SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 mai 2023
Rejet
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 511 F-D
Pourvois n°
S 21-21.673
T 21-21.674
U 21-21.675 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 MAI 2023
1°/ M. [Y] [O], domicilié [… …],
2°/ M. [R] [E], domicilié [… …],
3°/ M. [H] [N], domicilié [… …],
ont formé respectivement les pourvois n° S 21-21.673, T 21-21.674 et U 21-21.675 contre trois arrêts rendus le 3 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (Pôle 6 - chambre 8), dans les litiges les opposant à la société Kéolis CIF, société par actions simplifiée, venant aux droits de la société Keolis Roissy Airport, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de MM. [O], [N] et [E], après débats en l'audience publique du 29 mars 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° S 21-21.673, T 21-21.674 et U 21-21.675 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 3 mars 2021) MM. [O], [N] et [E], conducteurs de cars salariés de la société Transroissy, devenue la société Keolis Roissy Airport, pour certains depuis le 1er octobre 2010 suite à un transfert partiel de l'activité de la société Pacific cars, ont saisi le 1er août 2014, la juridiction prud'homale de demandes en paiement de rappels de salaire en application du coefficient 143V, de primes, de congés payés cumulés et de dommages-intérêts pour inégalité de traitement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes en paiement de rappels de salaire, de prime d'ancienneté, de prime de qualité, outre congés payés afférents, de dommages-intérêts pour inégalité de traitement et en condamnation de l'employeur à leur appliquer, pour l'avenir, les conditions de salaire et d'emploi applicables aux salariés classés au coefficient 143V, alors :
« 1°/ que les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d'accord collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ; qu'il en résulte que la présomption de justification ne s'applique pas lorsque les salariés exercent des fonctions identiques ; qu'ayant constaté que tous les salariés classés aux coefficients 140V, 141V et 143V occupaient un emploi de conducteur d'autocar, ce dont il résultait qu'ils exerçaient des fonctions identiques, peu important que certains transportent des passagers vers le terminal 2 ou les hôtels, tandis que d'autres véhiculent le personnel navigant vers les hôtels et étaient titulaires d'un permis TZ et d'un badge, la cour d'appel, qui a malgré tout présumé que les différences de traitement entre ces salariés étaient justifiées, a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et partant a violé le principe d'égalité de traitement ;
2°/ que les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d'accord collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ; qu'en affirmant que le traitement plus favorable accordé aux salariés classés 143V était justifié par le fait qu'ils étaient soumis au cahier des charges d'Aéroports de Paris, sans faire ressortir en quoi cela entraînait pour eux tâches spécifiques ou des sujétions particulières, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement ;
3°/ que les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d'accord collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ; qu'en retenant que le versement d'une prime de car à soute aux conducteurs assurant quotidiennement des services sur l'activité de transport des équipages des compagnies aériennes, soit ceux classés au coefficient 141V, permettait d'écarter toute inégalité de traitement entre ces salariés et ceux classés au coefficient 143V, quand cette prime destinée à compenser la pénibilité de travaux de manutention de ces conducteurs ne pouvait être regardée comme une considération de nature professionnelle justifiant que l'accord de substitution du 17 avril 2011 octroie aux premiers des salaires de base, des primes de qualité et d'ancienneté moins élevés, une carte de pressing moins favorable, des indemnités pour jours fériés travaillés et pour jours fériés chômés inférieures, et les prive de toute indemnité différentielle de repas, la cour d'appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et partant a violé le principe d'égalité de traitement ;
4°/ que les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d'accord collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ; qu'en retenant que les avantages accordés exclusivement aux salariés classés au coefficient 143V par la voie de l'accord collectif de substitution du 17 avril 2011 reposaient sur des considérations professionnelles objectives tenant à une durée d'expérience de plus de sept ans, quand l'article III de cet accord ne subordonnait pas l'attribution de ce coefficient à une telle durée d'expérience, la cour d'appel a violé les dispositions de l'accord collectif de substitution du 17 avril 2011, ensemble l'article 1103 du code civil ;
5°/ qu'en affirmant que les avantages accordés exclusivement aux salariés classés au coefficient 143V par l'accord collectif de substitution du 17 avril 2011 étaient justifiés parleur expérience d'au moins sept années, quand il ressortait de la liste des 24 salariés classés au coefficient 141V inscrite en page 19 de ce même accord que 17 d'entre eux avaient au moins sept années d'expérience à la date du 1er juin 2011, ce dont il résultait que les sept années d'expérience ne pouvaient être regardées comme des considérations de nature professionnelle justifiant les différences de traitement constatées entre les coefficients 141V et 143V, la cour d'appel a violé les dispositions de l'accord collectif de substitution du 17 avril 2011, ensemble l'article 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. Les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d'accord collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.
5. D'abord, la cour d'appel ayant relevé que certains salariés étaient affectés à l'activité spécifique de transport de passagers au terminal 2G (T2G), que d'autres l'étaient à l'activité spécifique de conducteur confirmé des équipages nécessitant un permis TZ et un badge personnel et bénéficiant seuls, en raison d'une sujétion particulière, d'une prime de car à soute, et que d'autres encore effectuaient de façon régulière le transport de passagers entre l'aéroport et les hôtels, a fait ressortir que les salariés n'exerçaient pas des fonctions identiques.
6. Ensuite, elle a constaté que l'accord collectif de substitution signé le 17 juin 2011 avait eu pour effet, conformément à l'article L. 2261-13 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce, de maintenir les avantages acquis résultant des accords collectifs précédemment signés, au sein des entités distinctes qu'étaient Transroissy et Pacific cars, des salariés affectés à l'activité spécifique du T2G relevant du cahier des charges d'Aéroport de [Localité 5], bénéficiant du coefficient 143V et des salariés issus de Pacific cars, relevant du coefficient 141V pour l'activité spécifique de conducteur confirmé des équipages. En l'état de ce que les salariés n'offraient pas de démontrer que les différences de traitement qu'ils dénonçaient étaient étrangères à toute considération de nature professionnelle, elle a exactement retenu qu'ils n'étaient pas fondés à opposer une méconnaissance du principe d'égalité de traitement.
7. Enfin, s'agissant des salariés classés au coefficient 140V, dont elle avait relevé qu'ils assuraient le transport des voyageurs entre l'aéroport et les hôtels, elle a pu retenir, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen pris en ses quatrième et cinquième branches, qu'ils ne pouvaient se prévaloir du coefficient 143V, lequel résultait de considérations professionnelles objectives, tenant, en particulier, à la soumission des conducteurs concernés au cahier des charges d'Aéroport de [Localité 5], faisant ainsi ressortir des sujétions particulières ne pesant pas sur les autres conducteurs.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne MM. [O], [N] et [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille vingt-trois.