CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 56858
Kessler
Lecture du 09 Decembre 1988
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu la requête enregistrée le 8 février 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jacques KESSLER, demeurant 14 rue de Londres à Paris (75009), et tendant à l'annulation d'une décision de la chambre de discipline de la Compagnie nationale des conseils en brevets d'invention en date du 2 décembre 1983 qui a prononcé sa radiation de la liste nationale des conseils en brevets d'invention,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;
Vu la loi n° 81-736 du 4 août 1981 portant amnistie ;
Vu le décret n° 76-671 du 13 juillet 1976 relatif à la qualification professionnelle en matière de brevets d'invention et portant organisation et régime disciplinaire de la profession de conseil en brevets d'invention ;
Vu l'arrêté du 8 septembre 1977 du Garde des Sceaux, ministre de la justice portant sur la composition de la Chambre de discipline des conseils en brevets d'invention ;
Vu le règlement intérieur de la compagnie nationale des conseils en brevets d'invention ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Lamy, Auditeur, - les observations de Me Blanc, avocat de M. Jacques KESSLER et de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de la compagnie nationale des conseils en brevets d'invention (C.N.C.B.I.), - les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la décision attaquée :
Sur le défaut de consultation de la compagnie nationale des conseils en brevets d'invention :
Considérant qu'aux termes de l'article 18 du décret susvisé du 13 juillet 1976 : " ... La composition de la chambre de discipline est fixée par un arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé de la propriété industrielle, après avis de la compagnie ..." ;
Considérant que ces dispositions ne concernent que la composition de ladite chambre et non la désignation de ses membres pour laquelle une telle procédure n'est pas prévue ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté fixant la composition de la chambre de discipline a été pris après consultation de la compagnie des conseils en brevet d'invention ;
Sur la composition de la chambre de discipline qui a rendu la décision :
Considérant qu'en vertu de l'article 3 de l'arrêté susmentionné du 8 septembre 1977 : " ... Les décisions sont rendues par les membres devant lesquels l'affaire a été évoquée" ;
Considérant qu'il ressort des termes même de la décision attaquée que celle-ci a été rendue par les membres devant lesquels l'affaire avait été évoquée la veille ;
Sur la violation de l'article 22 du décret du 13 juillet 1976 :
Considérant qu'aux termes dudit décret : "La chambre entend le conseil en brevets d'invention, le cas échéant, l'auteur de la plainte et tous temoins utiles ..." ;
Considérant que l'audition de témoins relève de l'appréciation souveraine du juge de fond ; qu'ainsi le moyen tiré par M. KESSLER de ce que la chambre aurait à tort refusé d'entendre des témoins dont il demandait l'audition ne saurait être accueilli ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Sur les moyens tirés de ce que la chambre disciplinaire aurait entaché sa décision d'erreur de fait et d'erreur de droit et inexactement qualifié les conditions dans lesquelles M. KESSLER exerçait : Considérant, d'une part, qu'il résulte des articles 4 et 7 du décret susvisé du 13 juillet 1976 que la possession de son domicile professionnel en France et la capacité d'y offrir de manière habituelle ses services au public sont au nombre des conditions exigées pour être inscrit sur la liste nationale des conseils en brevets d'invention ; qu'il résulte des pièces versées au dossier soumis au juge du fond que M. KESSLER était résident américain depuis mars 1981, qu'il était en voie de céder la majeure partie de ses intérêts dans son cabinet français et qu'il dirigeait aux Etats-Unis un cabinet qui occupait l'essentiel de ses activités ; que la chambre de discipline, qui n'a pas entendu sanctionner le changement de domicile professionnel de l'intéressé, a pu, en se fondant sur les faits ci-dessus rappelés qui ne sont pas entachés d'inexactitude matérielle, légalement estimer que M. KESSLER, qui n'avait pas, comme l'article 12 du règlement intérieur lui en faisait l'obligation, avisé le Président de la compagnie des modifications du mode d'exercice de sa profession résultant de ce changement de domicile et qui avait continué de se prévaloir du titre de conseil en brevet d'invention alors qu'il ne remplissait plus les conditions pour être inscrit sur la liste nationale, avait manqué à ses obligations professionnelles ; Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6 du règlement intérieur de la compagnie des conseils en brevets d'invention : "Les membres de la compagnie doivent appliquer tous les soins à servir avec diligence et au mieux de leurs possibilités les intérêts qui leur sont confiés" ; que la chambre de discipline a pu légalement estimer que le défaut de règlement des factures de certains correspondants étrangers par M. KESSLER constituait un manquement à ses obligations ;
Sur la gravité de la sanction :
Considérant que l'appréciation à laquelle se livre la chambre de discipline de la compagnie nationale des conseils en brevets d'invention pour appliquer une sanction déterminée, compte tenu de la gravité des faits reprochés à l'intéressé, n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;
Sur le moyen tiré de ce que les faits reprochés auraient dû être déclarés amnistiés :
Considérant que le défaut de règlement des factures de certains correspondants étrangers constituait un manquement à la probité ; qu'il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que les autres agissements qui sont à l'origine de la procédure disciplinaire soit se sont prolongés après le 22 mai 1981, soit ont été commis postérieurement à cette date ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que, par la décision attaquée, la chambre de discipline de la compagnie nationale des conseils en brevets d'invention aurait méconnu les dispositions de la loi du 4 août 1981 portant amnistie ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. KESSLER n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Article 1er : La requête de M. KESSLER est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. KESSLER, à la compagnie nationale des conseils en brevets d'invention et au Garde des sceaux, ministre de la justice.