Jurisprudence : Cass. com., 11-05-2023, n° 21-25.556, F-D, Rejet

Cass. com., 11-05-2023, n° 21-25.556, F-D, Rejet

A33789UN

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:CO00338

Identifiant Legifrance : JURITEXT000047570939

Référence

Cass. com., 11-05-2023, n° 21-25.556, F-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/95965924-cass-com-11052023-n-2125556-fd-rejet
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Abstract

► Dans le cadre d'un prêt brasseur, le sous-cautionnement consenti par une personne physique au bénéfice du brasseur caution solvens doit être proportionné aux biens et revenus de la sous-caution ; L'existence d'une fiche de renseignements certifiée exacte par la sous-caution a pour effet de dispenser la caution, qui, sauf anomalies apparentes, est en droit de s'y fier, de vérifier l'exactitude des déclarations qu'elle contient.


COMM.

DB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2023


Rejet


M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 338 F-D

Pourvoi n° N 21-25.556


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 MAI 2023


M. [Aa] [Ab], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 21-25.556 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Heineken entreprise, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation .

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [Ab], de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de la société Heineken entreprise, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris,13 septembre 2021), la société Banque CIC Est (la banque) a consenti à la société Gaîté Invest un prêt de 75 400 euros au taux de 5,90 %, garanti par le cautionnement solidaire de la société Heineken entreprise (la société Heineken). Par un acte du 2 décembre 2011, M. [Ab], dirigeant de la société Gaîté Invest, s'est rendu caution au profit de la société Heineken dans la limite de 90 480 euros. La société Gaîté Invest n'honorant plus les échéances de son prêt, la société Heineken a payé à la banque la somme de 64 509,53 euros, puis a assigné en paiement M. [Ab], qui lui a opposé la disproportion manifeste de son engagement.


Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. M. [Ab] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir juger que le sous-cautionnement qu'il a consenti à la société Heineken le 2 décembre 2011 était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, de juger que la société Heineken pouvait se prévaloir du sous-cautionnement et de rejeter toutes ses demandes à son encontre, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 341-4 du code de la consommation🏛, alors applicable, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; qu'au sens de ce même texte, le créancier professionnel n'est pas nécessairement un dispensateur de crédit, et s'entend de toute personne dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale ; qu'en retenant néanmoins, pour estimer que M. [Ab] ne pouvait se prévaloir à l'égard de la société Heineken du caractère disproportionné du sous-cautionnement qu'il lui avait consenti le 2 décembre 2011, que cette société n'avait pas agi en qualité de dispensateur de crédit, la cour d'appel s'est déterminée par un motif impropre à caractériser l'absence de qualité de créancier professionnel de cette société et, partant, a violé le texte susvisé ;

2°/ qu'une caution bénéficiaire d'un sous-cautionnement doit être regardée comme titulaire à l'égard de la sous-caution, dès la conclusion du sous-cautionnement, d'une créance de remboursement des sommes dues au débiteur principal, peu important que le règlement de cette créance ne puisse être obtenu par la caution qu'après son propre paiement au débiteur principal ; qu'il suit de là que la caution professionnelle bénéficiant d'un sous-cautionnement doit être regardée, à l'égard de la sous-caution, comme un créancier professionnel au sens de l'article L. 341-4, alors applicable, et peut ainsi se voir opposer le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de sous-caution ; que la cour d'appel a constaté que M. [Ab] s'était engagé en qualité de sous-caution au profit de la société Heineken, caution des engagements de la société à l'égard de la banque, ce dont il résultait que la société Heineken devait être regardée comme titulaire à l'égard de M. [Ab], dès la conclusion du sous-cautionnement, d'une créance de remboursement des sommes dues à la banque, et que la société Heineken avait ainsi à l'égard de M. [Ab] la qualité de créancier professionnel, pouvant se voir opposer le caractère disproportionné du sous-cautionnement souscrit ; qu'en retenant néanmoins, pour estimer que M. [Ab] ne pouvait se prévaloir à l'égard de la société Heineken du caractère disproportionné du sous-cautionnement, que cette dernière société ne disposait au jour de la conclusion du sous-cautionnement d'aucune créance et ne pouvait être regardée comme créancier professionnel, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé derechef le texte précité, ensemble les articles 2305 et 2306 du code civil🏛🏛, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021🏛. »


Réponse de la Cour

3. L'arrêt retient, par motifs non contraires à ses propres motifs et réputés adoptés, qu'au regard d'un total de revenus et de patrimoine déclarés de 102 979 euros au jour de l'engagement litigieux, M. [Ab] ne démontre pas l'existence d'une disproportion manifeste de son engagement de sous-caution, limité à 90 480 euros.

