SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et
de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées
des parties.
La SAS Orefi Orientale et Financière (Orefi), immatriculée le 29 décembre 1994
au registre du commerce et des sociétés de Bobigny, a pour activités toutes
prestations de service en matières commerciale, administrative, financière,
comptable, informatique et de conseils. Elle est présidée par M. [Y]-[Z] [S],
lequel a notamment fondé la société vente-privee.com.
La SAS La Petite Reine a pour activité la production, la distribution,
l'édition et la diffusion d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Aa.
[J] [Ab] dirige cette société et détient la quasi-totalité du capital social.
La SAS La Petite Reine Production, détenue intégralement par M. [Ab], a la même
activité que la société La Petite Reine.
Pour financer le développement et la production de leurs films, les sociétés
La Petite Reine et La Petite Reine Production, à l'instar d'autres producteurs
français, nouent de nombreux partenariats avec des investisseurs, acteurs du
monde audiovisuel ou investisseurs indépendants.
Le 16 octobre 2014, les sociétés Orefi et La Petite Reine Production ont signé
un contrat d'investissement portant sur le projet de film intitulé « Nos
femmes ».
Ce contrat prévoyait l'apport, par la société Orefi, en tant qu'investisseur
financier, d'une participation d'un montant de 750.000 euros, et en
contrepartie un droit à recettes égal à :
- 25% des recettes brutes jusqu'à récupération de l'investissement initial,
- 25% des recettes nettes part producteur résiduelles après amortissement du
coût du film.
Le même jour (16 octobre 2014), les sociétés Orefi et La Petite Reine
Production ont signé un autre contrat d'investissement portant sur le projet
de film intitulé « Un moment d'égarement ».
Ce contrat comme le précédent, prévoyait l'apport, par la société Orefi, en
tant qu'investisseur financier, d'une participation d'un montant de 750 000
euros, et en contrepartie un droit à recettes égal à :
- 25% des recettes brutes France et nettes résiduelles sur l'international
jusqu'à récupération de l'investissement initial,
- 25% des recettes nettes part producteur résiduelles après amortissement du
coût du film.
Les films « Nos femmes » et « Un moment d'égarement » sont sortis en salles
respectivement les 29 avril 2015 et 24 juin 2015.
Le 13 novembre 2015, la société Orefi a reçu un versement de 75 000 euros au
titre de sa part sur les recettes du film « Nos femmes », le film réalisant
387 946 entrées.
Les 7 janvier 2016 et 16 mars 2016, la société Orefi a également reçu de la
société La Petite Reine Production deux paiements de 12 806 euros et de 152
357 euros au titre de sa part sur les recettes du film « Un moment d'égarement
», le film réalisant 890 541entrées.
Invoquant une obligation morale de M. [Aa] [Ab] qui se serait engagé à la
couvrir de toute perte sur investissement sur l'exploitation de ces films par
la signature d'un accord sur un calendrier de paiement tandis que M. [Ab] lui
aurait donné des informations mensongères, les films, eu égard à leurs budgets
très élevés, ne pouvant être amortis qu'avec un minimum de 2 millions
d'entrées par film, seuil rarement atteint par les films français, la société
Orefi a fait assigner, par actes du 14 février 2018, M. [Ab] et la société La
Petite Reine devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal
judiciaire, de Paris en remboursement des investissements versés, soit
1.259.837 euros, ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts pour résistance
abusive.
La société La Petite Reine Production est intervenue volontairement à
l'instance pendante devant le tribunal.
Par jugements du 27 février 2018, le tribunal de commerce de Paris a ouvert
une procédure de sauvegarde à l'égard de la société La Petite Reine et de la
société La Petite Reine Production.
Par ordonnance du 8 octobre 2018, le juge-commissaire à la procédure de
sauvegarde de la société La Petite Reine a fait droit à la demande de relevé
de forclusion formalisée par la société Orefi pour déclarer sa créance.
Selon lettres recommandées avec accusé de réception des 19 octobre et 10
novembre 2018, la société Orefi a respectivement déclaré sa créance au passif
de la procédure collective des sociétés La Petite Reine Production et La
Petite Reine à hauteur de 1'373 687,90 euros.
