RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10
ARRÊT DU 13 AVRIL 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/08268 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFW5I
Décision déférée à la cour :
Jugement du 07 avril 2022-Juge de l'exécution de Bobigny-RG n° 21/08202
APPELANT
MonsieurAa[H] [E]
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représenté par Me Yael TRABELSI de la SELEURL YLAW AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1780
INTIMÉS
Madame [Ab] [W]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Plaidant par Me Franck MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C2117
Monsieur [V] [W]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Plaidant par Me Franck MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C2117
Madame [O] [B] veuve [U]
[Adresse 7]
[Localité 1]
Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Plaidant par Me Franck MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C2117
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, dans les conditions prévues par l'
article 804 du code de procédure civile🏛.
GREFFIER lors des débats : Mademoiselle Ac A'H
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du code de procédure civile🏛.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*****
Déclarant agir en vertu d'un jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Paris le 4 mai 2021, Mme [W], M. [W] et Mme [U], ci-après dénommés 'les consorts [W]' ont, le 13 juillet 2021, dressé un procès-verbal de saisie-attribution entre les mains de la société Crédit agricole et à l'encontre de M. [Aa], pour avoir paiement de la somme de 54 157,09 euros ; ladite saisie-attribution sera dénoncée au débiteur le 15 juillet 2021.
M. [Aa] ayant contesté cette mesure d'exécution devant le juge de l'exécution de Bobigny, qu'il a saisi par assignation en date du 3 août 2021, ce magistrat a selon jugement en date du 7 avril 2022 :
- rejeté la demande de sursis à statuer présentée par les défendeurs ;
- retenu son incompétence pour statuer sur la nullité de l'assignation qui avait été délivrée à Aa. [E] devant le Tribunal judiciaire de Paris et a rejeté en conséquence cette demande ;
- rejeté la demande de nullité de l'acquiescement à la saisie-attribution du 13 juillet 2021 ;
- rejeté la demande de nullité et de mainlevée de ladite saisie-attribution ;
- rejeté la demande de dommages et intérêts formée par M. [Aa] ;
- condamné M. [Aa] à payer à Mme [Ad], M. [W] et Mme [U] la somme de 1 200 euros en application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
- condamné M. [Aa] aux dépens.
Pour statuer ainsi, il a notamment relevé :
- que la plainte qui avait été déposée le 26 juillet 2021 à l'encontre de l'huissier de justice instrumentaire par M. [Aa] ne justifiait pas le prononcé d'un sursis à statuer ;
- qu'il n'a pas le pouvoir de modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, et ne peut donc statuer sur la régularité de l'assignation à comparaître devant le Tribunal judiciaire de Paris qui avait été délivrée à M. [Aa] le 19 février 2020 ;
- que le 26 juillet 2021, celui-ci a signé un acte d'acquiescement à la saisie-attribution querellée tandis qu'il n'est pas démontré qu'à cette date l'huissier de justice savait qu'une contestation était à venir ;
- que de plus, M. [Aa] bien qu'âgé de 79 ans ne se trouvait pas en situation de faiblesse.
Selon déclaration en date du 21 avril 2022, M. [Aa] a relevé appel de ce jugement.
En ses conclusions notifiées le 10 janvier 2023, il expose :
- qu'il a été assigné à comparaître devant le Tribunal judiciaire de Paris par acte en date du 19 février 2020, à une mauvaise adresse, au [Adresse 4] (94), ancien siège de la société dont il avait été le gérant mais à laquelle il ne réside pas ; que son nom ne figurait pas sur la boîte aux lettres ; que l'huissier de justice ne s'est pas livré à des recherches suffisantes ;
- qu'il en est résulté un grief ;
- que le juge de l'exécution est bien compétent pour statuer sur les difficultés relatives aux titres exécutoires et peut donc statuer sur cette question ;
- que son fils a réclamé les pièces à l'huissier de justice le 27 juillet 2021; que lui-même s'est rendu à son étude uniquement pour récupérer ces documents et non pas pour signer un acte d'acquiescement ;
- que l'huissier de justice lui a fait signer cet acte de façon frauduleuse, alors même qu'il savait pertinemment qu'une contestation était imminente ;
- qu'il est âgé de 80 ans, et était sujet à un état d'anxiété et à des insomnies qui nuisaient à son discernement ; qu'il a été ainsi victime d'un abus de faiblesse.
