concrètes dans lesquelles avait été effectivement exécuté le contrat, dont la qualification était contestée par les parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'
article L. 134-1 du code de commerce🏛. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 134-1 du code de commerce :
5. L'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.
6. Pour écarter la qualification de contrat d'agence commerciale, l'arrêt énonce, d'abord, qu'il convient de définir la mission confiée à M. [W] par la société Natkin [Localité 3], telle qu'il l'a effectivement réalisée. Il retient, ensuite, qu'aux termes d'un courriel du 2 juin 2014, qui lui avait été adressé par cette société, le secteur géographique du mandat d'agent commercial de M. [W] était limité à la région [Localité 3]-Île-de-France et qu'il lui était confié, sur le reste du territoire, un contrat de conseil sur la gestion des ressources commerciales, devant être rémunéré à hauteur de 5 % du chiffre d'affaires. L'arrêt retient, encore, que si ce courriel n'a pas été suivi de contrats formalisés, aucune autre pièce probante versée au dossier ne permet de le contredire de façon pertinente et de délimiter le périmètre de l'activité de M. [W]. Il ajoute, au titre de l'existence de manquements de celui-ci à ses obligations, que la lettre de rupture qualifiait le contrat de « conseil aux agents » et que cette mission consistait à implanter la marque « Bagllerina » dans un certain nombre de magasins, grâce, notamment, à une tournée auprès des agents sur toute la France, à la présence sur le salon Who's next, au renouvellement des équipes d'agents commerciaux dans différentes régions et au développement de nouveaux réseaux de clients.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher les conditions dans lesquelles M. [W] exerçait effectivement son activité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
8. Le chef de dispositif concerné par la cassation est uniquement celui qui, en infirmant le jugement entrepris concernant la rupture qualifiée d'abusive du contrat de conseil, rejette implicitement les demandes faites par M. [W] au titre de ce contrat.
9. La cassation ne s'étend donc pas aux chefs de dispositif qui concernent le contrat d'agent commercial, lesquels ne sont pas attaqués par le moyen et n'ont pas de lien de dépendance nécessaire avec le chef de dispositif critiqué.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement pour avoir qualifié d'abusive la rupture de la mission dite de conseil, en ce qu'il rejette par conséquent les demandes faites à ce titre par M. [W], et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, l'arrêt rendu le 14 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Natkin [Localité 3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Natkin [Localité 3] et la condamne à payer à la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.