Par ordonnance du 24 janvier 2019, le juge de la mise en état a débouté Ab. [L]
de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive
quant à la recevabilité de la déclaration de créance de la société Orefi à la
procédure collective de la société La Petite Reine Production.
Par ordonnance du 16 mai 2019, le juge de la mise en état, après avoir
recueilli l'accord des parties, a désigné un médiateur judiciaire, mais cette
mesure n'a pas abouti.
Par jugements du 8 octobre 2019, le tribunal de commerce de Paris a arrêté
les'plans de sauvegarde de la société La Petite Reine et de la société La
Petite Reine Production, désignant la S.E.L.A.R.L. BCM prise en la personne de
Me [G] en qualité de commissaire à l'exécution du plan et maintenant la Selafa
MJA en la personne de Me [W] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement dont appel, le tribunal judiciaire de Paris a':
- déclaré la société La Petite Reine Production recevable en son intervention
volontaire,
- déclaré irrecevable la demande de la société Orefi en fixation de sa
créance au passif de la procédure collective de la société La Petite Reine,
- débouté la société Orefi de ses autres demandes,
- condamné la société Orefi aux dépens, lesquels pourront être recouvrés,
pour ceux le concernant, par Me Vincent Gallet, avocat, conformément aux
dispositions de l'
article 699 du code de procédure civile🏛,
- condamné la société Orefi à payer à M. [Aa] [Ab] et à la société La Petite
Reine 5.000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de
procédure civile,
- condamné la société Orefi à payer à S.E.L.A.F.A MJA, prise en la personne
de Me [W], es qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de
la société La Petite Reine, 3 000 euros en application de l'article 700 du
code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
A l'audience de plaidoiries en date du 9 novembre 2022, sur interrogation de
la cour, la société Orefi a précisé ne pas avoir fait signifier sa déclaration
d'appel dans le délai imparti par l'avis d'avoir à signifier adressé par le
greffe le 18 mai 2021, la Selafa MJA, ès qualités de mandataire judiciaire de
la société La Petite Reine, n'ayant pas constitué avocat. Elle ajoute n'avoir
pas plus fait signifier à la partie défaillante ses premières conclusions
d'appel. Aucune note en délibéré n'a été adressée par les parties au plus tard
le 23 novembre 2021 pour présenter des observations sur la caducité de la
déclaration d'appel à l'égard de la Selafa MJA, ès qualités, soulevée par la
cour.
En conséquence, il y a lieu de déclarer caduque la déclaration d'appel en date
du 7 avril 2021 de la société Orefi à l'égard de la Selafa MJA, ès qualités de
mandataire judiciaire de la société La Petite Reine.
La cour constate par ailleurs que la société La Petite Reine production qui
était intervenue volontairement en première instance n'a pas été intimée par
la déclaration d'appel en date du 7 avril 2021 de la société Orefi et n'est
dons pas partie à l'instance d'appel.
La société Orefi a relevé appel du jugement du tribunal judiciaire de Paris
précité et par ses dernières conclusions demande à la cour de':
- constater que la déclaration de créances de la société Orefi dans la
procédure collective de la société La Petite Reine vise bien la présente
action et concerne une créance qui n'est pas de nature contractuelle';
- constater que M. [Ab] en son nom personnel et celui de la société La Petite
Reine a contracté une obligation naturelle de couvrir les pertes sur
l'intégralité de son investissement à la société Orefi';
- constater que son engagement est unilatéral, libre et non équivoque';
- constater que ladite obligation s'est transformée en obligation civile au
plus tard le 20 juin 2015 par l'engagement unilatéral de volonté de M. [Ab].
