CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 61132
CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE TOULOUSE
contre
Mme Raymonde Gibrac
Lecture du 04 Avril 1990
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 25 juillet 1984 et 15 octobre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE TOULOUSE, représenté par son directeur général à ce dûment autorisé par délibération du conseil d'administration en date du 9 juillet 1984, et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 14 mai 1984 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamné à verser à Mme Gibrac une indemnité de 443 399,10 F et une rente annuelle de 65 500 F, et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne une somme de 463 250,85 F, en réparation du préjudice subi par Mme Gibrac du fait des conséquences dommageables d'une intervention chirurgicale pratiquée le 29 novembre 1978 au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE TOULOUSE, 2°) rejette les demandes présentées par Mme Gibrac et par la caisse d'assurance maladie de la Haute-Garonne devant le tribunal administratif de Toulouse,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 ;
Vu le décret n° 74-445 du 13 mai 1974 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Plagnol, Auditeur, - les observations de Me Odent, avocat du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE TOULOUSE et de la S.C.P. Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de MM. Gibrac, venant es-qualités d'héritiers, aux droits de Mme Raymonde Gibrac, - les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports des experts commis par le juge judiciaire que l'accident opératoire dont Mme Gibrac a été victime, le 29 novembre 1978 dans le service de neuro-chirurgie du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE TOULOUSE, au cours de l'intervention neuro-chirurgicale dénommée "neurolyse des nerfs intercostaux, par coagulation sélective percutanée", qui a provoqué une lésion accidentelle d'une artère radiculo-médullaire, était imprévisible ; qu'à l'époque des faits aucun accident analogue n'était connu ; que, dès lors, le service hospitalier n'a pas commis une faute en s'abstenant d'avertir la patiente des risques de complication auxquels l'exposait cette intervention ; qu'ainsi, le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE TOULOUSE est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour le déclarer responsable des conséquences dommageables de cette intervention, le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur ce défaut d'information préalable du malade ; Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Gibrc devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que l'intervention subie par Mme Gibrac était justifiée par l'affection dont elle souffrait ; que l'électrocoagulation a été précédée d'un repérage rigoureux des nerfs qui devaient être lysés et que d'ailleurs, l'accident est imputable non à une méconnaissance des règles de l'art mais à une disposition anatomique anormale d'une artère médullaire qu'il n'était pas possible de localiser sans faire courir des risques sérieux à la patiente ; qu'ainsi aucune faute lourde n'a été commise, tant dans la prescription de l'acte chirurgical que dans son exécution ;
Considérant qu'en s'adressant au service de neuro-chirurgie du centre hospitalier régional Mme Gibrac ne s'est pas confiée personnellement au chef du service, le professeur Lazarothes, mais à l'équipe médicale de ce service et qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait expréssement subordonné son consentement à l'opération à la condition que celle-ci soit exécutée par le professeur Lazarothes ; qu'en chargeant, après avoir examiné la patiente, l'un de ses collaborateurs de pratiquer l'intervention, sans en avertir au préalable Mme Gibrac, le chef de service n'a pas commis une faute de service ; qu'il résulte de l'instruction que le docteur Alwan, médecin de nationalité libanaise, attaché au service de neurochirurgie du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE TOULOUSE était titulaire d'un doctorat d'université en médecine ; qu'il avait la compétence et l'expérience nécessaires pour pratiquer sur Mme Gibrac, l'acte médical dont son chef de service lui avait confié l'exécution et que d'ailleurs aucune faute technique n'a été relevée à sa charge ; qu'il suit de là que quelles qu'aient été les conditions de sa désignation, elles ne sont pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à engager la responsabilité du service public hospitalier ;
Considérant enfin qu'il ne résulte pas du rapport d'expertise ni d'aucune autre pièce du dossier que l'accident soit imputable à une défaillance du matériel utilisé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE TOULOUSE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse l'a déclaré responsable de cet accident et l'a condamné à indemniser Mme Gibrac et la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 14 mai 1984 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par Mme Gibrac et par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne devant le tribunal administratif de Toulouse sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE TOULOUSE, aux héritiers de Mme Gibrac, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne et au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale.