SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 avril 2023
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 388 F-D
Pourvoi n° H 21-15.500
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 AVRIL 2023
L'association [5], dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 21-15.500 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [H] [G], domicilié [… …] (…),
2°/ au Syndicat national des professions de l'architecture et de l'urbanisme CFDT, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association [5], de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [G], après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Grandemange, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à l'association [5] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le syndicat national des professions de l'architecture et de l'urbanisme CFDT.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 23 octobre 2020), M. [Aa] a été engagé le 3 février 1993 en qualité de chargé d'études par l'association [5] ([5]) du Nord. Dans le dernier état des relations contractuelles, il occupait les fonctions de paysagiste chargé d'études.
3. Licencié pour motif économique le 5 février 2015, il a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage dans la limite de six mois, alors :
« 1°/ que des entreprises constituent un groupe au sens de l'
article L. 1233-4 du code du travail🏛 lorsque leurs activités, leur organisation ou leur lieu d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie de leur personnel ; que ni l'adhésion d'une association à une fédération d'associations chargée de promouvoir l'action de ses membres, de susciter des actions communes et de négocier et conclure des accords collectifs applicables à leur personnel, au même titre qu'une organisation professionnelle d'employeurs, ni la recherche de possibilités de reclassement externe auprès d'associations adhérant au même réseau ne permettent de caractériser une permutabilité de leur personnel ; que la permutabilité du personnel entre des associations adhérant à la même fédération suppose de caractériser l'existence de mouvements de personnel entre elles ou la détention, par l'organisme qui les fédère, d'un pouvoir en matière de gestion de leurs ressources humaines ; qu'en relevant, pour dire que le [5] ([5]) du Nord constitue avec les autres [5] un groupe de reclassement, qu'il est intégré au réseau des [5] qui utilise les mêmes types d'actions et les mêmes procédures et qu'à la date du licenciement, il était adhérent de la fédération nationale des [5] qui avait notamment pour objet d'assurer la circulation d'information entre les [5], de faciliter la mise en commun de leurs expériences et la formation de leurs personnels, de susciter des actions communes et de soutenir la recherche, de favoriser la création et le fonctionnement d'unions régionales et de représenter les [5] pour négocier et conclure tous accords ou conventions collectives de travail destinés à régir les relations de leurs salariés, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une permutabilité du personnel entre les différents [5], a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la
loi n° 2015-990 du 6 août 2015🏛 ;
2°/ que l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur préalablement à un licenciement pour motif économique ne s'étend pas, sauf disposition conventionnelle contraire, à d'autres entreprises qui ne relèvent pas d'un même groupe ; que l'article 7.2 de la convention collective nationale des [5] prévoit que ''le salarié congédié à la suite d'un licenciement économique bénéficie pendant 1 année d'une priorité de réembauchage, sous réserve d'en faire la demande auprès de son employeur dans un délai de 1 an à compter de la date de la rupture de son contrat de travail. Afin de faciliter l'emploi et le reclassement, l'employeur informera le réseau des [5] de la disponibilité du salarié'' ; qu'il résulte de ces dispositions que l'employeur n'est pas tenu d'étendre ses recherches de reclassement préalables au licenciement au réseau des [5], mais simplement d'informer ce réseau, postérieurement au licenciement, de la disponibilité du ''salarié congédié'' ; qu'en se fondant encore sur cette disposition conventionnelle pour retenir que l'ensemble des [5] constitue un groupe de reclassement au sein duquel le [5] du Nord doit étendre ses recherches de reclassement préalables au licenciement, la cour d'appel a violé les articles 7.2 de la convention collective précitée et L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel elle appartient. Cette recherche de possibilités de reclassement doit être réalisée par l'employeur, si la société fait partie d'un groupe, auprès des autres sociétés de ce groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
6. La cour d'appel a relevé que le [5] du Nord était intégré au réseau des [5] qui déclinait au plan local des missions communes de service public et utilisait les mêmes types d'actions ainsi que largement les mêmes procédures, qu'à l'époque du licenciement, il était adhérent de la fédération nationale des [5] qui avait notamment pour objet d'assurer la circulation régulière d'informations entre les différents [5], de faciliter la mise en commun de leurs expériences et la formation des personnels, de susciter des actions communes et de soutenir la recherche au niveau départemental, régional ou national, de favoriser la création et le fonctionnement d'unions régionales, de représenter les [5] pour négocier et conclure tous accords ou conventions collectives de travail destinés à régir les relations de leurs salariés.
7. Elle a également souligné que le [5] du Nord partageait aussi avec les autres [5] la même convention collective nationale des [5] du 24 mai 2007 dont l'article 7-2 prévoyait : « afin de faciliter l'emploi et le reclassement, l'employeur informera le réseau des [5] de la disponibilité du salarié ».
8. De l'ensemble de ces constatations et appréciations, elle a pu déduire que la permutation de tout ou partie du personnel entre les [5] était possible.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
10. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que les recherches de postes disponibles dans les sociétés du groupe auquel appartient l'employeur qui envisage un licenciement économique collectif n'ont pas à être assorties du profil personnalisé des salariés concernés par le reclassement ; que sont suffisamment précises les lettres de recherche qui comportent l'indication du nombre et de la nature des emplois supprimés ; qu'en retenant, en l'espèce, pour dire que le [5] du Nord n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, que les courriers adressés à la fédération nationale des [5] et à tous les [5] adhérents et non-adhérents ne contenaient aucune indication sur le profil du salarié, à l'exception du poste qu'il occupait, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :
11. Il résulte de ce texte que l'employeur est tenu, avant tout licenciement économique, de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. Les recherches de postes disponibles dans les sociétés du groupe auquel appartient l'employeur qui envisage un licenciement économique collectif n'ont pas à être assorties du profil personnalisé du salarié concerné par le reclassement.
12. Pour retenir un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement et juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'employeur s'est borné à adresser entre le 6 octobre 2014 et le 1er décembre 2014 à la fédération nationale des [5] et à tous les [5], adhérents ainsi que non adhérents, un courrier type, ne contenant aucune indication sur le profil du salarié à l'exception du poste qu'il occupait, qui n'est pas de nature à leur permettre de vérifier son aptitude à occuper un de leurs emplois vacants.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation des chefs de dispositif disant que le licenciement du salarié ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et condamnant l'employeur à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'association aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, justifiés par une autre condamnation prononcée à l'encontre de celle-ci et non remise en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement du salarié ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et condamne l'association [5] à payer à M. [G] la somme de 52 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage dans la limite de six mois, l'arrêt rendu le 23 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.