Jurisprudence : TA Paris, du 12-04-2023, n° 2124087


Références

Tribunal Administratif de Paris

N° 2124087

5e Section
lecture du 12 avril 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2021, M. B A demande au tribunal :

1°) d'annuler le compte-rendu d'entretien professionnel dont il a fait l'objet au titre de l'année 2020 ;

2°) d'enjoindre au ministre de la santé et de la prévention de retirer ce compte-rendu de son dossier individuel.

Il soutient que :

- il a été convoqué à son entretien moins de huit jours avant la date de cet entretien, en méconnaissance de l'article 2 du décret du 28 juillet 2010🏛 et de l'instruction ministérielle du 9 décembre 2020 ;

- cette convocation n'était pas accompagnée d'un modèle de compte-rendu d'entretien professionnel et d'un exemplaire de la fiche de poste en méconnaissance de l'instruction ministérielle du 9 décembre 2020 ;

- les objectifs qui lui étaient assignés n'ont pas été clairement et précisément fixés ;

- certains des objectifs figurant dans ce compte-rendu ne répondent pas à la définition retenue par la direction générale de l'administration et de la fonction publique dans son guide de l'entretien professionnel des administrateurs civils ;

- son entretien professionnel n'a pas été conduit sur la base du modèle de compte-rendu d'entretien type interministériel annexé à l'arrêté du 30 septembre 2011 relatif aux modalités d'organisation de l'évaluation des agents de l'Etat affectés dans les directions interministérielles.

Cette requête a été communiquée au ministre de la santé et de la prévention qui, dans un courrier du 10 février 2022 a informé le tribunal qu'il ne produirait pas de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984🏛 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010🏛 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat ;

- l'arrêté du 30 septembre 2011 relatif aux modalités d'organisation de l'évaluation des agents de l'Etat affectés dans les directions départementales interministérielles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique, tenue en présence de Mme Sueur, greffière d'audience :

- le rapport de M. C,

- et les conclusions de M. Lamy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B A, administrateur civil hors classe des ministères sociaux, chef du bureau de l'encadrement supérieur et des personnels contractuels depuis le 24 février 2020, demande au tribunal d'annuler le compte-rendu d'entretien professionnel dont il a fait l'objet au titre de l'année 2020.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983🏛 visée ci-dessus : " La valeur professionnelle des fonctionnaires fait l'objet d'une appréciation qui se fonde sur une évaluation individuelle donnant lieu à un compte-rendu qui leur est communiqué. " L'article 55 de la loi du 11 janvier 1984🏛 dispose que : " L'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct, qui donne lieu à un compte rendu. Lors de cet entretien professionnel annuel, les fonctionnaires reçoivent une information sur l'ouverture et l'utilisation de leurs droits afférents au compte prévu à l'article 22 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 précitée. () ".

3. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du décret 28 juillet 2010 susvisé : " La date de l'entretien est fixée par le supérieur hiérarchique direct et communiquée au fonctionnaire au moins huit jours à l'avance ".

4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A n'a été convoqué à son entretien professionnel au titre de l'année 2020, programmé le 16 juin 2021, que le 15 juin 2021, en méconnaissance de l'article 2 du décret précité. M. A a dès lors été privé de la garantie tenant à la convocation à son entretien professionnel dans un délai raisonnable et est, par suite, fondé à soutenir que le compte-rendu de cet entretien professionnel est entaché d'un vice de procédure, de nature à justifier son annulation.

6. En second lieu, aux termes de l'article 3 du décret du 28 juillet 2010🏛 : " L'entretien professionnel porte principalement sur : / 1° Les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire eu égard aux objectifs qui lui ont été assignés et aux conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il relève ; / 2° Les objectifs assignés au fonctionnaire pour l'année à venir et les perspectives d'amélioration de ses résultats professionnels, compte tenu, le cas échéant, des perspectives d'évolution des conditions d'organisation et de fonctionnement du service ; / () ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A a fait l'objet d'une évaluation au regard de trois objectifs : " mettre en place le nouveau bureau GAP 1 dans le nouveau contexte de réorganisation de la SDGAP notamment avec l'intégration des réductions d'échelons hiérarchiques ", " veiller tout particulièrement au bon fonctionnement de la nouvelle section des personnels contractuels " et " encadrer les travaux de la section encadrement supérieur notamment pour ce qui concerne les cycles de l'avancement et les travaux sur les parcours professionnels ". Il ressort du compte-rendu de son entretien professionnel que son supérieur hiérarchique a estimé que M. A n'avait atteint que le premier objectif, les deux derniers ayant été considérés comme partiellement atteints. Or, il est constant qu'aucun de ces objectifs n'avait été spécifiquement notifié de manière exhaustive et détaillée à M. A alors qu'il n'avait pris ses fonctions que le 24 février 2020. Par ailleurs, si la fiche de son poste mentionnait notamment qu'il revenait à son titulaire d'encadrer une équipe de 25 agents en développant un " management collaboratif ", de participer à la mise en œuvre d'outils de performance et de contrôle interne, d'accompagner la transformation de la direction des ressources humaines et l'évolution de la filière " GA-Paye " et de mettre en œuvre progressivement la loi de transformation de la fonction publique, elle ne comportait aucune indication relative aux objectifs évalués par son supérieur hiérarchique le 16 juin 2021. Il suit de là que le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 3 du décret du 28 juillet 2010 précitées ont été méconnues doit être accueilli.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le compte-rendu d'entretien professionnel de M. A au titre de l'année 2020 doit être annulé.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent jugement implique d'enjoindre au ministre de la santé et de la prévention de retirer le compte-rendu d'entretien professionnel, au titre de l'année 2020, du dossier administratif de M. A, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

D E C I D E :

Article 1er : Le compte-rendu de l'entretien professionnel de M. A établi au titre de l'année 2020 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de la santé et de la prévention de retirer le compte-rendu d'entretien professionnel, au titre de l'année 2020, du dossier administratif de M. A, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et au ministre de la santé et de la prévention.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Riou, présidente,

- M. Gandolfi, premier conseiller,

- Mme Abdat, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 avril 2023.

Le rapporteur,

G. C

La présidente,

C. Riou La greffière,

L. Sueur

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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