En conséquence,
- réformer le jugement entrepris d'une part en ce qu'il a déclaré la société
Orefi irrecevable en sa demande de fixation de créance à la procédure
collective de la société La Petite Reine ;
- réformer le jugement entrepris d'autre part en ce qu'il a considéré que
l'engagement de M. [Ab] n'était pas libre ni suffisamment précis';
- réformer le jugement entrepris enfin en ce qu'il a condamné la société
Orefi à la prise en charge des frais irrépétibles';
Ce faisant,
- condamner M. [Ab] et la société La Petite Reine solidairement au paiement de
la somme de 1 259 837 euros au titre de l'obligation civile contractée';
- dire que cette somme sera assortie d'un intérêt légal de 3% l'an à compter
du 23 octobre 2015 et condamner M. [Ab] au paiement du montant du principal à
parfaire au jour de l'arrêt au titre de cet intérêt';
- condamner M. [Ab] au paiement de la somme de 20 000 euros en réparation du
préjudice moral subit par la société Orefi';
- condamner M. [Ab] au paiement de la somme de 30 000 euros au titre de
l'
article 700 du code de procédure civile🏛 et aux entiers dépens distraits au
profit de Me Jean-Jacques Fanet sous sa due affirmation.
Dans leurs dernières conclusions, M. [Ab] et la société La Petite Reine,
intimées, demandent à la cour de':
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Ce faisant,
- déclarer irrecevable sinon mal fondée la demande de la société Orefi en
fixation de sa créance au passif de la procédure collective de la société La
Petite Reine ;
- déclarer mal fondée la demande de la société Orefi à l'encontreAade M.Ab[J]
[L] ;
- juger à ce titre qu'aucun engagement unilatéral ne lie M. [Aa] [Ab] ;
- juger sinon qu'aucun accord de volonté n'est intervenu entre, d'une part,
Orefi et d'autre part, M. [Aa] [Ab] et La Petite Reine;
- prononcer sinon la nullité de l'engagement de M. [Aa] [Ab] ou de La Petite
Reine ;
- juger plus subsidiairement que la société Orefi n'administre pas la preuve
de l'engagement de M. [Aa] [Ab] ;
- débouter en toute hypothèse la société Orefi de toutes ses demandes à
l'encontre de M. [Aa] [Ab] et de la société La Petite Reine ;
Et y ajoutant :
- condamner la société Orefi à verser à chacun des défendeurs la somme de 10
000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur
d'appel ;
- condamner la société Orefi aux entiers dépens de première instance et
d'appel dont distraction au profit de Me Arnaud Métayer-Mathieu.
Il convient à titre liminaire de préciser qu'il ressort du jugement du
tribunal de commerce de Paris du 8 octobre 2019 arrêtant le plan de sauvegarde
de la société La Petite Reine que celle-ci, créée en 1995, avait initialement
pour activité le développement des activités de production, d'édition et de
distribution de films et d'œuvres audio-visuelles avant d'être scindée par son
dirigeant et actionnaire, M. [Ab], en deux structures distinctes, la société La
Petite Reine qui conserve la gestion du catalogue des films existants et la
société La Petite Reine Production qui gère l'activité de production des
nouveaux longs métrages dont les films « Nos femmes'» et «'Un moment
d'égarement'» objets des contrats conclus entre la société Orefi et la seule
société La Petite Reine Production.
Sur la recevabilité de la société Orefi à agir contre la société La Petite
Reine
- Sur la recevabilité de la demande de la société Orefi de fixation de sa
créance au passif de la procédure collective de la société La Petite Reine.
Par jugement du 27 février 2018, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une
procédure de sauvegarde à l'égard de la société La Petite Reine.
Par ordonnance du 8 octobre 2018, le juge-commissaire à la procédure de
sauvegarde de la société La Petite Reine a fait droit à la demande de relevé
de forclusion formalisée par la société Orefi pour déclarer sa créance.
Le jugement du tribunal de commerce de Paris le 8 octobre 2019 arrêtant le
plan de sauvegarde de la société La Petite Reine et fixant sa durée à 10 ans,
mentionne la créance de la société OREFI objet du présent litige dans la
rubrique «'créances soumises aux délais du plan'» avec un accord exprès à
l'option 1 soit le règlement de 100% des créances selon un échéancier
progressif sur 10 ans.
