SOC.
BD4
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 mai 2023
Cassation partielle sans renvoi
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 510 F-D
Pourvoi n° Z 21-17.011
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION,
CHAMBRE SOCIALE, DU 10 MAI 2023⚖️
La société PSA automobiles, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2] et ayant un établissement [Adresse 4],a formé le pourvoi n° Z 21-17.011 contre le jugement rendu le 22 mars 2021 par le conseil de prud'hommes de Béthune (section industrie), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [N] [F], domicilié [… …],
2°/ au syndicat CFDT métallurgie Aa Ab Ac et environs, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Ad et Rebeyrol, avocat de la société PSA automobiles, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [F], et du syndicat CFDT métallurgie Aa Ab Ac et environs, après débats en l'audience publique du 29 mars 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Béthune, 22 mars 2021) rendu en dernier ressort, M. [F], employé en qualité de monteur mécanique par la société PSA Automobiles, selon un horaire réduit de fin de semaine, estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, a saisi la juridiction prud'homale le 6 juin 2019.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
2. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche
3. L'employeur fait grief au jugement de le condamner à verser au salarié certaines sommes à titre de rappel de salaire sur les incommodités de nuit le lundi matin, outre congés payés afférents, et de le condamner à remettre au salarié un bulletin de paie rectificatif conforme aux dispositions du jugement, alors « que ne méconnaît pas le principe d'égalité de traitement, l'employeur qui, pour l'octroi d'une majoration du taux horaire pour le travail de nuit des salariés travaillant en équipe de suppléance, en détermine les conditions et modalités de versement en limitant la majoration à certaines heures de nuit ; qu'en affirmant que l'absence de toute majoration spécifique prévue au titre du travail de nuit des heures effectuées par les salariés en équipe de suppléance le lundi de 0 h à 6 h, contrevenait au principe d'égalité de traitement, les salariés concernés étant soumis aux mêmes sujétions que ceux travaillant entre 22 h et 6 h dans la nuit du samedi au dimanche et de 22h à 24h le dimanche, et qui bénéficient d'une majoration contractuelle comparable aux "incommodités de nuit", le conseil de prud'hommes a violé le principe d'égalité de traitement et les
articles L. 3132-16 et L. 3132-19 du code du travail🏛🏛. »
Réponse de la Cour
4. Le conseil de prud'hommes n'a pas accordé au salarié la majoration contractuelle comparable aux « incommodités de nuit » dont bénéficient les salariés en équipe de suppléance lorsqu'ils travaillent entre 22 heures et 6 heures dans la nuit du samedi au dimanche et de 22 heures à 24 heures, le dimanche.
5. Le moyen, qui manque en fait, n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que les salariés de l'équipe de suppléance, bénéficiaires de par la loi d'un régime salarial qui leur est propre, ne se trouvent pas, au regard d'une majoration de salaire attribuée aux salariés de l'équipe de semaine lorsque ceux-ci effectuent des heures de travail de nuit, dans une situation identique à la leur, en sorte que le principe d'égalité de traitement n'a pas vocation à s'appliquer ; qu'en jugeant que l'absence de toute majoration spécifique au titre du travail de nuit des heures effectuées par les salariés en équipe de suppléance le lundi de 0 h à 6 h, contrevenait au principe d'égalité de traitement, ces salariés étant soumis aux mêmes sujétions que ceux travaillant de nuit en semaine et qui bénéficient d'une prime dite d' ''incommodité de nuit'', le conseil des prud'hommes a violé le principe d'égalité de traitement et les articles L. 3132-16 et L. 3132-19 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu le principe d'égalité de traitement et les articles L. 3132-16 et L. 3132-19 du code du travail :
7. En application de ce principe, si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l'avantage en cause, aient la possibilité d'en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d'éligibilité à la mesure soient préalablement définies et contrôlables.
8. Il résulte des deux textes susvisés que dans les industries ou les entreprises industrielles, lorsqu'une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de travail étendu le prévoit, le personnel d'exécution fonctionne en deux groupes dont l'un, dénommé équipe de suppléance, a pour seule fonction de remplacer l'autre pendant le ou les jours de repos accordés au premier groupe. La rémunération des salariés de l'équipe de suppléance est majorée d'au moins 50 % par rapport à celle qui serait due pour une durée équivalente effectuée suivant l'horaire normal de l'entreprise.
9. Pour condamner l'employeur à payer au salarié un rappel de salaire au titre des « incommodités de nuit » du lundi matin à hauteur de 21 % du salaire de référence, outre congés payés afférents, le jugement retient que l'absence de toute majoration spécifique au travail de nuit des heures effectuées par les salariés en équipe de suppléance le lundi de 0 heure à 6 heures contrevient au principe d'égalité de traitement. Il ajoute que l'employeur ne justifie pas de cette rupture d'égalité alors que les salariés concernés sont soumis aux mêmes sujétions que ceux travaillant de nuit en semaine, lesquels bénéficient d'une prime d'incommodités de nuit.
10. En statuant ainsi, alors que le salarié qui appartenait à une équipe de suppléance était bénéficiaire, de par la loi, d'un régime salarial qui lui était propre et ne se trouvait pas, au regard de l'avantage considéré, dans une situation identique à celle des salariés appartenant à une équipe de semaine, le conseil de prud'hommes a violé le principe et les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif du jugement condamnant l'employeur aux dépens et au paiement d'une somme au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
12. Après avis donné aux parties, conformément à l'
article 1015 du code de procédure civile🏛, il est fait application des
articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire🏛 et 627 du code de procédure civile.
13. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société PSA automobiles à verser à M. [F] les sommes de 1 194,71 euros à titre de rappel de salaire sur les incommodités de nuit du lundi matin et de 119,47 euros au titre des congés payés afférents, le jugement rendu le 22 mars 2021, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Béthune ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute M. [F] de sa demande en paiement d'un rappel de salaire sur incommodités de nuit et des congés payés afférents ;
Condamne M. [F] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille vingt-trois.