M. [Aa] demande en conséquence à la Cour de :
- infirmer le jugement ;
- prononcer la nullité de la saisie-attribution et de son acte de dénonciation ;
- ordonner la mainlevée de ladite saisie-attribution ;
- condamner les consorts [W] au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de saisie ;
- les condamner au paiement de la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner aux dépens de première instance et d'appel.
Dans leurs conclusions notifiées le 13 février 2023, les consorts [W] répliquent :
- que M. [Aa] a signé un acte d'acquiescement, si bien que par application des
articles R 211-3 et R 211-6 du code des procédures civiles d'exécution🏛🏛, sa contestation de la saisie-attribution est irrecevable ;
- que cet acquiescement ne lui a nullement été extorqué ; que l'intéressé disposait de toutes ses facultés intellectuelles ; qu'il sera rappelé qu'il a pu se rendre seul à l'étude de l'huissier de justice, de même qu'au commissariat de police pour y porter plainte contre cet auxiliaire de justice ; que la teneur de son audition démontre qu'il était en pleine possession de ses moyens ;
- que les attestations adverses ne sont pas conformes aux dispositions de l'
article 202 du code de procédure civile🏛, alors que certaines d'entre elles n'avaient pas été versées aux débats en première instance ;
- qu'il n'est pas communiqué d'informations quant au devenir de la plainte susvisée ;
- que conformément à l'
article L 213-6 code de l'organisation judiciaire🏛, le juge de l'exécution peut examiner les litiges nés des titres exécutoires mais ne saurait annuler l'assignation délivrée à M. [Aa] ; que ce dernier a d'ailleurs relevé appel du jugement du Tribunal judiciaire de Paris fondant les poursuites ;
- qu'au demeurant, l'adresse à laquelle l'assignation a été délivrée est celle figurant dans l'en-tête d'un jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 6 avril 2017, un acte notarié du 7 mars 2012, un extrait kbis en date du 11 mars 2020, et ladite adresse a été confirmée par le tiers saisi lors de la saisie-attribution ;
- que les mentions de l'acte relatives aux diligences accomplies par l'huissier de justice pour vérifier cette adresse font foi jusqu'à inscription de faux.
Les consorts [Ad] demandent en conséquence à la Cour de confirmer le jugement, et de condamner M. [Aa] au paiement de la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
La saisie-attribution querellée a été régularisée le 13 juillet 2021 pour avoir paiement de la somme de 54 157,09 euros, et a été fructueuse à concurrence de 14 560,70 euros, sommes insaisissables déduites.
Par application de l'article R 211-6 du Code des procédures civiles d'exécution, le tiers saisi procède au paiement sur la présentation d'un certificat délivré par le greffe ou établi par l'huissier de justice qui a procédé à la saisie attestant qu'aucune contestation n'a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie. Le paiement peut intervenir avant l'expiration de ce délai si le débiteur a déclaré ne pas contester la saisie. Cette déclaration est constatée par écrit.
M. [Aa] a signé, le 26 juillet 2021, un acte d'acquiescement à la saisie attribution du 13 juillet 2021. La contestation de la saisie attribution encourt dès lors l'irrecevabilité sauf à annuler ledit acte d'acquiescement, lequel est rédigé comme suit : 'Je, soussigné Mr [Aa] [H] (suit l'adresse) reconnais avoir pris connaissance de la saisie-attribution pratiquée en date du 13 juillet 2021 à la requête de (suivent les noms et adresses des créanciers) entre les mains de CRCAM de [Localité 9] et d'Ile de France (suit l'adresse de la banque), dès à présent et conformément aux dispositions de l'article R 211-6 du code des procédures civiles d'exécution, je déclare ne pas contester cette saisie-attribution et y acquiescer. Fait à [Localité 9] le 26-07-2021, Bon pour acquiescement de la saisie-attribution (ces mots manuscrits)' avec sa signature. L'appelant ne déniant pas celle-ci, il lui incombe de démontrer qu'il se trouvait alors en état d'insanité d'esprit ou que l'huissier de justice instrumentaire l'a incité à signer à l'aide d'un artifice quelconque.