Bien que dans ses dernières écritures devant la cour, la société Orefi
sollicite la condamnation solidaire de M. [Ab] et de la société La petite Reine
à lui payer la somme de 1'259'837 euros, les appelants opposent à la société
Orefi une fin de non-recevoir à sa demande de fixation de créance à la
procédure collective de la société La petite Reine fondée sur le principe
d'immutabilité de la déclaration de créance qui requiert que la créance qui
fonde l'action judiciaire soit la même que celle ayant été déclarée à la
procédure collective.
Il n'est pas discuté que le plan de sauvegarde de la société La Petite Reine
arrêté par décision du tribunal de commerce de Paris en date du 8 octobre 2019
est toujours en cours et que la créance en litige dont se prévaut la société
Orefi est née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure
collective du 27 février 2018.
Selon la déclaration de créance en date du 10 novembre 2018 adressée par le
conseil de la société Orefi à Me [W] de la Selafa MJA, ès qualités de
mandataire judiciaire de la société La Petite Reine, celle-ci porte sur la
somme de 1'373'687,90 euros et, s'agissant de l'origine de la créance, après
un rappel des accords contractuels liant la société Orefi et la société La
Petite Reine Production, la déclarante vise la procédure judiciaire alors en
cours devant le tribunal de grande instance de Paris, initiée par la société
Orefi contre la société La Petite Reine Production et M. [Ab] par acte en date
du 14 février 2018.
Si la déclaration de créance fait référence, ainsi que le font valoir les
intimés, aux engagements contractuels liant la société Orefi et la société La
Petite Reine Production et les investissements consentis à ce titre par la
société Orefi pour les films «'nos femmes'» et «'un moment d'égarement'» qui
devaient selon elle lui être remboursés avant le 23 février 2016, ce rappel
tend à expliciter les circonstances qui ont amené le société Orefi à
introduire la procédure devant le tribunal judiciaire de Paris contre Ab. [L]
et la société La Petite Reine dont l'assignation est jointe à la déclaration
de créance, assignation (pièce 11 [Ab] - La Petite Reine) qui fait bien
référence à une obligation naturelle qui se serait transformée en obligation
civile dont serait débitrice la société La Petite Reine et M. [Ab], ce pour une
somme de 1'259'837 euros.
La circonstance que la déclaration de créance à la procédure collective de la
société La Petite Reine Production soit identique à la déclaration de créance
ci-avant rappelée est indifférente, la procédure judiciaire en cours dont il
est fait état et fondant la déclaration de créance, étant celle initiée par
acte en date du 14 février 2018 sur le fondement de l'existence d'une
obligation civile à la charge notamment de la société La Petite Reine.
De même, le fait que la société Orefi a confondu les sociétés La Petite Reine
et la société La Petite Reine Production et a indiqué au juge de la mise en
état avoir eu l'intention d'assigner la société La Petite Reine Production et
non la société La Petite Reine est inopérant, l'assignation devant le tribunal
délivrée à la société La Petite Reine qui s'est alors constituée en défense,
ayant pour fondement une obligation civile.
Aussi, la déclaration de créance de la société Orefi vise bien la présente
procédure qui a pour fondement une obligation naturelle muée en obligation
civile, et celle-ci doit être considérée comme recevable à solliciter la
fixation de sa créance au passif de la procédure collective de la société La
Petite Reine.
- Sur l'irrecevabilité de la société Orefi en raison du principe de
l'estoppel
Les appelants font alors valoir que la société Orefi ayant affirmé tant devant
le juge de la mise en état que devant le juge commissaire à la procédure de
sauvegarde de la société La Petite Reine avoir voulu attraire devant le
tribunal de grande instance de Paris la société La Petite Reine Production et
non la société La Petite Reine qui lui est étrangère (pièces 12 et 17), ne
peut se contredire au détriment d'autrui et vouloir désormais agir contre la
société La Petite Reine, alors que l'action contre la société La Petite Reine
Production lui est fermée faute de déclaration de créance recevable au passif
de la procédure collective de cette dernière.
Le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui
suppose que les prétentions de la partie à laquelle la fin de non-recevoir est
opposée induisent l'adversaire en erreur sur les intentions de son auteur.
La seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui
n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir, en particulier lorsque les
actions engagées ne sont ni de même nature, ni fondées sur les mêmes
conventions et n'opposent pas les mêmes parties.
