SOC.
BD4
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 avril 2023
Cassation
M. SOMMER, président
Arrêt n° 342 FS-B
Pourvois n°
Y 21-23.427
A 21-23.429 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 AVRIL 2023
I. Le CSE central Technip France, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 21-23.427 contre le jugement (RG n° 21/01569) rendu le 8 octobre 2021 par le président du tribunal judiciaire de Nanterre, statuant selon la procédure accélérée au fond,
dans le litige l'opposant à la société Technip énergies France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée Technip France,
défenderesse à la cassation.
II. Le CSE central Technip France a formé le pourvoi n° A 21-23.429 contre le jugement (RG n° 21/01606) rendu le 8 octobre 2021 par le président du tribunal judiciaire de Nanterre, statuant selon la procédure accélérée au fond, dans le litige l'opposant à :
1°/ la société Technip énergies France, société par actions simplifiée, anciennement dénommée Technip France,
2°/ la société Sextant expertise, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de chacun de ses pourvois, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat du CSE central Technip France, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Technip énergies France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Sextant expertise, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 février 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Aa, Mmes Sommé, Bouvier, Bérard, conseillers, Mme Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'
article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Y 21-23.427 et n° A 21-23.429 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les jugements attaqués (président du tribunal judiciaire de Nanterre, 8 octobre 2021, n° R.G 21/01569 et n° R.G 21/01606), statuant selon la procédure accélérée au fond, la société Technip France, désormais dénommée Technip énergies France (la société), a convoqué le comité social et économique central de la société Technip France (le comité) à une réunion ayant parmi les sujets à l'ordre du jour celui de l'information sur la participation et l'intéressement 2020. Lors de cette réunion, le 8 avril 2021, le comité a voté le recours à une expertise pour l'assister dans l'examen du calcul de la réserve spéciale de participation et a désigné la société Sextant expertise (l'expert).
3. Le comité a saisi le président du tribunal judiciaire afin de juger que cette expertise, votée sur le fondement de l'
article D. 3323-14 du code du travail🏛, est une expertise légale et doit être prise en charge intégralement par l'employeur et en conséquence d'enjoindre à la société de prendre en charge intégralement les honoraires de l'expert (n° R.G 21/01569).
4. Parallèlement, la société a saisi le président du tribunal judiciaire afin de juger qu'elle n'a pas l'obligation légale de prendre en charge l'expertise votée par le comité au titre de l'article D. 3323-14 du code du travail qui doit être à la charge exclusive du comité. Elle a sollicité à titre subsidiaire la réduction du coût prévisionnel de l'expertise (n° R.G 21/01606).
5. L'expert est intervenu aux instances.
Examen des moyens
Sur les moyens, pris en leur première branche, rédigés en des termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
6. Le comité fait grief au jugement n° R.G 21/01569 de juger que l'expertise votée par lui dans le cadre des dispositions de l'article D. 3323-14 du code du travail est à la charge du comité exclusivement et de rejeter ses demandes, et au jugement n° R.G 21/01606 de juger que l'expertise votée par lui dans le cadre des dispositions de l'article D. 3323-14 du code du travail est à la charge du comité exclusivement, alors « que l'expert-comptable désigné par le comité social et économique en vue de l'assister pour l'examen du rapport annuel relatif à la réserve spéciale de participation est rémunéré par l'employeur ; que, pour dire que l'expertise votée par le comité social et économique central de la société Technip France dans le cadre des dispositions de l'article D. 3323-14 du code du travail est à la charge du comité exclusivement, le tribunal judiciaire a retenu que seules les expertises mentionnées au 1° de l'
article L. 2315-80 du code du travail🏛 sont intégralement financées par l'employeur, que l'expertise prévue par l'article D. 3323-14 du code du travail n'y est pas mentionnée et qu'aucune disposition légale ne prévoit plus le financement de celle-ci par l'employeur, dès lors que l'
article L. 2325-35 du code du travail🏛, qui prévoyait le financement de cette expertise par l'employeur et auquel renvoie expressément l'article D. 3323-14, a été abrogé ; qu'en se déterminant ainsi, cependant qu'il appartenait à la société Technip France de prendre en charge le coût de l'expertise comptable que le comité social et économique central de la société Technip France avait diligenté sur le fondement de l'article D. 3323-14 du code du travail en sa rédaction issue du
décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017🏛, dès lors que le renvoi par ce texte aux dispositions de l'article L. 2325-35 du même code, nonobstant leur abrogation, implique sans équivoque la volonté du législateur de maintenir la prise en charge du coût de cette expertise par l'employeur, le tribunal judiciaire a violé l'article D. 3323-14 du code du travail en sa rédaction issue du décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017. »
Réponse de la Cour
Vu les
articles L. 2315-80, L. 2315-81, D. 3323-13 et D. 3323-14 du code du travail🏛🏛 :
7. Aux termes de l'article L. 2315-80 du code du travail, lorsque le comité social et économique décide du recours à l'expertise, les frais d'expertise sont pris en charge :
1° Par l'employeur concernant les consultations prévues par les articles L. 2315-88, L. 2315-91, au 3° de l'article L. 2315-92 et au 1° de l'article L. 2315-94 ainsi qu'au 3° du même article L. 2315-94 en l'absence de tout indicateur relatif à l'égalité professionnelle prévu à l'article L. 2312-18 ;
2° Par le comité, sur son budget de fonctionnement, à hauteur de 20 %, et par l'employeur, à hauteur de 80 %, concernant la consultation prévue à l'article L. 2315-87 et les consultations ponctuelles hors celles visées au deuxième alinéa ;
3° Par l'employeur concernant les consultations mentionnées au 2° du présent article, lorsque le budget de fonctionnement du comité social et économique est insuffisant pour couvrir le coût de l'expertise et n'a pas donné lieu à un transfert d'excédent annuel au budget destiné aux activités sociales et culturelles prévu à l'article L. 2312-84 au cours des trois années précédentes.