Le jour même, à 15 h 47, M. [Aa] a déposé une plainte au commissariat de police de [Localité 9] pour abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne vulnérable pour la conduire à un acte ou à une abstention préjudiciable. Il a indiqué s'être rendu à l'étude de l'huissier de justice pour se voir remettre l'ensemble des actes relatifs au litige, ce qui lui a été refusé, et que son compte banacire étant bloqué, Maître [K] lui avait présenté un document à signer en lui indiquant que cela allait débloquer son compte. Il a précisé qu'il lui avait fait confiance sans plus poser de questions, et qu'ayant appelé son conseil, ne sachant pas exactement ce qu'il avait signé, pour lui expliquer la situation, il est revenu à l'étude de l'huissier de justice lequel lui a demandé de sortir.
Le 27 juillet 2021, le conseil de M. [Aa] a adressé un signalement à la chambre des huissiers de justice de [Localité 9], faisant état du litige avec Maître [K], et précisant qu'il avait invité son client à se rendre à l'étude avec en main une copie du projet d'assignation et du courrier de son confrère, dans le seul but d'obtenir une copie des actes liés au litige, à la suite de quoi Maître [K] lui avait proposé de mettre fin à celui-ci en signant en bas de page, ce qui permettrait de débloquer son compte bancaire et de se voir restituer les fonds saisis. Il ajoutait que cet huissier de justice aurait d'autant moins dû agir ainsi qu'il connaissait son intervention et que son client était âgé de 80 ans.
Un certificat médical du 27 juillet 2021 indique que le débiteur est très anxieux depuis une semaine et souffre d'insomnies, ces troubles faisant suite à un courrier adressé par un huissier ; il précise que cela pourrait nuire à son discernement. Le 30 juillet 2021, le même médecin a attesté que M. [Aa] prenait des médicaments psychotropes. Ces deux documents ne constituent pas des attestations à proprement parler si bien que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne leur sont pas applicables. Il s'ensuit queAaM. [E], alors âgé de 79 ans, n'était pas en pleine possession de sa capacité de discerner lors de la signature de l'acquiescement querellé.
Par ailleurs, il s'avère que lors de l'établissement de ce dernier, l'huissier de justice, la SCP Calippe & associés, était informé de ce que Maître [Z] intervenait au soutien des intérêts de MAa [E] , car dès le 13 juillet 2021 cette dernière lui avait envoyé un email aux fins d'obtenir communication des pièces. Par ailleurs, l'avocat des créanciers avait répondu 'vous m'indiquez vouloir contester la saisie-attribution' ce qui démontre qu'il savait que ladite contestation était imminente. Même s'il n'est pas démontré que l'huissier de justice en était informé, sa connaissance de l'intervention d'un avocat au soutien des intérêts du débiteur lui interdisait de faire signer à ce dernier un acte d'acquiescement, dont manifestement il n'avait pas réalisé l'entière portée, ayant seulement compris que cela lui permettrait de faire débloquer son compte immédiatement, mais non pas que cela interdirait toute contestation future.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de l'acquiescement à la saisie-attribution du 13 juillet 2021.
La contestation de M. [Aa] étant recevable il convient de l'examiner. L'appelant soulève la nullité de l'assignation qui lui avait été délivrée à comparaître devant le Tribunal judiciaire de Paris.
Selon l'
article R 121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution🏛, le Juge de l'exécution ne peut pas modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites. Or annuler l'assignation qui avait été délivrée à M. [Aa] aurait pour conséquence l'irrecevabilité des prétentions des consorts [W]. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a refusé de faire droit à cette demande, et par voie de conséquence en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation et de mainlevée de la saisie-attribution et de son acte de dénonciation, ainsi que la demande de dommages et intérêts présentées paAa M. [E].
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice des consorts [W].
M. [Aa] sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
- INFIRME le jugement en date du 7 avril 2022 en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'acte d'acquiescement à la saisie-attribution signé par M. [H] [Aa] ;
- CONFIRME le jugement pour le surplus ;
- REJETTE la demande de [Y] [W], [V] [W] et [O] [U] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE M. [H] [Aa] aux dépens d'appel.
Le greffier, Le président,