Or, ainsi qu'il a été rappelé, l'assignation devant le tribunal de grande
instance de Paris en date du 14 février 2018 visait la société La Petite
Reine, qui s'est d'ailleurs constituée en défense. La circonstance que la
société Orefi a ensuite précisé avoir eu l'intention d'assigner la société La
Petite Reine Production qui est alors intervenue volontairement à la procédure
devant le tribunal, ne rend pas les demandes de la société Orefi formées
contre la société La Petite Reine irrecevables, la société Orefi n'ayant pas
modifié ses prétentions à l'égard de celle-ci. De même, la demande en
rectification d'erreur matérielle formée par la société Orefi devant le juge
commissaire de la procédure collective de la société La Petite Reine tendant à
ce que l'ordonnance du 8 octobre 2018 faisant droit à la demande de relevé de
forclusion formalisée par la société Orefi pour déclarer sa créance à la
procédure collective de la société La Petite Reine vise la société La petite
Reine Production est indifférente ne concernant pas une action de même nature.
Aussi, la fin de non-recevoir opposée par la société La Petite Reine et Ab. [L]
doit être rejetée.
- Sur le défaut d'intérêt à agir de la société Orefi contre la société La
Petite Reine
La société La Petite Reine oppose enfin à la société Orefi une fin de non-
recevoir faute d'intérêt au motif que la société Orefi a noué des relations
contractuelles avec la seule société La Petite Reine Production et que Ab. [L]
ne saurait engager la société La Petite Reine qu'il dirige par l'envoi de SMS
personnels ce quand bien même la cession de cette dernière société et de son
catalogue était envisagée par M. [Ab] pour dégager des liquidités.
Selon l'
article 31 du code de procédure civile🏛, l'action est ouverte à tous
ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous
réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules
personnes qu'elle qualifié pour élever ou combattre une prétention ou pour
défendre un intérêt déterminé.
Ainsi qu'il a été ci-avant rappelé, la société Orefi a attrait M. [Ab] et la
société La Petite Reine dont ce dernier est le dirigeant pour les voir
condamner solidairement à lui rembourser les investissements qu'elle a
effectués pour la production des films «'Un moment d'égarement'» et «'Nos
femmes'» se fondant sur une obligation naturelle muée en obligation civile de
M. [Ab] et de la société qu'il dirige.
La société Orefi a bien effectué les investissements dont elle sollicite le
remboursement et son intérêt à agir contre le dirigeant de la société La
Petite Reine Production qui gère l'activité de production des nouveaux longs
métrages dont les films « Nos femmes'» et «'Un moment d'égarement'» avec
laquelle elle avait contracté n'est pas contesté. La société Orefi a donc
également intérêt à agir contre la société La Petite Reine qui gère le
catalogue des films précédents et dont la cession a été évoquée par son
dirigeant pour obtenir des liquidités pour effectuer les remboursements,
l'intérêt à agir n'étant pas subordonné à la démonstration du bien-fondé de
l'action.
La fin de non-recevoir fondée sur le défaut d'intérêt à agir doit également
être écartée.
La société Orefi sera en conséquence considérée comme recevable à agir contre
la société La Petite Reine et le jugement infirmé de ce chef.
Sur l'obligation naturelle muée en obligation civile de M. [Ab] et de la
société La Petite Reine à l'égard de la société Orefi
La société Orefi critique le jugement déféré qui a rejeté sa demande aux
motifs qu'elle avait échoué à démontrer un engagement unilatéral et
suffisamment précis de la part de M. [Ab] ce en raison d'une analyse partielle
et erronée par le tribunal des échanges de SMS produits au débats. Elle fait
valoir qu'une lecture attentive de ces échanges démontre que l'engagement de
M. [Ab] pris pour lui-même et sa société ressort d'un consentement libre,
éclairé et précis.
Il y a obligation naturelle chaque fois qu'une personne s'oblige envers une
autre ou lui verse une somme d'argent non sous l'impulsion d'une intention
libérale, mais afin de remplir un devoir impérieux de conscience et d'honneur.