8. Aux termes de l'article L. 2315-81 du code du travail, par dérogation aux articles L. 2315-78 et L. 2315-80, le comité social et économique peut faire appel à tout type d'expertise rémunérée par ses soins pour la préparation de ses travaux.
9. Selon l'article D. 3323-13 du code du travail, l'employeur présente, dans les six mois qui suivent la clôture de chaque exercice, un rapport au comité social et économique qui comporte notamment les éléments servant de base au calcul du montant de la réserve spéciale de participation des salariés pour l'exercice écoulé et des indications précises sur la gestion et l'utilisation des sommes affectées à cette réserve.
10. Aux termes de l'article D. 3323-14 du code du travail, lorsque le comité social et économique est appelé à siéger pour examiner le rapport relatif à l'accord de participation, les questions ainsi examinées font l'objet de réunions distinctes ou d'une mention spéciale à son ordre du jour. Le comité peut se faire assister par l'expert-comptable prévu à l'article L. 2325-35.
11. Les dispositions de l'ancien article L. 2325-35 du code du travail relatives au recours à un expert-comptable par le comité d'entreprise, désormais abrogé, auxquelles l'article D. 3323-14 renvoie, figuraient dans une sous-section « experts rémunérés par l'entreprise » précisant, à l'ancien article L. 2315-40, que l'expert-comptable est rémunéré par l'entreprise.
12. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'expertise, décidée par le comité social et économique appelé à siéger pour examiner le rapport relatif à l'accord de participation devant lui être présenté par l'employeur dans les six mois qui suivent la clôture de chaque exercice, participe de la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l'entreprise prévue à l'
article L. 2315-88 du code du travail🏛 et ne relève pas du champ d'application de l'article L. 2315-81 précité. En conséquence, l'expert-comptable désigné par le comité social et économique en vue de l'assister pour l'examen du rapport annuel relatif à la réserve spéciale de participation est rémunéré par l'employeur selon les modalités de l'
article L. 2315-80, 1°, du code du travail🏛.
13. Pour laisser à la charge du comité les frais de l'expertise décidée au titre de l'article D. 3323-14 du code du travail, les jugements retiennent que le cofinancement des expertises est devenu le principe, figurant désormais à l'article L. 2315-80 du code du travail, de sorte que les expertises faisant l'objet d'un financement intégral par l'employeur sont désormais des exceptions mentionnées au 1° de cet article, que l'article D. 3323-14 renvoie à un texte désormais abrogé et qu'il n'existe plus aucune disposition légale renvoyant à l'expert-comptable en indiquant qu'il est rémunéré par l'employeur.
14. Les jugements ajoutent que le régime de financement des expertises résulte désormais exclusivement des articles L. 2315-80 et L. 2315-81 du code du travail ne prévoyant pas le financement de l'expertise objet du litige et que celle-ci a lieu nécessairement dans le cadre d'une procédure d'information alors qu'aucune des dispositions légales en vigueur relatives au financement en tout ou partie par l'employeur ne concerne une expertise dans le cadre d'une information du comité social et économique.
15. En statuant ainsi, le président du tribunal judiciaire a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les jugements n° R.G 21/01569 et n° R.G 21/01606 rendus le 8 octobre 2021, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Nanterre, statuant selon la procédure accélérée au fond ;
Remet les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces jugements et les renvoie devant le président du tribunal judiciaire de Versailles, statuant selon la procédure accélérée au fond ;
Condamne la société Technip énergies France aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, condamne la société Technip énergies France à payer au comité social et économique central Technip France la somme globale de 2 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des jugements cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.