CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 63967
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET
contre
Belliot
Lecture du 08 Novembre 1989
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 15 novembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°/ réforme le jugement du 11 juillet 1984 par lequel le tribunal administratif de Rennes a accordé à M. Belliot la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu au titre des années 1975 à 1978 et de la majoration exceptionnelle au titre de 1975 auxquelles il a été assujetti dans les rôles de la commune de Rochefort-en-terre, 2°/ remette intégralement les impositions contestées à la charge de M. Belliot,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Dulong, Maître des requêtes, - les observations de la S.C.P. Piwnica, Molinié, avocat de M. René Belliot, - les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Sur le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET :
Considérant qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts : " ... 1 ter - Les agents généraux d'assurances et leurs sous-agents peuvent demander que le revenu imposable provenant des commissions versées par les compagnies d'assurances qu'ils représentent, ès qualités, soit déterminé selon les règles prévues en matière de traitements et salaires. Ce régime est subordonné aux conditions suivantes : ... les intéressés ne doivent pas bénéficier d'autres revenus professionnels, à l'exception de courtages et autres rémunérations accessoires se rattachant directement à l'exercice de leur profession ..." ; que, par "autres revenus professionnels", au sens de ces dispositions, il y a lieu d'entendre tous les revenus qu'est susceptible de procurer à l'intéressé l'exercice d'une activité professionnelle différente de celle d'agent général d'assurances, y compris dans l'hypothèse où les résultats de celle-ci seraient nuls ou déficitaires, à la seule exception des revenus procurés par la gestion ordinaire d'un patrimoine privé immobilier ou mobilier ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Belliot, qui exerce la profession d'agent général d'assurances à Rochefort-en-Terre ( Morbihan), est propriétaire, dans cette localité, depuis le 1er juillet 1972, d'un immeuble comportant un fonds de commerce de café-restaurant pour l'exploitation duquel une licence de débit de boissons de 4ème catégorie lui a été délivrée et dont les résultats sont imposés à son nom, suivant le régime du forfait, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; que ce même régime a été appliqué au loyer annuelqu'il a perçu, à partir de 1977, après qu'il eut mis ce fonds en location-gérance ; que le fait que M. Belliot n'aurait jamais assumé directement l'exploitation du fonds, d'abord géré par une personne salariée, qui l'a repris ensuite en gérance libre, qu'il n'aurait perçu aucun bénéfice en 1975 et en 1976 et que, depuis 1977, seule une redevance fixe d'un montant modeste lui serait versée, n'est pas de nature à permettre d'estimer que M. Belliot n'a pas exercé, durant les années d'imposition en litige, en plus de son activité principale d'agent général d'assurances, une activité de nature commerciale ne se rattachant pas à la gestion ordinaire d'un patrimoine privé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que c'est à tort que, pour admettre que l'intéressé aurait dû être imposé conformément aux dispositions de l'article 93-1-ter précité, le tribunal administratif a retenu qu'à défaut de participer à l'exploitation de son fonds de commerce, il n'avait fait que gérer un bien figurant dans son patrimoine privé ; Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Belliot devant le tribunal administratif de Rennes ; Considérant, d'une part, que les raisons pour lesquelles M. Belliot aurait, en raison de ses responsabilités d'élu local, été amené à acquérir l'immeuble en cause sont sans influence sur le bien-fondé des impositions en litige ; Considérant, d'autre part, que M. Belliot ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article 1649 quinquies E du code, repris à l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une réponse ministérielle à M. André, député, publiée au Journal Officiel des débats de l'Assemblée nationale du 10 octobre 1983, c'est-à-dire postérieurement à la mise en recouvrement des impositions contestées, ni, pour le même motif, d'une circulaire administrative du 14 février 1984 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a décidé que M. Belliot serait, pour les années 1975, 1976, 1977 et 1978 inclus, imposé selon les règles prévues en matière de traitements et de salaires, à raison des commissions reçues par lui des compagnies d'assurances dont il est l'agent et l'a renvoyé devant l'administration pour le calcul du dégrèvement correspondant ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler les articles 1er et 2 du jugement attaqué ;
Sur le recours incident de M. Belliot :
Considérant qu'aux termes de l'article 15 II du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : "Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu ..." ; qu'en contrepartie de cette exonération, le propriétaire ne peut déduire de son revenu imposable les charges afférentes à un logement dont il se réserve la jouissance ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Belliot est propriétaire à Berric de deux immeubles qu'il offre, meublés, à la location saisonnière ; qu'il conteste, par la voie d'un recours incident, la réduction, effectuée par le service, au prorata de la durée effective de location, des déductions qu'il avait pratiquées sur ses revenus au titre des charges de propriété et des frais de gestion afférents à ces immeubles ; Considérant, d'une part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les immeubles de Berric aient été affectés, compte tenu de leur nature, au patrimoine commercial de M. Belliot ; que la circonstance que les revenus que l'intéressé a tirés de ces locations ont été imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ne permet pas de considérer que les immeubles ont reçu, de façon permanente, une affectation commerciale ; Considérant, d'autre part, que M. Belliot allégue, sans d'ailleurs le démontrer, qu'il désirait à l'époque louer ses immeubles pendant au moins six mois ; que, toutefois, à défaut de location effective, un propriétaire doit être regardé comme conservant la jouissance de son immeuble ; que, dès lors, c'est à bon droit que, quel qu'ait été le mode de location des immeubles de M. Belliot postérieurement aux années en cause, l'administration n'a admis la déduction des charges et frais en litige qu'au prorata de la durée de location réelle ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours incident de M. Belliot ne peut être accueilli ;
Article ler : Les articles 1er et 2 du jugement du 11 juillet 1984 du tribunal administratif de Rennes sont annulés.
Article 2 : Les suppléments d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle auxquels M. Belliot a été assujetti, respectivement, au titre des années 1975, 1976, 1977 et 1978 et au titre de l'année 1975, sont remis intégralement à sa charge.
Article 3 : Le recours incident de M. Belliot est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Belliot et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.