L'exécution volontaire ou la promesse d'exécution transforme l'obligation
naturelle en obligation civile. Il doit être démontré un engagement personnel
et non équivoque d'exécuter l'obligation naturelle.
Pour soutenir l'existence d'une obligation naturelle de M. [Ab] et de la
société La Petite Reine qui se serait transformée en obligation civile ce qui
confèrerait à la société Orefi le droit d'agir à leur encontre, cette dernière
se fonde sur plusieurs échanges de SMS entre M. [Ab] et M. [Y]-[Z] [S],
dirigeant de la société Orefi, constatés par huissier de justice sur le
téléphone mobile de M. [S] selon procès-verbal de constat en date du 30 mai
2017.
Une lecture attentive par la cour de ces nombreux SMS qui ont été échangés
entre le 1er janvier 2013 et le 5 octobre 2016, montre que M. [Ab] s'est
rapproché de M. [S] qui est l'un de ses amis, pour lui proposer d'investir
dans la production de certains de ses films ce que ce dernier a accepté par
l'intermédiaire de la société Orefi, les messages suivants évoquant un succès
mitigé des films et des discussions s'engageant entre M. [Ab] et M. [S] autour
d'une proposition de ce dernier sur certaines conditions de rémunération des
parties (investissements couverts dans leur globalité quel que soit le
résultat des films coproduits, que soient capés à deux fois la totalité des
investissements en cas de succès important du film «'un moment d'égarement'»,
engagement sur un échéancier de remboursement et un cliquet bonus de 500'000
euros s'il existe un nombre d'entrée exceptionnel du film «'un moment
d'égarement'» - message du 20 juin 2015 à 9h06 capture 27 du procès-verbal),
proposition à laquelle M. [Ab] n'adhère pas totalement répondant revenir avec
une proposition «'au plus près possible de ton texto'» (capture 31 du procès-
verbal).
Par SMS du 26 juillet 2015 M. [Ab] indique': «'la première vie des deux films
ne couvrira pas nos investissements par contre ils auront dans le futur après
les diff tv ds 4 ans cela fait beaucoup trop long pour vous et je me suis
engagé à ce qu'il n'y est (sic) pas de perte et je tiendrai parole je
comprends que tu souhaites maintenant un échéancier et des réponses plus
précises ... et saches que je me prépare je cherche des liquidités entre
autres pour les pertes à couvrir à ce sujet je cherche comme je te l'ai dit à
faire une opération de titrisation de mon catalogue ou de vente et également
de vendre une œuvre ...'», les deux interlocuteurs évoquant ensuite la mise en
place d'une échéancier pour rembourser l'investissement consenti le plus
rapidement possible.
Au mois d'août 2015, M. [Ab] précise «'maintenant pour toutes ces raisons je
mets un point d'honneur à ce que cette fois ci il n'y est (sic) pas de
pertes...'» (capture 48 du procès-verbal) et indique «'je vous paierai avant
mais nous devons faire un contrat le nôtre ne prévoyait pas cette garantie il
faut aussi que je récupère vos parts dans le futur ...'» (captures 49 et 50 du
procès-verbal). Il explique au mois d'octobre ne pas être payé par son
distributeur (SMS 13 octobre 2015 capture 57 du procès-verbal) et faire de son
mieux en vendant le catalogue «'pour être liquide et tout vous rembourser ...
je n'ai pas de treso perso en liquide pour avancer en compte courant cela mais
l'argent va arriver ce n'est qu'une question de retard'» (capture 60 du
procès-verbal).
Les échanges suivants marquent une dégradation des relations entre M. [S] et
M. [Ab], le premier insistant sur sa volonté de recouvrer au plus vite les
sommes investies par amitié, évoquant une «'escroquerie à l'affect'» deAbM.
