CAA Paris, 1ère, 17-05-2023, n° 22PA04184
A83899UA
Référence
Procédure contentieuse antérieure :
L'établissement public Voies Navigables de France a déféré au tribunal administratif de Montreuil, comme prévenue d'une contravention de grande voirie, la société à responsabilité limitée Acrotère, a demandé sa condamnation à une amende de cent cinquante euros et à ce qu'il lui soit enjoint, sous astreinte, de libérer le domaine public fluvial.
Par un jugement n° 2204739 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Montreuil⚖️ a condamné la société à responsabilité limitée Acrotère à payer une amende de cent cinquante euros et enjoint à cette société de procéder sans délai à l'enlèvement du bateau " Monte Carlo " du domaine public fluvial qu'il occupe, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 13 septembre 2022 et le 6 février 2023, la société à responsabilité limitée Acrotère, représentée par Me Chouai, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2204739 du 18 juillet 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de mettre à la charge l'établissement public Voies navigables de France la somme de
3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle soutient que :
- le procès-verbal de constat est entaché de nullité dès lors qu'il a été dressé à l'encontre de M. F, et non d'elle-même, et qu'il mentionne une constatation qui ne pouvait être faite de visu à savoir le stationnement sans autorisation ;
- le procès-verbal de constat a été notifié par une personne qui n'avait pas compétence pour ce faire ;
- la demande devant le tribunal administratif de Montreuil a été introduite au nom de Voies navigables de France par une personne incompétente ;
- les dispositions de l'article L. 2132-9 du code général des collectivités territoriales ne sont pas applicables faute pour le navire de constituer un enlèvement au sens de ces dispositions ;
- elle bénéficie d'un double emplacement pour faire stationner deux péniches ;
- le procès-verbal a été constaté sans qu'ait été respectée la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration🏛.
Par un mémoire en défense enregistrés le 20 décembre 2022 et le 26 janvier 2023, l'établissement public Voies navigables de France, représenté par Me Caron, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société à responsabilité limitée Acrotère la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société à responsabilité limitée Acrotère ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D,
- et les conclusions de M. Doré, rapporteur public.
1. Par procès-verbal dressé le 4 février 2022, a été constaté le stationnement sans droit ni titre sur le domaine public fluvial, sur le territoire de la commune de L'Île-Saint-Denis, du bateau " Monte Carlo " appartenant à la société à responsabilité limitée Acrotère. l'établissement public Voies Navigables de France a déféré cette société au tribunal administratif de Montreuil comme prévenue d'une contravention de grande voirie. Par un jugement du 18 juillet 2022 dont la société à responsabilité limitée Acrotère relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a condamné cette dernière au paiement d'une amende de cent cinquante euros et à ce qu'il lui soit enjoint de procéder à l'enlèvement du bateau " Monte Carlo " du domaine public fluvial qu'il occupe, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification du jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, la société requérante soutient que le procès-verbal de constat a été dressé à l'encontre d'un tiers et qu'il ne pouvait mentionner une constatation qui ne pouvait être faite de visu à savoir le stationnement sans autorisation. D'une part, et quand bien même le procès-verbal comporte une erreur de plume en ce qu'il mentionne à tort M. A B, il est constant qu'il relève explicitement que l'infraction résulte de l'occupation sans droit ni titre du domaine public fluvial du bateau " Monte Carlo " appartement à la société à responsabilité limitée Acrotère. D'autre part, le procès-verbal ne s'est pas prononcé sur la situation administrative du bateau mais a simplement constaté qu'il stationnait sans droit ni titre. Le moyen tiré de l'irrégularité ne peut dès lors qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative🏛 : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. / () La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / La notification indique à la personne poursuivie qu'elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. / Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance ". Le moyen tiré de ce que le procès-verbal aurait été notifié par une personne incompétente pour ce faire ne peut qu'être écarté par adoption des motifs retenus aux points 8 et 9 du jugement contesté.
4. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 4313-3 du code des transports🏛 : " Dans le cas où des atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine défini par le chapitre IV du présent titre ont été constatées, le directeur général de Voies navigables de France saisit la juridiction territorialement compétente, en lieu et place du préfet, dans les conditions et suivant les procédures prévues par le chapitre IV du titre VII du livre VII du code de justice administrative. / Il peut déléguer sa signature aux directeurs des services territoriaux de l'établissement. Ces derniers peuvent subdéléguer leur signature aux agents de l'établissement chargés de fonctions d'encadrement. ".
5. Par une décision du 1er février 2022 portant subdélégation de signature en matière de répression des atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine public fluvial, le directeur territorial bassin de la Seine et Loire aval de Voies navigables de France a donné délégation à M. G, adjoint à la secrétaire générale, à l'effet de signer notamment les mémoires de première instance relatifs à la répression des atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine public confié à cet établissement. Outre que cette décision ne prévoit pas de condition d'urgence, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E, que Mme H ou que Mme C n'auraient pas été absents ou empêchés.
6. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques🏛 : " Les riverains, les mariniers et autres personnes sont tenus de faire enlever les pierres, terres, bois, pieux, débris de bateaux et autres empêchements qui, de leur fait ou du fait de personnes ou de choses à leur charge, se trouveraient sur le domaine public fluvial. Le contrevenant est passible d'une amende de 150 à 12 000 euros, de la confiscation de l'objet constituant l'obstacle et du remboursement des frais d'enlèvement d'office par l'autorité administrative compétente. ".
7. La stationnement du bateau " Monte Carlo " sans droit ni titre sur le domaine public fluvial étant constitutif d'une contravention de grande voirie, la société à responsabilité limitée Acrotère n'est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques étaient inapplicables.
8. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que la société à responsabilité limitée Acrotère disposerait d'un double emplacement est dépourvu de toute pièce justificative, cette société reconnaissant au demeurant dans ses écritures que le bateau " Monte Carlo " stationnait sans autorisation.
9. En dernier lieu, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration pour contester la procédure d'établissement du procès-verbal, lequel n'est pas une décision individuelle.
10. Il résulte de ce qui précède que la société à responsabilité limitée Acrotère n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil l'a condamnée au paiement d'une amende de cent cinquante euros et lui a enjoint de procéder à l'enlèvement du bateau " Monte Carlo " du domaine public fluvial qu'elle occupe, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification du jugement.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. l'établissement public Voies navigables de France n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la société à responsabilité limitée Acrotère tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des dispositions précitées doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société à responsabilité limitée Acrotère le paiement d'une somme de 1 500 euros à verser à l'établissement public Voies navigables de France sur le fondement de ces mêmes dispositions.
Article 1er : La requête de la société à responsabilité limitée Acrotère est rejetée.
Article 2 : La société à responsabilité limitée Acrotère versera à l'établissement public Voies navigables de France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Acrotère et à l'établissement public Voies navigables de France.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2023.
Le rapporteur,Le président,
J.-F. DJ. LAPOUZADE
La greffière
C. POVSE
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.