CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 73302
Ministre du budget
contre
Léonard
Lecture du 11 Juillet 1988
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 7 novembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat : °1) annule le jugement du tribunal administratif de Toulouse, en date du 2 juillet 1985, en tant que, par ce jugement, le tribunal a accordé à M. Léonard la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ce contribuable a été assujetti au titre des années 1976 et 1977 ; °2) rétablisse M. Léonard aux rôles de l'impôt sur le revenu à raison de l'intégralité des droits et pénalités qui avaient été maintenus à sa charge au titre de l'année 1976 et, au titre de l'année 1977, à raison de droits et pénalités correspondant à une base de 346 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat, - les observations de la S.C.P. Nicola y, avocat de M. Gilbert Léonard, - les conclusions de M. Le Roy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, pour accorder à M. Léonard la décharge du complément d'impôt sur le revenu et des pénalités auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1976, et de la fraction, maintenue à sa charge par le directeur des services fiscaux, du complément d'impôt sur le revenu et des pénalités auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1977, le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur ce que ces impositions auraient été établies à l'issue d'une vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble de M. Léonard entreprise en méconnaissance des prescriptions de l'article 1649 septiès du code général des impôts applicable en l'espèce, aux termes duquel : "Les contribuables peuvent se faire assister au cours des ... vérifications approfondies de leur situation fiscale d'ensemble d'un conseil et doivent être avertis de cette faculté, à peine de nullité de la procédure. Dans tous les cas, la procédure de vérification doit comporter l'envoi d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification en mentionnant expressément la faculté pour le contribuable de se faire assister par un conseil de son choix" ;
Considérant que, lorsqu'en application des dispositions précitées de l'article 1649 septies du code général des impôts, l'administration avise le contribuable qu'elle entreprend une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble, elle doit, avant d'effectuer, désormais, toute démarche tendant à recueillir, pour les besoins de cette vérification, des informations ou des documents soit auprès du contribuable lui-même, soit auprès de tiers, laisser à ce contribuable un délai suffisant pour lui permettre de s'assurer l'assistance d'un conseil de on choix ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 26 mars 1979, l'inspecteur a remis en mains propres à M. Léonard, au cours des opérations de vérification de la comptabilité de la société " Croissants-Service", dont il était le gérant, un avis l'informant qu'une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble des années 1975, 1976 et 1977 allait être entreprise, et mentionnant expressément qu'il aurait la faculté de se faire assister, à cette occasion, par un conseil de son choix ; que M. Léonard ne saurait prétendre qu'il n'a pas été avisé de cette faculté en temps utile, alors qu'il est constant que, s'il a poursuivi la vérification de la comptabilité de la société "Croissants-Service", l'inspecteur n'a effectué, avant que ne se soit écoulé un délai suffisant pour permettre au contribuable de s'assurer l'assistance d'un conseil de son choix, aucune démarche tendant à recueillir, auprès de lui ou auprès de tiers, des informations ou des documents pour les besoins de la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble annoncée ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit au moyen susanalysé de M. Léonard ; Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Léonard devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Sur les bases d'imposition :
Considérant que, pour apporter la preuve de l'exagération du montant des ressources non justifiées sur la base desquelles l'administration l'a taxé d'office en application des dispositions des articles 176 et 179, second alinéa, du code général des impôts, au titre de chacune des années 1976 et 1977, M. Léonard a, devant le tribunal administratif, contesté certains des éléments retenus par le vérificateur, et que, l'administration ayant reconnu fondées certaines de ses critiques et prononcé en cours d'instance un dégrèvement partiel au titre de l'année 1977, le seul désaccord subsistant se rapporte aux sommes de 226 500 F et 121 500 F, dont le contribuable soutient avoir disposé en espèces respectivement au 1er janvier de chacune des années d'imposition ; que, toutefois, la réalité de la détention de ces sommes n'est pas établie ; qu'ainsi, M. Léonard n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des bases d'imposition retenues en dernier lieu par l'administration ;
Sur les pénalités :
Considérant que l'administration, en se bornant à faire état de l'importance des ressources dont M. Léonard n'a pu justifier l'origine n'établit pas l'absence de bonne foi de celui-ci ; que, par suite, les intérêts de retard doivent être substitués aux majorations de 30 à 50 % appliquées aux droits en principal sur le fondement des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, dans la limite du montant de ces majorations ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est seulement fondé à demander que M. Léonard soit rétabli aux rôles de l'impôt sur le revenu au titre de chacune des années 1976 et 1977 à concurrence des droits qui avaient été maintenus à sa charge par le directeur des services fiscaux et que ces droits soient assortis d'intérêts de retard, dans des limites de 30 % au titre de l'année 1976 et de 50 % au titre de l'année 1977, et à solliciter la réformation, dans cette mesure, du jugement attaqué ;
Article ler : M. Léonard est rétabli aux rôles de l'impôt sur le revenu de chacune des années 1976 et 1977 à concurrence de suppléments de droits s'élevant, respectivement, à 19 602 F et à 104 282 F, et d'intérêts de retard liquidés dans la limite de, respectivement, 30 % et 50 % du montant de ces droits.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse, du 2 juillet 1985, est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de l'économie, des finances et du budget est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Léonard et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget.