CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 6404
M. xxxxx Ministre délégué à l'Economie et aux Finances
Lecture du 18 Mars 1981
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 8ème Sous-Section
Vu, 1°, enregistrée sous le n° 6 404 au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 4 mars 1977, la requête présentée pour M. xxxxx, demeurant xxxxx, et tendant à ce que le Conseil d'Etat: 1° annule un jugement du 31 décembre 1976 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande en décharge de l'imposition complémentaire à l'impôt sur le revenu des personnes physiques et de la taxe complémentaire à laquelle il a été assujetti au titre des années 1961, 1962, 1963, 1964 et 1965; 2° accorde la décharge des impositions contestées;
Vu, 2°, enregistré au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 8 mai 1977, sous le n° 7 359, le recours présenté par le ministre délégué à l'économie et aux finances, tendant à ce que le Conseil d'Etat: 1° annule un jugement du Tribunal administratif d'Orléans en date du 31 décembre 1976, en tant que par ledit jugement le tribunal administratif a accordé à M. xxxxx décharge des impositions complémentaires en matière d'impôt sur le revenu des personnes physiques et en matière de taxe complémentaire qui lui ont été assignées au titre des années 1966, 1967 et 1968; 2° remette ces impositions à la charge de M. xxxxx;
Vu le code général des impôts;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Considérant que la requête présentée par M. xxxxx et le recours présenté par le ministre délégué à l'économie et aux finances sont dirigés contre le même jugement; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même décision;
Considérant qu'à la suite d'un jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 5 juillet 1971, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 juin 1972, par lequel M. xxxxx a été reconnu coupable du "délit d'association en vue de commettre des infractions à la législation sur les stupéfiants", l'administration, usant du pouvoir qu'elle tient de l'article 1966-3 du code général des impôts de réparer les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux réprossifs jusqu'à l'expiration de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance, a assigné à l'intéressé, à raison des revenus qu'il avait tirés de cette activité, des impositions à l'impôt sur le revenu des personnes hysiques et à la taxe complémentaire au titre des années 1961, 1962 et 1963 et des impositions supplémentaires auxmêmes impôts au titre des années 1964, 1965, 1966, 1967 et 1968; que, saisi d'une demande en décharge de l'ensemble de ces impositions, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé la décharge des impositions établies au titre des années 1966, 1967 et 1968 et rejeté le surplus des conclusions de la demande; qu'en appel, M. xxxxx reprend celles des conclusions de sa demande qui n'ont pas été accueillies et le ministre conclut, à l'inverse, au rétablissement des impositions dont la décharge a été prononcée par les premiers juges;
En ce qui concerne la requête n° 6404 de M. xxxxx:
Considérant que, sauf pour l'année 1965, M. xxxxx ne conteste pas avoir tiré profit de sa participation à un trafic de stupéfiants; qu'il prétend toutefois ne pas être imposable au titre des années 1961, 1962 et 1963 et conteste pour toutes les années litigieuses le mode et le montant de l'imposition des ressources qu'il a tirées de ce trafic;
Sur le moyen tiré de ce que le requérant aurait cessé d'avoir son domicile en France en 1961, 1962 et 1963:
Considérant que le requérent n'apporte aucune justification à l'appui de son allégation selon laquelle il aurait cessé d'avoir son domicile en France durant les années dont il s'agit du fait d'une mesure d'expulsion dont il aurait été l'objet en 1961 en dépit de sa nationalité française; qu'il résulte au contraire des indications précises et circonstanciées fournies par le ministre du budget dans son mémoire en défense sur le pourvoi que le requérant n'a pas cessé d'avoir en France au cours des mêmes années le centre de ses intérêts et, par suite, son domicile au sens de l'article 164 du code général des impôts; que dès lors, en vertu des dispositions combinées de cet article et de l'article 168-1, il était imposable en France à raison de l'ensemble de ses revenus de toute prouenance;
