SOC.
BD4
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 mai 2023
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 508 FS-B
Pourvois n°
V 21-23.148
P 22-10.082 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MAI 2023
I. La société Saint-Gobain Isover, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-23.148,
II. M. [L] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 22-10.082,
contre un même arrêt rendu le 5 août 2021 par la cour d'appel de Versailles (21e chambre), dans les litiges les opposant.
La demanderesse au pourvoi n° V 21-23.148 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le demandeur au pourvoi n° P 22-10.082 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Saint-Gobain Isover, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [Y], et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats à l'audience publique du 28 mars 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Aa Ab, Lacquemant, Nirdé-Dorail, Salomon, conseillers, Mmes Ac, Ad, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'
article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° V 21-23.148 et P 22-10.082 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 août 2021), M. [Ae], salarié de la société Saint-Gobain Isover, a été déclaré inapte par le médecin du travail à l'issue de deux examens des 18 octobre et 3 novembre 2016, et licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 10 mars 2017.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi n° V 21-23.148 et sur le second moyen du pourvoi n° P 22-10.082
3. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi n° P 22-10.082, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt, après avoir prononcé la nullité du licenciement, de le débouter de sa demande de réintégration et de condamnation au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération brute qui aurait dû lui être versée entre le jour de son éviction et le jour de sa réintégration effective, alors « que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la nullité de son licenciement au cours d'une même instance, le juge, qui constate la nullité du licenciement, ne peut faire droit à la demande de réintégration, à moins que le salarié ait abandonné sa demande de résiliation judiciaire avant que le juge ne statue ; qu'en l'espèce, pour débouter le salarié de ses demandes de réintégration et de paiement d'une indemnité d'éviction après avoir pourtant constaté la nullité du licenciement, la cour d'appel a retenu que force est de relever que le salarié a sollicité dès le 27 juin 2016 la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et ce jusqu'à son troisième jeu de conclusions notifiées en cause d'appel, ne renonçant à cette prétention qu'à ses ultimes écritures en date du 3 mai 2021, et que le salarié ayant demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et maintenu cette demande après que celui-ci l'a licencié en cours de procédure, la poursuite du contrat de travail ne peut être ordonnée entre deux parties qui ont, chacune pour sa part, manifesté irréductiblement leur volonté de le rompre ; qu'en statuant ainsi quand dès lors que le salarié avait abandonné sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail dans ses dernières conclusions, le fait qu'il ait maintenu cette demande jusqu'à son troisième jeu de conclusions ne pouvait faire obstacle à ses demandes de réintégration et de paiement d'une indemnité d'éviction, la cour d'appel a violé les
articles 1217 du code civil🏛, ensemble L. 1152-3, L. 1235-3 et
L. 1235-3-1 du code du travail🏛. »
Réponse de la Cour
Vu les
articles L. 1235-3 du code du travail🏛 et 1184 du code civil, le premier dans sa rédaction antérieure à l'
ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017🏛, le second dans sa rédaction antérieure à l'
ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016🏛 :
5. Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la nullité de son licenciement au cours d'une même instance, puis abandonne en cours d'instance la demande de résiliation judiciaire, le juge, qui constate la nullité du licenciement, doit examiner la demande de réintégration.
6. Pour débouter le salarié de ses demandes de réintégration et de paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération brute qui aurait dû lui être versée entre le jour de son éviction et le jour de sa réintégration effective, l'arrêt retient que l'intéressé a sollicité la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur jusqu'à son troisième jeu de conclusions notifiées en cause d'appel, ne renonçant à cette prétention qu'à ses ultimes écritures, qu'il a maintenu cette demande après que l'employeur l'a licencié en cours de procédure, la poursuite du contrat de travail ne pouvant être ordonnée entre deux parties qui ont, chacune pour sa part, manifesté irréductiblement leur volonté de le rompre.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié avait abandonné sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail dans ses dernières écritures, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. En application de l'
article 624 du code de procédure civile🏛, la cassation des dispositions de l'arrêt visées par le premier moyen entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur à payer au salarié une somme à titre d'indemnité pour licenciement nul, qui s'y rattache par un lien d'indivisibilité nécessaire.
9. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
REJETTE le pourvoi n° V 21-23.148 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [Y] de ses demandes de réintégration et de paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération brute qui aurait dû lui être versée entre le jour de son éviction et le jour de sa réintégration effective, et en ce qu'il condamne la société Saint-Gobain Isover à payer à M. [Y] la somme de 90 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, l'arrêt rendu le 5 août 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société Saint-Gobain Isover aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Saint-Gobain Isover et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-trois.