TA Nice, du 17-05-2023, n° 2302320
A79249UZ
Référence
► N'est pas suspendue l'exécution de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes, en date du 15 mai 2023, portant interdiction de manifester sur la voie publique dans la commune de Cannes pendant la 76e édition du festival international du film de la ville.
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 et 16 mai 2023, l'association de défense des libertés constitutionnelles, le syndicat des avocats de France, le syndicat de la magistrature, et Mme D C, représentés par Me Soufron, demandent, dans le dernier état de leurs écritures, au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative🏛 :
1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté n° 2023-360 du 15 mai 2023 du préfet des Alpes-Maritimes portant interdiction de manifester sur la voie publique dans la commune de Cannes pendant le 76ème festival international du film de Cannes ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative🏛.
Les requérants soutiennent que :
- l'arrêté du 15 mai 2023 qui abroge et remplace l'arrêté du 11 mai 2023, attaqué initialement, a le même objet que ce dernier et est plus attentatoire encore aux libertés de réunion, de manifestation, d'expression ou d'aller et venir que ce dernier dans la mesure où il interdit les manifestations sur certaines plages ;
- la condition d'extrême urgence est remplie dès lors que l'arrêté porte dès aujourd'hui potentiellement atteinte aux droits et libertés de plusieurs dizaines de milliers de personnes qui fréquenteront la ville de Cannes pendant son application ; que le préfet ayant les moyens juridiques et matériels de lutter contre les manifestations qui, au cas par cas, porteraient atteinte à l'ordre public, aucune considération d'ordre public ne vient s'opposer à la suspension de son exécution ;
- l'arrêté du 15 mai 2023 porte donc une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2023, le préfet des Alpes-Maritimes conclut au non-lieu à statuer en conséquence de l'abrogation de l'arrêté n°2023-348 du 11 mai 2023 par l'arrêté n°2023-360 du 15 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné M. A pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique du 17 mai 2023, à 11heures, tenue en présence de Mme Diaw, greffière d'audience, M. A a lu son rapport et entendu :
- Me C qui substitue Me Soufron pour les requérants ;
- M. B, pour le préfet des Alpes-Maritimes.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Une note en délibéré a été déposée par Me Soufron pour les requérants et non communiquée.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. " ; aux termes de l'article L. 522-1 dudit code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique () " ; aux termes du premier alinéa de l'article R. 522-1 dudit code : " La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit () justifier de l'urgence de l'affaire. "
2. Lorsqu'un requérant fonde son action sur la procédure instituée par l'article L. 521-2 du code de justice administrative, il se doit de justifier de circonstances caractérisant une situation d'urgence particulière qui implique, sous réserve que les autres conditions posées par cette disposition soient remplies, qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans le très bref délai de 48 heures par le juge des référés.
3. Au cas d'espèce, pour justifier de l'urgence, les requérants, dont aucun n'a déposé ou aurait l'intention de déposer une déclaration de manifestation à brève échéance, se bornent à soutenir que " l'arrêté porte potentiellement atteinte aux droits et libertés de plusieurs dizaines de milliers de personnes qui fréquenteront la ville de Cannes pendant son application " et que sont interdites " les manifestations sur certaines plages, où [l'une des requérantes, Mme D C], est susceptible de se rendre pendant la durée du Festival ". Ces considérations générales sur de potentielles ou susceptibles atteintes aux droits fondamentaux des personnes présentes à Cannes ne sont pas de nature à établir que la condition d'urgence à 48 heures posée par l'article L. 521-2 du code de justice administrative est remplie.
4. Il ressort en outre des pièces du dossier que, dès lors que l'interdiction de manifester édictée par l'arrêté attaqué ne concerne qu'un périmètre restreint et clairement délimité autour du boulevard de la Croisette, lieu où se concentrent les festivaliers et le public, l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales n'est pas établie.
5. Il résulte de ce qui précède que la requête de l'association de défense des libertés constitutionnelles, du syndicat des avocats de France, du syndicat de la magistrature, et de Mme D C doit être rejetée.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance de référé, la partie perdante.
Article 1er : La requête de l'association de défense des libertés constitutionnelles, du syndicat des avocats de France, du syndicat de la magistrature, et de Mme D C est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association de défense des libertés constitutionnelles, au syndicat des avocats de France, au syndicat de la magistrature, à Mme C et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Fait à Nice, le 17 mai 2023.
Le juge des référés,
signé
P. A
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
ou par délégation, la greffière,
Article, L521-2, CJA Arrêté, 11-05-2023 Arrêté, 2023-360, 15-05-2023 Arrêté, 15-05-2023 Arrêté, 2023-348, 11-05-2023 Voie publique Liberté de réunion Moyens matériels Ordre public Atteinte grave à une liberté fondamentale Mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale Personne morale de droit public Service public Dépôt d'une déclaration Existence d'une atteinte