ARRÊT N° /2023
SS
DU 02 MAI 2023
N° RG 22/00011 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E4VG
Pole social du TJ de BAR LE DUC
20/00117
06 décembre 2021
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE
SECTION 1
APPELANTE :
Organisme UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES LORRAINE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Adrien PERROT de la SCP PERROT AVOCAT, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
Société [5] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Michaël RUIMY de la SELARL R & K AVOCATS, substitué par Me Grégory KUZMA, avocats au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président : Mme A
Siégeant en Conseiller rapporteur
Greffier : Madame B (lors des débats)
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l'
article 945-1 du Code de Procédure Civile🏛, l'affaire a été débattue en audience publique du 15 Mars 2023 tenue par Mme BUCHSER-MARTIN, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric Henon, président, Raphaël WEISSMANN, président, Catherine BUCHSER-MARTIN, conseiller, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 02 Mai 2023 ;
Le 02 Mai 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS [5] est affiliée à l'URSSAF de LORRAINE en qualité d'employeur de salariés permanents (compte n° 410325777) et en qualité d'employeur de salariés intérimaires.
Le 5 mars 2018, elle a sollicité de l'URSSAF le remboursement d'un trop versé de 7 044euros au titre du versement transport pour l'année 2016, auquel l'URSSAF a fait droit.
La SAS [5] a fait l'objet de la part de l'URSSAF d'une vérification de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires, pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017.
Par lettre du 6 août 2019, l'URSSAF a communiqué à la SAS [5] ses observations relatives aux points suivants :
Au titre du compte n° 410325777
1. Versement transport : condition d'effectif (redressement de 554 euros)
2. Réduction générale des cotisations : règles générales (redressement de 5 219 euros)
3. CSG/CRDS et forfait social : participation, intéressement, plans d'épargne et actionnariat (rappel sur la déclaration de la participation allouée aux salariés)
Soit un total de 5 773 euros
Au titre du compte n° 410326924 :
1. erreur matérielle de report ou de totalisation (redressement de 853 euros)
2. versement transport : condition d'effectif (redressement de 6490 euros)
3. Frais professionnels-limite d'exonération : petits déplacements ETT, BTP, TOLERIE, CHAUDRONNERIE (redressement de 4 675 euros)
4. CSG/CRDS et forfait social : participation, intéressement, plans d'épargne et actionnariat (rappel sur la déclaration de la participation allouée aux salariés)
Soit un total de 12 018 euros
Une mise en demeure datée du 21 octobre 2019 a été notifiée par l'URSSAF à la SAS [5], aux fins de recouvrement de la somme de 6 332 euros, dont 5 773 euros de cotisations et 559 euros de majorations.
Une seconde mise en demeure lui a été notifiée le même jour aux fins de recouvrement de la somme de 13 314 euros, dont 12 018 euros de cotisations et 1 296 euros de majorations.
Le 22 octobre 2019, la SAS [5] a réglé à l'URSSAF les sommes de 5 773 euros et 12 018 euros et a sollicité une remise gracieuse des majorations.
Par courrier du 19 décembre elle a saisi la commission de recours amiable d'une contestation des chefs de redressement relatifs au versement transport.
Par décision du 29 mai 2020 notifiée par courrier du 16 juillet 2020, la commission de recours amiable a rejeté sa contestation.
Le 18 septembre 2020, la SAS [5] a saisi le tribunal judiciaire de Bar-le-Duc d'une contestation à l'encontre du rejet de la commission de recours amiable.
Par jugement RG 20/117 du 6 décembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc a :
- déclaré recevable le recours formé par la société [5],
- dit que la lettre d'observations adressée par l'URSSAF à la société [5] par courrier recommandé avec accusé de réception réceptionné le 8 aout 2019 n'est pas entachée de nullité,
- rejeté le moyen soulevé relatif à l'obligation d'adresser la mise en demeure au siège social de la société,
- annulé les mises en demeure adressées par l'URSSAF à la société [5] par courriers recommandés avec accusé de réception réceptionnés le 22 octobre 2019,
- en conséquence, annulé les redressements y afférents,
- condamné l'URSSAF à verser à la société [5] la somme de 19 646 euros,
- condamné l'URSSAF aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Par acte du 4 janvier 2022, l'URSSAF de LORRAINE a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.
L'affaire a été appelée à l'audience du 27 avril 2022, puis successivement renvoyée aux 15 juin 2022, 19 octobre 2022, 7 décembre 2022 et 15 mars 2023 à la demande des parties.
Elle a été plaidée à cette dernière audience.