Sur le moyen tiré de ce que la juridiction pénale aurait déclaré prescrits les faits délictueux commis en 1961, 1962 et 1963;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que ce moyen manque en fait;
Sur le moyen tiré de ce que la juridiction pénale n'aurait relevé à l'encontre du requérant aucune activité de nature à lui procurer des ressources en 1965;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le juge pénal a relevé qu'en février 1965 il continueit de faire activement partie d'une association de trafiquants de stupéfiants;
Sur le régime d'imposition des profits retirés par le requérant de son activité délictueuse;
Considérant qu'il ressort des constatations opérées par le juge pénal que M. xxxxx a participé au cours des années dont s'agit à un trafic de stupéfiants; que, quel que soit le rôle qu'il y a joué, les profits qu'il en a retirés doivent être regardés comme constituant des bénéfices industriels et commerciaux; que le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que ces profits auraient dû être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux;
Sur le moyen tiré du caractère excessif des revenus évalués d'office par l'administration:
Considérant d'une part, que, pour évaluer d'office les revenus tirés par M. xxxxx de son activité de trafiquant de stupéfiants, l'administration s'est fondée sur les quantités moyennes de drogue transportée ainsi que sur les participations aux bénéfices accordées par voyage telles qu'elles ont été relevées par le juge pénal; que le requérant n'apporte pas la preuve, qui est à sa charge, du caractère excessif des sommes ainsi retenues;
Considérant, d'autre part, qu'en admettant que le requérant ait été amené à payer en 1965 à d'autres trafiquants une somme de 300.000 F, une somme ainsi employée ne seurait, en raison de son caractère, constituer une charge déductible au sens de l'article 39 du code général des impôts;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu à expertise, que la requête de M. xxxxx doit être rejetée;
En ce qui concerne le recours du ministre délégué à l'économie et aux finances:
Considérant que le ministre demande que soit substitué aux bénéfices industriels et commerciaux, évalués d'office pour 1966, 1967 et 1968 et retenus comme bases des impositions dont le tribunal administratif a prononcé la décharge, un revenu forfaitaire déterminé par application de l'article 168 du code général des impôts; qu'il fonde cette prétention sur le droit de compensation prévu à l'article 1955 du code et subsidiairement sur le droit de substituer une autre base légale aux impositions initialement assignées;
Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article 1955 ne sont applicables, selon leurs termes mêmes, qu'en cas d'insuffisance ou d'omission de toute nature constatée dans l'assiette ou le calcul de l'imposition contestée; qu'en l'expèce l'administration ne fait état d'aucune insuffisance ou omission relative à des sommes qui auraient dû être comprises, et ne l'ont pas été, dans le revenu global imposable ou relative au calcul, de l'impôt; qu'en proposant de retenir comme base d'imposition le reven forfaitaire résultant de l'appliction de l'article 168, elle ne vise pas à réparer, par voie de compensation, une insuffisane ou omission de cette nature et ne peut donc pas se prévaloir, à l'appui de cette prétention, des pouvoirs qu'elle tient de l'article 1955 du code;
Considérant, en second lieu, que, dans le cas où le contribuable a souscrit la déclaration de son revenu global, la substitution au revenu ainsi déclaré du revenu forfaitaire déterminé par application de l'article 168 ne peut être faite qu'en respectant la procédure contradictoire prévue à l'article 1649 quinques A; que cette procédure n'ayant pas en l'espèce été suivie, l'administration n'est pas fondée à demander, par voie de substitution de base légale, que les bases d'imposition résultant de l'article 168 soient retenues pour justifier, même partiellement, le rétablissement d'impositions établies à raison de bénéfices industriels et commerciaux arrêtés par voie d'évaluation d'office;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours du ministre délégué à l'économie et aux finances ne peut qu'être rejeté.
DECIDE àrticle 1er - Le recours du ministre délégué à l'économie et aux finances et la Requête de M. xxxxx sont rejetés.