[L], ce dernier évoquant plusieurs pistes pour recouvrer des liquidités (vente
de catalogue, garantie d'un tableau). M. [S] mentionne également des solutions
telles un échéancier, passer une partie sur Star 80, garantie d'un tableau
(SMS du 1er décembre 2015 capture 72 du procès-verbal), M. [Ab] rappelant de
son côté à son interlocuteur qu'il a procédé à un investissement et non à un
prêt, vouloir rendre les investissements consentis «'pour démontrer que je ne
suis pas un escroc et honorer la confiance que vous m'avez prêté'» (SMS du 29
octobre 2015) ou «' je me suis promis à moi-même de vous prouver que j'ai une
parole qu'elle a beaucoup de valeur à mes yeux'» (SMS du 16 avril 2016) ou
encore «'j'ai dit que lorsque j'aurai de l'argent cash ce qui n'est pas le cas
encore j'aurai le c'ur de réparer des pertes pour m'excuser de vous avoir
proposé cet investissement qui finit mal Je te répète que je souhaite le faire
et que rien de m'y oblige'» (SMS du 6 mai 2016).
Ces échanges témoignent d'une incompréhension de M. [S] de ne pouvoir
récupérer rapidement le capital qu'il a investi par l'intermédiaire de la
société Orefi dans la production des deux films «'Les Femmes'» et «'Un moment
d'égarement'» qui n'ont pas rencontré le succès attendu en salles et des
efforts de M. [Ab] pour essayer de trouver une solution financière pour
permettre à son ami de récupérer les sommes investies sans pour autant qu'il
puisse en être déduit un engagement libre et précis de M. [Ab] à titre
personnel ou au nom de la société La Petite Reine de rembourser les sommes
investies.
En effet, dans le cadre de ces échanges, M. [Ab] répondant aux sollicitations
répétées de M. [S] qui le qualifie d'escroc, évoque les diverses solutions
envisagées telles la mise en place d'un échéancier, les directeurs financiers
des sociétés des deux correspondants devant se rencontrer, la vente d'un
catalogue pour pouvoir obtenir des liquidités et les apporter en compte
courant, voir la mise en garantie d'une œuvre d'art, tout en sollicitant la
formalisation d'une convention, sans qu'il puisse en être déduit un engagement
précis émanant de M. [Ab] personnellement, étant relevé que celui-ci évoque à
de nombreuses reprises le remboursement des investissements grâce aux recettes
du film qui sont perçues par la société La Petite Reine Production. La
circonstance que M. [S] a investi les sommes en cause sur sollicitation de Ab.
[L] est indifférente à caractériser une obligation naturelle de ce dernier qui
se serait transformée en obligation civile.
De même le SMS du 20 juin 2015 précité de M. [S] proposant que les
investissements soient couverts dans leur globalité quel que soit le résultat
des films coproduits, que soient plafonnés à deux fois la totalité des
investissements en cas de succès important du film «'un moment d'égarement'»,
qu'il y ait une engagement sur un échéancier de remboursement et un cliquet
bonus de 500.000 euros s'il existe un nombre d'entrée exceptionnel du film
«'Un moment d'égarement'», ne suffit pas à établir, ainsi que le soutient à
tort la société Orefi, la transformation de l'obligation naturelle à supposer
démontrée de M. [Ab] en obligation civile. En effet, les échanges qui ont suivi
constituent des négociations entre deux parties ainsi que précédemment relevé,
et ne caractérisent pas un engagement unilatéral de M. [Ab] à titre personnel
ni au nom de la société La Petite Reine à rembourser les investissements
consentis par la société Orefi au profit de la société La Petite Reine
Production.
Aucun engagement personnel et non équivoque de M. [Ab] à titre personnel ou au
nom de la société La Petite Reine d'exécuter l'obligation naturelle à supposer
établie de permettre à son ami M. [S] de recouvrer les sommes qu'il a
investies n'est caractérisé.
La société Orefi doit donc être déboutée de l'ensemble de ses demandes formées
tant à l'encontre de M. [Ab] que de la société La Petite Reine.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté les
demandes à ce titre de la société Orefi.
Sur les autres demandes
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement concernant
les frais irrépétibles et les dépens.
L'équité commande de condamner la société Orefi à payer à M. [Aa] [Ab] et à la
société La Petite Reine une indemnité complémentaire de 5 000 euros, à chacun,
au titre des frais irrépétibles d'appel.
La société Orefi qui succombe supportera les dépens d'appel qui seront
recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure
civile.