Jurisprudence : CE Contentieux, 23-06-1986, n° 62339

CE Contentieux, 23-06-1986, n° 62339

A5035AMG

Référence

CE Contentieux, 23-06-1986, n° 62339. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/954085-ce-contentieux-23061986-n-62339
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CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 62339

Centre hospitalier spécialisé de Maison-Blanche
contre
Consorts Gil-Garcia

Lecture du 23 Juin 1986

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 6 septembre 1984 et 13 décembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MAISON-BLANCHE, dont le siège est 3 avenue Jean-Jaurès à Neuilly-sur-Marne (93330), et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 9 juillet 1984 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a condamné à verser les sommes de 8 927,55 F et de 15 000 F à Mme veuve GIL-GARCIA, et celle de 10 000 F à chacun de ses enfants en réparation du préjudice résultant pour eux du décès de M. Nazaro GIL-GARCIA ; 2°) rejette la demandes présentées devant le tribunal administratif de Paris par Mme veuve GIL-GARCIA, Mme Raymonde GIL-GARCIA, Mme Josette JUVERNAT et Mme Claude de REGARD DE VILLENEUVE ; 3°) subsidiairement, réduise les condamnations prononcées à la somme de 5 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'article 1154 du code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Pêcheur, Maître des Requêtes, - les observations de Me Célice, avocat du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MAISON-BLANCHE et de la S.C.P. Boré, Xavier, avocat de Mme Gil-Garcia Yvette et autres, - les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'examiné par le Centre Psychiatrique d'orientation et d'accueil de Sainte-Anne dans la nuit du 3 au 4 mai 1979 M. Larfaoui, qui se trouvait dans un état dépressif et angoissé et qui n'avait pas alors un comportement violent ou agressif, a été adressé au CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MAISON-BLANCHE où, vers trois heures du matin, il a été hospitalisé en service libre ; que pris d'une crise soudaine de démence deux heures plus tard, il a agressé les autres malades présents dans le dortoir, égorgeant M. Nazaro GIL-GARCIA et trois autres malades et blessant un cinquième malade ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier spécialisé :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que malgré l'alerte qui a été immédiatement donnée par l'infirmière de garde qui a réussi à mettre en sécurité le premier malade auquel M. Larfaoui s'était attaqué et qui sérieusement menacée à son tour, a dû se réfugier avec quelques malades dans un bureau voisin, une dizaine de minutes se sont écoulées avant que soient réunis les moyens nécessaires pour maitriser ce dément, laissé seul avec d'autres malades auxquels il s'est attaqué ; que l'inéfficacité prolongée du service à faire face à une situation dangereuse pour les malades placés sous sa garde et qui n'avait pas un caractère imprévisible dans un établissement spécialisé, révèle un défaut dans l'organisation du service, de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MAISON-BLANCHE ; que celui-ci n'est dès lors ps fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Paris l'a condamné à réparer le préjudice subi par Mme Nazaro Gil-Garcia du fait du décès de son mari et par Mme Raymonde Gil-Garcia, Mme Josette Gil-Garcia épouse Juvernat et Mme Claude Gil-Garcia épouse de Regard de Villeneuve, du fait du décès de leur père ;
Sur le préjudice :
Considérant que le montant des frais de funérailles, s'élevant à 8 927,55 F que le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MAISON-BLANCHE a été condamné à rembourser à Mme Veuve Gil-Garcia n'est pas contesté ; qu'en fixant à 15 000 F le montant de l'indemnité que le Centre Hospitalier est condamné à lui verser en réparation du préjudice moral que lui a causé la mort de son mari, les premiers juges ont fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice ; que Mme Gil-Garcia est fondée par la voie de l'appel incident à demander la majoration du montant de cette indemnité ; qu'il y a lieu de porter celle-ci à 30 000 F ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral que Mme Raymonde Gil-Garcia, Mme Josette Gil-Garcia et Mme Claude Gil-Garcia, ont subi du fait du décès de leur père alors qu'elles étaient majeures, en l'évaluant pour chacune d'elles à 6 000 F ; que le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MAISON-BLANCHE est fondé, dans cette mesure, à demander la réformation du jugement attaqué qui a fixé à 10 000 F le montant de chacune des indemnités ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 11 septembre 1985 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : La somme de 15 000 F que le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MAISON-BLANCHE a été condamné à verser à Mme Yvette Gil-Garcia par le jugement du tribunal administratif de Paris du 9 juillet 1984 est portée à 30 000 F. La somme de 10 000 F que le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MAISON-BLANCHE a été condamnépar le même jugement à verser respectivement à Mme Raymonde Gil-Garcia, à Mme Josette Gil-Garcia épouse Juvernat et à Mme Claude Gil-Garcia épouse de Regard de Villeneuve est ramenée à 6 000 F.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 9 juillet 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Les intérêts échus au 11 septembre 1985 des sommes que le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MAISON-BLANCHE est condamné àpayer à Mme Veuve Gil-Garcia et à ses enfants, seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MAISON-BLANCHE, le surplus des conclusions de l'appel incident de Mme Yvette Gil-Garcia née Barbière et les conclusions de l'appel incident de Mme Raymond Gil-Garcia, de Mme Josette Juvernat et Mme Claude de Regard de Villeneuve sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MAISON-BLANCHE, à Mme Yvette Gil-Garcia, Mme Raymonde Gil-Garcia, Mme Josette Juvernat, Mme Claude de Regard de Villeneuve, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et au ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de l'emploi, chargé de la santé et de la famille.

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