4. La cour d'appel ayant, par ces seuls motifs, légalement justifié le rejet de la demande de M. [Ab] tendant à voir dire que son engagement de sous-caution était disproportionné à ses biens et revenus et que la société Heineken ne pouvait donc s'en prévaloir, le moyen, qui critique des motifs surabondants, est inopérant.


Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. M. [Ab] fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que le caractère manifestement disproportionné d'un cautionnement doit être apprécié, non pas seulement en prenant en compte les biens et revenus de la caution, mais en prenant aussi en considération son endettement global, y compris celui résultant de prêts ou d'engagements de caution antérieurs ; qu'à supposer adoptés les motifs du jugement de première instance, par lesquels il a été décidé que M. [Ab], en sa qualité de sous-caution engagée au profit de la société Heineken, ne justifiait pas du caractère manifestement disproportionné de la garantie souscrite au regard de ses ressources, la cour d'appel, en se bornant, pour statuer de la sorte, à prendre en compte les biens et revenus de M. [Ab] tels que déclarés dans la fiche patrimoniale sollicitée par la société Heineken, sans prendre en considération, comme l'y invitait pourtant la sous-caution, son endettement global, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation, alors applicable ;

2°/ que le caractère manifestement disproportionné d'un cautionnement devant être apprécié en prenant en considération l'endettement global du garant, il doit être tenu compte de la connaissance personnelle, par le bénéficiaire du cautionnement, dudit endettement, au-delà même de la déclaration patrimoniale remplie par la caution ; que, par ses dernières écritures d'appel, M. [Ab], en sa qualité de sous-caution engagée au profit de la société Heineken, avait notamment fait valoir qu'en dépit des omissions de la fiche patrimoniale remplie par lui à la demande de cette dernière, il devait être tenu compte de la connaissance, par ladite société, de son inscription au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers et, par suite, de son endettement antérieur, résultant de divers prêts dont les défauts de paiement avaient donné lieu à incident ; qu'à supposer adoptés les motifs du jugement de première instance, par lesquels il a été décidé que M. [Ab], en sa qualité de sous-caution engagée au profit de la société Heineken, ne justifiait pas du caractère manifestement disproportionné de la garantie souscrite au regard de ses ressources, la cour d'appel, en se bornant, pour statuer de la sorte, à prendre en compte les biens et revenus de M. [Ab] tels que déclarés dans la fiche patrimoniale sollicitée par la société Heineken, sans vérifier, comme l'y invitait pourtant la sous-caution, si la société Heineken n'avait pas une connaissance personnelle de l'inscription de M. [Ab] au fichier susmentionné et, par suite, d'endettements antérieurs de la sous-caution, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4, alors applicable. »


Réponse de la Cour

6. L'existence d'une fiche de renseignements certifiée exacte par la caution a pour effet de dispenser le créancier, qui, sauf anomalies apparentes, est en droit de s'y fier, de vérifier l'exactitude des déclarations qu'elle contient.

7. L'arrêt relève, par motifs adoptés, que M. [Ab] avait rempli, le 20 novembre 2011, une fiche patrimoniale dans laquelle il indiquait percevoir 42 000 euros de revenus annuels, disposer d'un compte courant d'un montant de 10 979 euros et détenir des actions dans le capital de la société Gaîté Invest d'une valeur de 50 000 euros.

8. Ayant ainsi fait ressortir qu'au regard des seuls éléments portés à la connaissance de la société Heineken par la fiche patrimoniale, le cautionnement n'était pas manifestement disproportionné aux biens et revenus de M. [Ab], la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à des conclusions inopérantes sur l'existence d'emprunts souscrits par M. [Ab] et non déclarés par ce dernier dans cette fiche, en l'absence d'offre de preuves de nature à démontrer que la société Heineken avait une connaissance personnelle de ces emprunts, a légalement justifié sa décision.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [Ab] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par M. [Ab] et le condamne à payer à la société Heineken entreprise la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-trois.

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