PRETENTIONS DES PARTIES
L'URSSAF de LORRAINE, représentée par son avocat, a repris ses conclusions datées du 14 octobre 2022 et a sollicité ce qui suit :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
En conséquence,
- infirmer partiellement la décision rendue le 15 décembre 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bar le Duc en ce qu'elle a annulé les deux mises en demeure suite à contrôle réceptionnées le 8 août 2019,
Statuant à nouveau
- dire et juger que les deux mises en demeure sont conformes aux dispositions de l'
article L244-1 du code de la sécurité sociale🏛 et ne sont entachées d'aucun vice de fond ou de forme,
- confirmer le bien fondé du redressement relatif au versement transport,
- confirmer les décisions de rejet de la commission de recours amiable du 29 mai 2020,
- à titre reconventionnel, condamner la SAS [5] au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
La SAS [5], représentée par son avocat, a repris ses conclusions n°2 reçues au greffe le 9 novembre 2022 et a sollicité ce qui suit :
A titre principal,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de BAR LE DUC qui a prononcé la nullité des mises en demeure au motif qu'elles ne précisent pas la nature des sommes recouvrées,
- infirmer le jugement du tribunal qui a considéré que la procédure de recouvrement ne souffrirait d'aucune autre irrégularité substantielle,
Statuer à nouveau,
- juger que la liste des documents consultés de la lettre d'observations ne satisfait pas aux conditions de clarté et d'exhaustivité imposées par les dispositions applicables,
- juger que les mises en demeure du 21 octobre 2019 n'ont pas été adressées au siège social de la Société [5],
- juger que les mises en demeure du 21 octobre 2019 sont entachées de nombreuses irrégularités substantielles,
En conséquence,
- prononcer la nullité des opérations de recouvrement, des mises en demeure et des redressements afférents,
- ordonner le remboursement des sommes indument recouvrées à ce titre pour un montant de 19 646 euros dont majorations,
A titre subsidiaire,
- juger que la société a procédé à un décompte erroné de ses effectifs générant un indu au titre de la taxe transport pour l'année 2016,
- juger que les modalités de décompte des effectifs appliquées par la société [5] étaient conformes aux dispositions applicables,
- juger que le redressement opéré par l'URSSAF est dénué de tout fondement,
En conséquence,
- prononcer la nullité des chefs de redressement : « Versement Transport : condition d'effectif '',
- ordonner à l'URSSAF de rembourser les sommes indument recouvrées à ce titre pour un montant de 7 044,00euros et les majorations y afférent,
A titre infiniment subsidiaire,
- ordonner la mise en œuvre, avant-dire droit, d'une expertise comptable et nommer un expert qui aura pour mission de vérifier le décompte et le calcul des effectifs réalisés par la société.
Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience.
L'affaire a été mise en délibéré au 2 mai 2023 par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l'
article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛.
SUR CE, LA COUR
Sur la validité de la mise en demeure
Aux termes des
articles L244-2 et R244-1 du code de la sécurité sociale🏛🏛, l'action en recouvrement de cotisations ou de majorations de retard dues par un employeur ou un travailleur indépendant doit obligatoirement être précédée d'une mise en demeure adressée à celui-ci par lettre recommandée, ou par tout moyen donnant date certaine à sa réception.
La mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice (
cass. soc 19 mars 1992 n°88-11682⚖️).
La mise en demeure peut procéder par référence à la lettre d'observations (
soc. 7 octobre 1999 n° 97-19.133⚖️,
civ.2e 20 décembre 2007 n° 06-20.683⚖️), et à cet égard, la mention au titre de régime général au titre de la nature des cotisations peut suffire lorsque le recouvrement porte sur des cotisations dues au titre du régime général, en particulier lorsque la mise en demeure fait suite à un redressement de cotisations à ce titre (
civ.2e 12 mars 2015 n° 14-12.851⚖️,
soc. 25 mars 1999 n° 97-14.283⚖️). Néanmoins, s'agissant du versement de transport une mise en demeure mentionnant « régime général » concernant la nature des cotisations ne répond pas aux exigences de l'article R244-1 susvisé en ce que la nature exacte des sommes réclamées n'est pas précisée (
civ. 2e 14 février 2019 n°18-10238⚖️).
-oo0oo-
En l'espèce, la SAS [5] fait valoir que la mise en demeure n'a pas précisément indiqué la nature des sommes réclamées puisqu'elle s'est contentée d'indiquer « régime général », alors que l'inspecteur lui a notifié un redressement au titre de la CSG/CRDS, de la CDS et du versement transport, de telle sorte que les montants mentionnés ne sont pas uniquement dus au titre du régime général et n'étaient pas uniquement des cotisations. Elle ajoute que la lettre d'observations ne purge pas les carences de la mise en demeure, les deux documents ne visant pas les mêmes montants.
L'URSSAF fait valoir que la mention « régime général » sur les mises en demeures délivrées à l'issue de la procédure de contrôle est suffisante.
-oo0oo-
Les deux mises en demeure notifiées par l'URSSAF à la SAS [5] suite au contrôle portent les mentions suivantes :
- dans le cadre « motif de mise en recouvrement » : « contrôle. Chefs de redressement notifiés par lettre d'observations du 06/08/19.
Article R243.59 du code de la sécurité sociale🏛 »
- dans le cadre « nature des cotisations » : « régime général ».
Les mises en demeure font dès lors expressément référence à la lettre d'observations. Néanmoins, les montants réclamés au titre du redressement ne portent pas exclusivement sur des cotisations du régime général, mais également sur le « versement transport », alors que les mises en demeure ne comportent aucune référence au versement transport.
Dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont dit que les mises en demeure n'informent pas suffisamment le cotisant sur la nature des cotisations réclamées, ont annulé lesdites mises en demeure et les redressements y afférents et ont condamné l'URSSAF à restituer à la SAS [5] les montants déjà versés.
En conséquence, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'URSSAF de LORRAINE succombant, elle sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'URSSAF de LORRAINE aux dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONFIRME le jugement RG 20/117 du 6 décembre 2021 du pôle social du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DEBOUTE l'URSSAF de LORRAINE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE l'URSSAF de LORRAINE aux entiers dépens d'appel.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
Minute en six pages